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droit, rentreront dans le patrimoine du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire, sans qu'ils puissent demeurer affectés, même subsidiairement, à la restitution de la dot de la femme de ce donataire, de ces reprises ou autres conventions matrimoniales; ce qui aura lieu quand même la donation aurait été faite en faveur du mariage du donataire et insérée dans le contrat, et que le donateur se serait obligé comme caution, par la donation, à l'exécution du contrat de mariage.

742. Que la révocation par survenance d'enfant fasse rentrer les biens donnés dans le patrimoine du donateur libres de toutes charges créées par le donataire, et fasse évanouir les aliénations ou concessions de droits réels que ce donataire aurait pu faire, c'est là le droit commun, l'effet ordinaire de toute condition résolutoire et l'application de cette règle générale : soluto jure dantis, solvitur jus accipientis. On dirait également d'après le droit commun, et quand même notre article n'existerait pas, que le bien donné ne peut pas rester, de plein droit, soumis subsidiairement à l'hypothèque de la femme du donataire pour sa dot et ses conventions matrimoniales, par cela seul que la donation a été faite dans le contrat de mariage; car cette restriction apportée à la résolution dans le cas de retour conventionnel, par l'art. 952, n'est qu'une exception, et ne peut dès lors exister que dans le cas pour lequel la loi l'a formellement écrite.

Mais notre article va plus loin, et il déroge au droit commun en défendant que cette soumission subsidiaire du bien à l'hypothèque de la femme puisse avoir lieu, alors même que le donateur la consentirait expressément et déclarerait se porter caution de l'exécution du contrat de mariage. L'hypothèque et le cautionnement, par lui consentis de la manière la plus formelle pour le cas de survenance d'enfant, se trouveraient annulés par cette survenance. Cette défense, au reste, n'est que la conséquence du principe général de l'art. 965, qui déclare nulle toute clause ou convention par laquelle le donateur aurait renoncé à la révocation par survenance d'enfant. Et nous pensons (comme M. Coin-Delisle, no 4) qu'il en serait ainsi, lors même que l'hypothèque ou le cautionnement, ou l'un et l'autre tout ensemble, ne seraient consentis par le donateur que postérieurement et par un acte séparé; car ce n'en serait pas moins un acte tendant à empêcher, au profit de la femme du donataire, la révocation pour survenance d'enfant, acte, dès lors, qui se trouverait fait en fraude de l'art. 965.

743. Mais, bien entendu, l'hypothèque et le cautionnement, consentis par une personne sans enfants, resteraient valables, malgré la survenance d'enfants, si cette personne n'avait pas fait de donation au mari, car alors elles ne sauraient avoir pour but de protéger contre la révocation une donation qui n'existe pas (1).

(1) Conf. Furgole (art. 42 de l'ord.), Maleville, Toullier (V-315), Vazeille (no 2), Coin-Delisle (no 5).

964. Les donations ainsi révoquées ne pourront revivre ou avoir de nouveau leur effet, ni par la mort de l'enfant du donateur, ni par aucun acte confirmatif; et si le donateur veut donner les mêmes biens au même donataire, soit avant ou après la mort de l'enfant par la naissance duquel la donation avait été révoquée, il ne le pourra faire que par une nouvelle disposition.

744. La survenance d'un enfant faisant évanouir la donation et la réduisant au néant, il est clair que ni la mort de cet enfant, ni aucune ratification tacite ou formelle, ni aucune autre circonstance que ce soit ne peut valider cette donation qui n'existe plus. Le seul moyen de faire revenir à l'ex-donataire la propriété qu'il a perdue, c'est de lui faire une donation nouvelle. On voit, au surplus, que cette donation nouvelle pourrait très-bien être faite immédiatement et du vivant de l'enfant, ce qui prouve clairement que si la donation est révoquée dans l'intérêt de cet enfant, ce n'est pas cependant à lui, mais à son auteur, que le droit de révocation est conféré.

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965. Toute clause ou convention par laquelle le donateur aurait renoncé à la révocation de la donation pour survenance d'enfant, sera regardée comme nulle, et ne pourra produire aucun effet.

745. La personne sans enfants qui, en faisant une donation, déclarerait positivement que sa volonté serait la même si elle avait des enfants, et qu'elle entend, dès lors, que la donation reste irrévocable malgré toute survenance d'enfant, ne saurait pas même ce qu'elle dit: celui qui n'a pas d'enfants ne sait pas, ne peut pas savoir ce qu'il ferait s'il en avait; et la survenance postérieure d'un enfant pourrait lui faire regretter son imprudence. La loi déclare donc nulle toute clause ou convention tendant à empêcher la révocation pour cette cause; en sorte que le donateur ne pourra se dépouiller de son droit de révocation, en aucune manière que ce soit, ni directement ni indirectement, ni avant ni après la naissance de l'enfant.

Nous disons qu'il ne le pourrait pas même après la naissance de l'enfant. C'est évident; car la déclaration que ferait alors le donateur, qu'il cède et abandonne au donataire son droit de révocation, ne serait pas une donation nouvelle, mais tout simplement la confirmation de la donation précédente; or, comme nous l'avons déjà dit, on ne peut pas confirmer ou valider le néant.

966. Le donataire, ses héritiers ou ayants cause, ou autres détenteurs des choses données, ne pourront opposer la prescription pour faire valoir la donation révoquée par la survenance d'enfant, qu'après une possession de trente années, qui ne pourront commencer à courir que du jour de la naissance du dernier enfant

du donateur, même posthume; et ce, sans préjudice des interruptions, telles que de droit.

746. L'action tendant à faire rentrer en fait dans le patrimoine du donateur, le bien que la révocation par survenance d'enfant y a déjà replacé en droit, est prescriptible comme toute autre; et si le donateur ou ses représentants ne l'intentent pas dans le délai voulu, le bien, après avoir échappé au donataire ou à ses ayants cause, en tant que bien donné, leur appartiendra de nouveau comme ayant été prescrit.

La loi a donc laissé subsister ici la prescription; mais elle l'a rendue plus difficile à obtenir, soit quant à son point de départ, soit quant à sa durée. Et d'abord, il y a dérogation au droit commun quant au point de départ de la prescription, puisqu'elle devrait courir, en principe, du jour où l'on a pu agir, c'est-à-dire du jour de la naissance du premier enfant du donateur; tandis que notre article ne la fait courir que de la naissance du dernier. Il y a dérogation encore, quant à la durée de cette prescription pour les tiers; car l'art. 2265 veut que le tiers qui acquiert avec juste titre et bonne foi prescrive par 10 ou 20 ans, tandis que notre article déclare que non-seulement le donataire ou ses héritiers et représentants, mais aussi tous autres détenteurs des choses données, ne pourront prescrire que par trente ans.

747. La loi nous dit qu'il faudra appliquer ici les règles ordinaires sur les interruptions de prescription (art. 2242 et suiv.); mais il est évident que, sous le nom d'interruptions, elle entend aussi les suspensions (art. 2251 et suiv.); ainsi, cette prescription de trente années serait certainement suspendue si le donateur ou ses héritiers se trouvaient interdits ou mineurs. C'est évident, disons-nous; et en effet, puisque la loi (afin de donner aux enfants plus de chances de trouver l'action en restitution dans la succession de leur auteur) s'est écartée ici du droit commun pour rendre la prescription plus difficile, ce serait la mettre en contradiction avec elle-même que de prétendre qu'elle veut faciliter cette prescription en la faisant courir contre des personnes au profit desquelles elle l'arrête partout ailleurs.

748. Le texte, au surplus, s'exprime inexactement quand il dit qu'après trente ans le donataire pourrait opposer la prescription pour faire valoir la donation; car nous avons vu que la donation est irrévocablement frappée de mort par la survenance d'enfant, et qu'elle ne peut jamais valoir par aucune cause que ce soit. Le donataire, il est vrai, opposera la prescription pour conserver le bien donné qu'on ne lui aura pas fait rendre; mais ce ne sera pas en faisant valoir la donation, ce sera tout simplement en invoquant l'effet direct de la prescription qu'il oppose: puisque cette prescription est, tout comme la donation, un mode d'acquisition de propriété. Ainsi, il conservera le bien, non pas comme étant donné, mais comme ayant été prescrit.

Et cette différence dans le principe de propriété entraîne, on le conçoit, des différences dans les résultats. Si c'était en faisant valoir la donation que le donataire dût conserver le bien, il y aurait lieu à

réduction dans le cas où ce don excéderait la quotité disponible; il y aurait lieu à rapport, si le donataire (après la mort de l'enfant dont la naissance a produit la révocation) devenait l'un des cohéritiers du donateur; il pourrait encore y avoir lieu à une nouvelle révocation pour ingratitude; puis le donataire pourrait se trouver tenu de fournir des aliments au donateur. Au contraire, la donation étant et restant complétement effacée et le bien ne pouvant appartenir de nouveau à l'exdonataire que par prescription, il n'y aura plus ni donataire ni donateur, et il ne pourra jamais être question ni de réduction, ni de rapport, ni d'aliments, ni d'ingratitude.

FIN DU TOME TROISIÈME.

De la nécessité du dessaisissement actuel et irrévocable (art. 943-950). .
Du retour conventionnel (art. 951-952). . . .

· Des exceptions à l'irrévocabilité des Donations entre-vifs.

De la révocation pour inexécution des charges (art. 953-954).
De la révocation pour cause d'ingratitude (art. 955-959).
De la révocation pour survenance d'enfant (art. 960-966).

Dissertation sur la révocation par l'adoption.

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PARIS.- IMPRIMÉ PAR E. THUNOT ET C,
rue Racine, 26, près de l'Odéon.

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