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laifferés gafter les meurs des hommes, & que vous permettrés qu'ils s'eflevent dés l'enfance dans le vice & la diffolution, vous ferés caufe de toute les mefchancetés qu'ils commettront en l'aage viril;& ainfi vous condamnerés ceux que vous aurés faits criminels. Mon lurifconfulte pendant que je parlois de la forte fe preparoit à difcourir,& faifoit deffein de prattiquer la couftume des difputes, où l'on repete les arguments plus exactement qu'on n'y refpond; comme fi la louange d'une memoire heureuse eftoit la principale qu'ils recherchent. Vous avés fort bien raisonné, me dit-il, pour un eftranger, qui ne fçait les chofes que par ouir dire: mais je vous les feray cognoiftre en peu de mots & clairement. Car je rapporteray en premier lieu ce que vous avés dit au mefme ordre; puis je monftreray en quoy c'eft que l'ignorance de nos affaires vous a trom pé; & en fin je refuteray toutes vos raifons l'une apres l'autre. Commeçant donc par où j'ay promis, il y a quatre chofes, ce me femble. Taifés vous, dit le Cardinal; car je voy

bien que vous allés commencer un long difcours; nous vous en efpargnerons maintenant la peine, & le referverons à demain, fi vous & Raphael en avés leloifir. Cependant j'apprendray volontiers de vous, Raphael, pourquoy vous eftimés que le larrecin ne merite pas la mort, & quelle autre peine vous luy ordonneriés, qui fuft plus utile au public: car je ne pense pas que vous le vouluffiés laiffer impuni. Mais fi le dernier fupplice dont nous ufons n'empefche pas qu'on ne defrobe, que ne feroit-on pas lors qu'il n'y iroit plus de la vie? Il me femble, mon pere,luy dis-je, que c'eft chofe tout à fait injufte d'ofter la vie à un homme pour quelque argent qu'il aura pris. Car quelle proportion y-a-il des biens de la fortune à ce que l'on exige? Et il ne fert à rien de m'alleguer que c'eft à la Iuftice violée qu'on veut fatisfaire, & non pas à l'argent, veu que cefte fouveraine equité feroit une fouveraine injuftice.Les loix fi feveres, qui mettent la main à l'espée pour la moindre offence,ne font pas à approuver. De moy je ne fuis pas de l'opinion B 3

des

des Stoïques, qui font tous les crimes efgaux,& qui ne mettent point de difference entre tuer un homme, & luy ofter fon argent, qui font neantmoins chofes bien differentes. Dieu a defendu le meurtre ; & cepandant nous le commettons pour moins d'un efcu. D'apporter à cela des exceptions, & de dire, que c'est lors que les loix humaines ne le permettent pas, c'eft ouvrir le chemin à la licence: car on pourra par mefme raifon definir jufques où c'est qu'il faut s'abftenir de la paillardife, de l'adultere, & du parjure. Mais bien loin d'avoir puiffance fur la vie d'autruy, Dieu nè la nous a pas laiffée fur la noftre propre. Et file confentement des hommes peut nous la donner, fans une plus expreffe declaration de la volonté de Dieu, les loix divines n'auront de force qu'autant que nous voudrons leur en laif fer, & nous reglerons jufques où c'eft que nous debuons leur obeir. La loy de Moyfe, toute rigoureuse qu'elle eftoit, ne puniffoit pas de mort le larrecin. Et fi Dieu en ufoit ainfi lors qu'il traictoit avecque les hommes comme avecque de mau

vais ferviteurs, ne penfés pas qu'il veuille une moindre clemence fous l'Euangile, qui eft la loy de douceur, & en laquelle il nous confidere comme fes enfans. Ce font là les raifons qui me font eftimer que pour le fimple crime de larrecin on ne doit pas ofter la vie à un homme. Mais il eft certain d'ailleurs que c'eft chofe abfurde & pernicieufe à l'eftat de traicter un larron tout de mefme qu'un meurtrier. Car un voleur,qui n'attend pas moins que la corde, s'il eft condamné pour avoir defrobé, ne fait pas difficulté d'adjoufter l'ho micide à fon premier crime; afin qu'il ne puiffe pas eftre fi aifément convaincu, par celuy qui le pourroit defcouvrir quelque jour, s'il ne faifoit alors que le devalifer. Ainfi croyans de faire peur aux larrons nous les pouffons à attenter fur la vie des gens de bien : nous n'empefchons pas qu'ils ne defrobent, mais nous fommes caufe qu'ils affaffinent. On me demandera, quel fupplice donc je trouve le plus commode? mais il ne fera pas mal aifé de le definir. Pourquoy n'exerçons nous celuy qui a efté fi long temps dans B 4 l'appro

l'approbation des Romains, les plus grands politiques du monde? que n'envoyons nous comme eux les plus coulpables travailler aux carrieres ou aux mines dans des chaifnes perpetuelles? Mais je n'ay trouvé en cecy aucune coustume qui fuft davantage à mon gouft que celle des Polylerites, lors que je voyageois en Perfe. C'est un assez grand peuple, qui n'eft pas mal policé, qui vift fous fes loix, & eft libre en tout horfmis au tribut qu'il paye tous les ans au Roy de Perfe. Au refte parce qu'ils font loin de la mer, environnés de montagnes, & dans un pays fertile, ils n'en fortent gueres, & ne voyent auffi chez eux gueres d'e ftrangers. Ils fe font tousjours contentés de leurs bornes, & fe font couverts des injures fous leurs montagnes & par leurs contributions; de forte qu'on ne les cognoift pas bien loin de la frontiere; mais dans cefte exemption de la guerre ilsne vivent pas moins fplendidement ny moins heureux, que fi la renommée avoit porté leur nom aux quatre coins du monde. Ceux donc qui chez eux font convaincus de larrecin

le

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