transcription de Aúxea (1). Toutefois le reproche grave que l'on doit objecter à ces corrections, c'est qu'en faisant sortir urbis de la proposition relative, l'on détruit le parallélisme entre portus pedeon et urbis plicia, qui doit être, à notre avis, maintenu. Il faut donc suppléer quem, ou quem locum devant urbis et la chute de ces mots s'explique aisément par I'm qui les termine, comme elle termine adsurgentem. Mais quel est le mot que cache plicia? Fröhner proposait. p[o][s]ma, en regrettant de ne pas trouver mieux (2), ce qui nous dispensera de discuter cette hypothèse. M. Camille Jullian pense à plocia, wλóxia, de πλόκιον, οι πλοκή, mots designant les ouvrages de corderie ou de vannerie ce serait le quartier des corderies ou des vanneries de Marseille (3). La conjecture est ingénieuse mais si wλóxia signifie ouvrages en vannerie ou corderie, je ne vois pas qu'il soit attesté dans le sens d'ateliers ou de quartiers des vanniers et des cordiers. : M. Paul Collart me propose de voir en plicia unc déformation de nota: les environs, la banlieue, et cette conjecture favoriserait la théorie de certains savants (") qui pensent que c'est en effet ce que Cornutus voulait dire. Mais à supposer que (τὰ) πλήσια ait pu être employé pour désigner les environs d'une ville, ce n'est évidemment pas un terme technique, et c'est un terme technique que l'on attend ici, et qui fasse pendant à pedeon on ne s'expliquerait pas autrement que le scoliaste ait transcrit et non traduit le mot grec. Or il me semble qu'on peut trouver un terme technique, et qui soit attesté. Mais, avant de le proposer, remarquons que ce terme n'avait pas nécessairement la même longueur que l'inintelligible plicia. La corruption a pu être Usener ap. FRÖHNER, Scolies relatives à l'histoire et à la topographie de Marseille, dans Revue archéologique; t. XVIII (1o s.) [1891], p. 328: (2) FRÖHNER, loc. laud. (3) C. JULLIAN, loc. laud., p. 335-336, n. 6. (*) C'est la doctrine de M. F. Raynaud que M. Clerc veut bien me signaler et qu'il discutera dans son Histoire de Marseille. causée par la chute d'une ou plusieurs lettres à l'intérieur du mot et c'est ce qu'a vu Fröhner, bien que sa conjecture ne satisfasse ni à la paléographie ni au sens. Or ces altérations peuvent se produire sous diverses influences. Les lecteurs de papyrus connaissent bien ces griffonnages des scribes qui souvent, dans les formules fréquentes, ne tracent que quelques lettres, les premières et les dernières, des termes habituels, tels que Καίσαρος et Σεβαστοῦ, quand ils ne les remplacent pas par un simple gribouillage; cette précipitation amène parfois des graphies telles que Βάσσης pour Βασιλίσσης, comme dans P. Grenf., I, 24, 1. 6). Des fautes de ce genre se produisent aussi par haplographie dans des sages où l'on ne relève aucune trace de précipitation, et c'est ainsi que l'on rencontre δισχιας pour δισχιλίας (2), ανατρούμενους pour ἀναμετρουμένους (3), επαριου pour ἐπαρουρίου (4) et meme αργου pour ἀργυρίου (5). Enfin il est possible que des contractions analogues soient des abréviations voulues et c'est, on le sait, une question controversée, que de savoir si le système employé, à l'époque chrétienne pour les Nomina sacra, ᎾᏟ pour θεός, etc., ou ἐν κῶ = ἐν κυρίῳ (0), ne remonte pas à une (1) Sur ces griffonnages, WILCKEN, Grundzüge, p. XLII. (*) Ibid., p. xli, n. 4. pas (3) Bibliothèque de l'École des Hautes Études, Sc. hist. et phil., t. CCXXX, n° 1, I. 9; correction de P. Collart, p. 294. (C. C. EDGAR, Annales du service des antiquités, XX, p. 27, no 52. (5) P. Petrie, II, 4 (2). La correction est d'A. WILHELM, Zeitschrift für den österreichischen Gymnasien, 45, 1894, p. 910; cf. p. 912, et je crois qu'il faut l'adopter malgré WILCKEN, Göttingische Gelehrte Anzeigen, 1895, p. 147. Il y a, certes, toujours danger de se séparer de Wilcken, en matière de papyrus; ici il a voulu conserver l'opposition entre ȧpyou et xáτepyov. Mais sa traduction d'apyou reste embarrassée. Le sens qu'il donne à xáτeрyov est possible; il n'est point assuré. Sur ce mot, je renvoie au commentaire de P. Lille, 39-52 (sous presse). BOUCHE-LECLERCQ, Revue des Études grecques, 21, 1908, p. 138, avait tenté des deux mots pjov et xáτepyov une traduction, qui ne me paraît pas acceptable. Quant à dpyúpiov, celte lecture me semble corroborée par les textes provenant du meme dossier, voir en particulier (5), 1. 2 : μήπω σε εἰληφέναι ταργύ ριον, etc. En revanche on ne saurait admettre Σολειων - Σελευκείων dans P. Petrie, II, 45, II, 1. 8, voir WILCKEN, Chrest., I, 1, p. 5, n. 8. (6) WILCKEN, Grundzüge, p. XLIII. = antiquité plus haute, en sorte qu'on ne saurait dire si c'est par méconnaissance d'une abréviation correcte ou par simple étourderie qu'il faut expliquer des fautes comme Μιλησίων pour Μιτυληναίων dans le papyrus de Didyme) ou Caria pour Calauria, dans les manuscrits du Curculio (2). Il ne paraît pourtant pas vraisemblable que la fausse leçon du Codex Bernensis remonte à une abréviation : un terme technique n'aurait pas été abrégé et nous pouvons observer que notre copiste est plus distrait qu'il ne le faudrait. A en juger par le genre de fautes qu'il commet, il copie son modèle presque lettre à lettre. Ses erreurs viennent de l'œil plus que de l'oreille. C'est ce que montre la nature des fautes dans la scolie même que le lecteur a sous les yeux: PONCTUATION MAL PLACÉE: illi. C. Pour illic. Peut-être le copiste a-t-il cru que le C. faisait partie du chiffre suivant. CONFUSION DE LETTRES QUE NE JUSTIFIE PAS UNE IDENTITÉ DE SONS: ad porte pour ad portu. OMISSIONS: Itera pour altera. adsurgente urbis pour adsurgente que urbis et peut-être LX pour LXXX, car l'omission paraît un péché si ordinaire à notre copiste qu'on peut tenter de mettre ainsi Cornutus d'accord avec César (3). Confusions de lettres et omission d'un élément intercalé entre deux éléments crus semblables, voilà les fautes qui nous ont dérobé le mot dissimulé derrière plicia et que nous trouvons dans les papyrus d'Égypte, pour signifier un quartier, dans les cités grecques construites en damiers, comme Alexandrie ou Antinooupolis. On sait (1) H. DIELS et W. SCHUBART, Berliner Klassiker Texte, Heft 1, p. xvi et 63. (2) La correction est de Ph.-E. LEGRAND, Observations sur le Curculio, dans Revue des Études anciennes, VII, 1905, p. 27-29. Je ne fais que citer quelques exemples. P. Perdrizet prépare un travail sur ces abréviations intérieures. (3) César donne 80 pieds à l'agger. Cependant Clerc accepta le chiffre de 60 pieds. qu'elles étaient divisées en grands arrondissements (ypáμuaτa) désignés par des lettres (A, B, г, A) et subdivisés en beia, numérotés). C'est le mot plintheia que je propose de lire ici. Urbis plintheia, ce sont les insulae de la ville, là du moins où ces quartiers sont formés par des rues longitudinales et transversales se coupant à peu près régulièrement à angle droit. La faute s'explique; le modèle de notre copiste est sans doute un manuscrit en minuscule et d'une écriture analogue à la sienne; après avoir copié les lettres pli, son œil s'est reporté sur l'h qu'il a lu li et cru avoir déjà transcrit; puis l'e suivant a été pris pour un c (voyez sur le fac-similé le second e de pedes) et c'est ainsi que plintheia est devenu plieia puis plicia. La confusion de li avec h n'est pas fréquente, et M. Louis Havet, dans son traité de critique verbale, ne la mentionne pas. Mais, si l'on veut bien regarder la manière dont la syllable li est tracée dans illi. c. ou plicia, on avouera que pour une écriture, telle que celle que nous avons sous les yeux, l'erreur n'est pas invraisemblable. On objectera peut-être que ☎λwešov, dans le sens où il est pris ici, ne s'est rencontré que pour Antinooupolis (2), ville fondée au e siècle de notre ère, et que ce doit être un terme local. A vrai dire, je n'en crois rien; pour désigner les insulae régulières de ces villes en damier, comme l'étaient déjà le Pirée d'Hippodamos et bien des villes grecques du ive siècle, comme le furent surtout les villes de l'époque hellénistique (3), l'expression est toute naturelle, qui assimile justement ces quartiers réguliers soit à une dalle ou à une brique), soit à un carré ou un rectangle tracé sur une feuille de papier). Un jour ou (1) P. Jouguet, La vie municipale dans l'Égypte romaine, p. 2 et 149; Ernst KUHN, Antinooupolis, p. 27 et suiv. (2) KÜHN, loc. laud., p. 27, n. 2. (3) F. HAVERFIELD, Ancient Town-Planning, p. 29 et suiv., p. 40 et suiv. (*) Bull. Corr. Hell., VI, p. 29, 1. 108-109: λéorτоS проτоμỶ Èμ πλινθείωι. (*) P. Lille, 1, 1. 8, interl. : ὡς διαγέγραπται ἐμ πλινθείων. l'autre les textes nous la révéleront sans doute ailleurs qu'en Égypte et pour une date plus ancienne. Mais à supposer que l'expression soit née en Égypte, il y a toute apparence que c'est à Alexandrie, dont Antinooupolis copie et le plan et les subdivisions administratives. Dès lors le prestige de la capitale Lagide, sans égal pendant trois siècles, expliquerait suffisamment comment les vieilles cités grecques ont pu adopter en partie les principes de sa voirie et les termes de sa toponymie officielle. Mais Marseille était-elle construite sur un plan si régulier? C'est une question que je ne puis que poser aux archéologues qui ont étudié sur les lieux la topographie de la ville antique. Or M. Michel Clerc veut bien m'écrire qu'à son sentiment les voies de la ville haute devaient former, en se coupant, une sorte de damier et nous pouvons encore invoquer l'autorité de M. Camille Jullian, qui récemment est revenu sur ces problèmes (1) et parle des trente rues perpendiculaires au port qui forment un système régulier et selon lui primitif»; «des rues intérieures (par rapport au tracé que l'on peut assigner à l'enceinte) et qui sont trop régulièrement disposées pour ne pas remonter, par delà le moyen âge, jusqu'à un dispositif de l'époque ancienne ». Resterait à mettre d'accord le témoignage de Cornutus ainsi corrigé et celui de César, qui nous apprend que l'agger visait d'une part le port, et d'autre part cette partie de la ville par où pénétrait la route de Gaule et d'Espagne : Altera ad partem (2), qua est aditus ex Gallia atque Hispania ad id mare quod adjacet ad ostium Rhodani. (1) C. JULLIAN, Notes gallo-romaines, XCII, Questions hagiographiques, Victor de Marseille, dans Revue des Études anciennes, XXIII, 1921, p. 317, n. 1. (2) On a conjecturé portam; hypothèse ingénieuse mais non nécessaire d'après Camille JULLIAN, Revue des Études anciennes, II, 1900, p. 332, n. 5. |