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JOURNAL ASIATIQUE.

Exposé des principaux Dogmes tibétains-mongols, Extrait de l'ouvrage de B. Bergmann, traduit par M. MOris (1).

PARMI les religions polythéistes, aucune ne mérite autant d'exciter notre curiosité et notre attention, que la religion tibétaine-mongole, soit pour la combinaison systématique de ses dogmes, soit par l'élan poétique de ses principes, soit par la plus pure morale qui en fait le fondement.

Cette religion, qui s'est répandue dans une partie de l'Asie, principalement en Chine et dans les lieux où habitent les peuplades mongoles, d'après les mémoires kalmuks, tire son origine d'Enetkek ou de l'Inde. La vraisemblance de cette origine est pour

(1) Nous avons annoncé dans notre neuvième numéro (T. II, p. 179), la prochaine publication de la traduction de l'ouvrage de B. Bergmann, sur les Mongols. Nous pensons que nos lecteurs verront avec plaisir quelques échantillons de cette traduction, qui fera connaitre en France un livre aussi curieux pour les savans, qu'inté ressant pour les gens du monde, et qui donnera des idées justes sur la religion, les opinions philosophiques et les habitudes morales de l'une des branches les plus célèbres de la nation mongole. On ne peut qu'applaudir au zèle que M. Moris a mis à faire passer dans notre langue l'un des ouvrages allemands les plus importans pour l'histoire et la géographie. N. d. R.

T. III.

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ainsi dire confirmée par la ressemblance frappante qu'il y a entre les dogmes indiens et les dogmes tibétains-mongols.

Les raisons qu'on peut donner à l'appui de cette opinion consistent: 1o Dans l'hypothèse, qui n'est pas contestée, què l'Inde fut jadis le berceau du genre humain, et par conséquent celui de la première religion; 2° dans la haute antiquité que les traditions indiennes donnent à cette origine qu'ils placent avant celle de Brama; 3° enfin dans l'enthousiasme pour la sagesse indienne qui régnait en Europe et en Asie, et qui a pu être communiquée aussi aux Mongols.

Les ressemblances frappantes, entre les dogmes indiens et les dogmes tibétains-mongols, se font remarquer partie dans leurs principaux dogmes, savoir: La chute des esprits et celle des hommes, la migration des ames, les châtimens futurs et les purifications; partie dans les suppositions cosmogoniques; partie enfin dans une foule d'usages religieux qui diffèrent fort peu entre eux chez les Indiens et chez les Tibétains-Mongols.

Quoiqu'il existe quelques différences entre les dogmes de l'Inde et ceux du Tibet, et que, dans l'un de ces pays, il y ait des dogmes qui ne sont pas adoptés dans l'autre, il n'en résulte point que l'origine de la religion tibétaine-mongole ne soit point indienne, puisque les tems et les lieux ont dû faire naître des changemens, ou faire oublier certaines choses. L'intérêt particulier et celui des peuples ont pu aussi étouffer certains dogmes, et en mettre d'autres, au contraire, dans la plus grande évidence.

Les Indiens réunissent le monothéisme et le polythéisme. Les Tibétains-Mongols honorent une foule de dieux, sans reconnaître un Créateur tout-puissant qui dirige tout, et qui rend hommage à Brama. Cette différence est assez grande; mais si l'on réfléchit que ce dogme, même dans l'Inde, est regardé comme secret parmi les prêtres, on trouve au moins une raison qui sert à expliquer pourquoi cette base du système religieux des Tibétains a été étouffée par les fondateurs, et le fut de telle manière, qu'enfin les prêtres et les peuples partagèrent la même ignorance et la même erreur. Peut-être aussi ce dogme est-il encore caché dans quelques livres mongols? Peut-être les prêtres mongols sont-ils plus secrets sur ce dogme que ceux de Brama.

Les Indiens croient à une espèce de trinité qui réunit, sous le nom de Trimoutri, c'est-à-dire trois personnes, les trois ouréon, du seul Dieu, tandis que les Mongols ne reconnaissent que les trois sublimes honorables (Dedou-Gourban-Aerdeni), sans qu'ils entendent par là une trinité. Le Mongol entend sous cette dénomination seulement la sainteté du Bourkhan, le dogme et les prêtres. La manière dont les Bramines envisagent leur trimoutri n'a-t-elle pu recevoir à dessein une autre signification dans les DedouGourban-Aerdeni mongols? Il y a des raisons en faveur de cette opinion que je développerai plus tard.

Avant le commencement de toute chose, d'après les Mongols, il existait dans les régions supérieures du

ciel des êtres divins ( Tengheri) parmi lesquels les uns étaient plus puissans que les autres. Un de ces êtres, nommé Dewong-Kharra, forma un monde tiré du chaos. Ce monde existera pendant six révolutions, dans lesquelles l'âge des hommes doit successivement décroître depuis 80,000 ans jusqu'à 10 ans, et augmenter de nouveau depuis 10 ans jusqu'à 80,000 ans. Les mers et les fleuves se dessécheront enfin, et la terre, détruite par le feu ainsi que les six ciels inférieurs et l'enfer, rentreront dans le néant.

Avant la création du monde, une longue période de tems avait existé confondue dans le chaos, lorsqu'un grand vent vint à souffler et forma une masse profonde de 1,600,000 bères (1), et longue de 10,000 bères. Une quantité de nuages d'or s'amoncelèrent, et se changèrent en une pluie dont les gouttes étaient de la grandeur d'une roue à chariot. Ce fut ainsi que la mer du monde fut formée. Sa longueur était de 1,120,000 bères, et sa largeur de 1,203, 450.

Sur la surface de cette mer immense, la force du vent forma une écume qui couvrit 320,000 bères de sa superficie; c'est à l'épaississement de cette écume qu'est due la formation du monde actuel.

Lorsque par l'épaississement de l'écume le monde commença à se développer, sur l'immense Océan flottait une tortue couleur d'or, que le divin Manchouchari avait créée, afin de la percer avec une flèche, et de l'enfoncer dans la profondeur de la mer; c'est sur cette tortue que fut fondée la montagne Sumer.

(1) Une mesure de huit werstes environ de longueur.

Les tempêtes venant des dix régions du ciel bouleversèrent l'Océan, réunirent l'écume en une seule masse pour former la montagne à laquelle on donna le nom de Sumer. La moitié de cette montagne s'élève au-dessus de la surface des mers, et l'autre moitié se cache dans ses profondeurs; chacune de ces moitiés s'étend à 80,000 bères. La partie visible de cette montagne forme un carré composé de quatre rochers, dont le circuit diminue à mesure qu'elle s'élève, et présente à la partie supérieure une plaine carrée; chacun des quatre côtés a un aspect charmant. La partie orientale est d'argent; la partie méridionale est d'azur; la partie occidentale est de rubis, et la partie septentrionale d'or.

La montagne Sumer est environnée par sept mers immenses et autant de montagnes. Six de ces montagnes sont en or, et la dernière, qui ferme toutes les autres mers et toutes les autres montagnes, est en fer. L'étendue de cette dernière (sur chacun de ses quatre côtés) est de 556,250 bères, et sa hauteur de 650. La montagne d'or, qui est la plus proche de celle en fer, a une hauteur de 1,250 bères; la suivante de 2,500, et la dernière de 40,000. La première mer, qui environne le Sumer a une largeur de 80,000 bères, et la dernière de 1,250.

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Sur chaque côté du Sumer se trouve une des des îles qu'on peut regarder comme formant les quatre grandes parties du monde. La grande île qui est au sud, porte le nom de Sampoutib, à cause de l'arbre merveilleux Sambou-Bararcha, qui s'y trouve. Elle

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