rapporte, attribuerait volontiers la composition de cette œuvre gnomique au règne de l'héracléopolitain Mérikarâ (1). Mais les similitudes d'expressions entre le passage que l'on va citer et la stèle de Béki amèneraient plutôt à croire que la rédaction de l'une ne doit pas être si éloignée de la composition de l'autre et que l'on a affaire à un traité pseudepigraphe à tendances politiques, qui a vu le jour à la fin du Moyen Empire ou au commencement du Nouveau. Les vers du poème expriment la doctrine chère à Béki, mais en des termes d'une beauté tragique où l'on croirait entendre résonner un écho de Dies irae. Le roi exhorte son fils à ne pas condamner à mort injustement un de ses familiers (2): (1) Ibid., p. 35. (2) Pl. X. L'enchaînement de ce passage interprété tout à fait différemment par Gardiner (loc. cit., 26-27) semble être le suivant : le roi, même par une sentence de mort, ne peut empêcher que l'âme n'aille vers un tribunal extra-terrestre qui sache la vérité (même raisonnement, 1. 139-140). La transition est ainsi naturelle entre ce qui précède et la strophe sur le Tribunal divin, qui sera sans indulgence à son tour pour le roi. L'âme s'en va vers la Place de Ceux qui la connaissent (1), sans qu'aucun sortilège ait pu l'arrêter : Le Tribunal qui juge le coupable, Ne te rassure pas par l'étendue des années : Celui qu'ils examinent (5) après le trépas, ses actions sont mises à côté de lui toutes ensemble (6). insensé qui le méprise. Mais quiconque y parvient sans avoir commis de fautes, il sera là comme un dieu, se promenant comme les Seigneurs éternels (7). Enfin trois fragments conservés au musée du Caire et provenant paraît-il d'un tombeau du Nouvel Empire (8), renferment, à défaut d'un exposé suivi, des expressions (1) Mot à mot: ses connaissants". (*) Mot à mot: ses donneurs d'eau. Cf. les stèles funéraires sur lesquelles la déesse de l'Occident offre de l'eau fraîche au défunt. (3) Formule abrégée dont l'expression complète est donnée par le sarcophage 28085 du Caire (XII' dyn.; LACAU; Sarcophages, 1, 221): T pour (ERMAN-GRAPOW, Handwörterbuch, p. 153). (6) Mot à mol: «en tas". .(7) Mot à mot: les seigneurs pour l'éternité». Cf. en (*) Caire 20741. Blocs de calcaire d'origine inconnue (LANGE et SCHAFER, Grab- und Denksteine des mittleren Reiches, II, 372). Nous distinguons dans le texte reconstitué chacun des fragments par les lettres a, b, c. caractéristiques qui les rattachent à la même école doctrinale. On serait même tenté de reconnaître dans ce chef de grenier" anonyme Béki lui-même, qui porte le même titre, si l'orthographe du morceau ne paraissait s'opposer décidément à une telle identification. Ces fragments, rapprochés et complétés par les restitutions que suggère le texte lui-même, donnent quelques phrases suffisamment liées, quoique d'une importance dogmatique beaucoup moindre. (2) ...cette [place] d'éternité. Ce sont mes gens corvéables qui apportent le tribut pour moi chaque jour, comme il se fait pour les ancêtres qu'a favorisés leur Dieu pour l'alimentation (). Je n'ai pas endommagé ce qu'avait fait un autre. Je n'ai pas bâti en dérangeant... (3) ...ces paroles utiles (à prononcer) devant l'échafaud (2) du pays dans le château duquel on fait les exécutions. Ceux qui sont dans cette montagne n'ont trouvé aucune action méprisable que j'aie faite. Le directeur de grenier... (4) j'ai fait le bien sur la terre, en toute justice, car je sais qu'elle est utile à qui la fait.... écouté dans la Cour du Justicier, car j'ai fait mon désir... (5)...le Seigneur de Justice, en ce jour où.. j'ai été le mal contre celui qui l'a fait. Je me suis pénétré de la Justice et ce fut mon horreur que l'iniquité, non mon amour (3). J'ai atteint ces choses en... (6) ...je suis parvenu à la nécropole, j'y suis enseveli je vois les ancêtres, réuni que je suis à ma place d'éternité, mon tombeau dans lequel j'ai pris mon repos. On n'aura pas été sans remarquer combien parmi les textes cités celui de Béki s'apparente clairement aux Confessions négatives du chapitre cxxv du Livre des Morts. Le résumé des destinées de l'âme coïncide, et dans () M. Sottas rapprocherait ce pas sage, évidemment contaminé, de l'expression du Livre des Pyramides (1191, b et c): |~~ Uet, corrigeant la confusion entre et (§), restituerait : «.....à qui leur Dieu a attribué des aliments”. (2) La lecture bois d'exécution (cf. Zeitschrift, XXVI, 55; XXXVII, 146; SPIEGELBERG, Studien und Materialien zum Rechtwesen, p. 125) et l'interprétation de cette phrase me sont suggérées par M. Sottas. (3) Peut-être faut-il corriger en s désir d'atteindre...». Set traduire dans le : leurs expressions caractéristiques, avec leur doctrine et pourrait s'illustrer des mêmes vignettes, dans l'expression wpy-t qdw-w(), est le terme authentique des papyrus les plus anciens qui, dès l'époque ramesside, tend à céder la place à la locution rivale plus abstraite : trancher l'âme (3) est la vieille (2) J chasser formule de damnation que les papyrus d'époque tardive remplaceront par l'euphémisme l'âme » ("). Le rôle que Béki fait jouer dans sa vie à la justice est précisément celui que le prologue de la première Confession négative exige pour tout juste (5). Bien plus, le mot, par lequel Béki entend exprimer les péchés qu'il n'a point commis, est un terme qui ne se rencontre dans le Livre des Morts qu'au seul chapitre * cxxv, dans le titre des Confessions et dans la partie magique qui clôt ce chapitre(); terme moral ($), élevé par les doctrinaires qui nous occupent à un sens religieux, il ne semble avoir eu en tous cas qu'une médiocre fortune s'il a passé du chapitre cxxv sur quelques stèles privées et dans certaines compositions religieuses, un monument de la fin de la XVIIIe dynastie (9) l'estime si peu clair qu'il l'accompagne d'une glose dans laquelle il (1) Béki, 4. Le mot qdw a le même développement sémantique que le mot s'r étudié plus bas disposition" (cf. PRISSE, XIV, 6-7), «vertu (cf. l'expression), «vice" (Louvre C 67: 1 1). (2) NAVILLE, Todtenbuch, II, 277. (3) Béki, 4. (*) Cf. par exemple les leçons du chapitre XVII, 1. 59 (LEPSIUS) du Livre des Morts publiées par GRAPOW, Religiöse Urkunden, p. 55, et les leçons du même texte dans Descript. de l'Égypte, II, pl. LXXV, 1. 50 et l'édition de LEPSIUS. (5) Livre des Morts, cxxv, 1. 6 (NAVILLE). (*) Béki, 1. Ce mot vient de la racine signifie chose défendue. «protéger», «défendre » et (7) LEPSIUS, Todt., CXXV a et 63. Quant à l'exemple de la ligne 37, il n'existe pas dans la version thébaine (NAVILLE, Todt., I, pl. CXXXVII, 1. 9). (8) Pap. Prisse, I, 4; XV, 5. (") Louvre A 116 (PIERRET, Études égyptologiques, II, 33). |