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coup plus modestes, plus simples, dans lesquels on rencontre un buste ou un médaillon, soit seul, soit en rapport avec des figures allégoriques. En effet, c'est pendant cette période que s'est accrue la popularité de ces deux types, grâce à l'amour toujours croissant pour l'allégorie qui détourne l'attention et le talent du sculpteur de l'effigie simple du défunt. Cette manie de l'abstraction produit quelquefois tels tombeaux, comme le tombeau de l'évêque de Cavaillon par Maucord, où toute représentation du mort a disparu. Tandis que les tombeaux exécutés à Rome par Monnot et Le Gros pour des prélats et des seigneurs étrangers n'avaient pas une très grande influence sur la France, le grand mausolée du duc de Bouillon marque une époque dans la sculpture funéraire. Il est l'expression parfaite de la conception dramatique et, ce qui est surtout important, le thème en est emprunté à la vie des défunts. Il y a une différence entre l'œuvre de Le Gros et les grands ensembles du plein xviie siècle : c'est l'absence dans le premier de l'allégorie de la Mort qui sert de motif principal dans presque tous les tombeaux importants de l'époque de Louis XV.

CHAPITRE II

LA SCULPTURE FUNÉRAIRE EN FRANCE

DE 1720 à 1760

La période de 1720 à 1760.

Généralités.

C'est pendant les années de 1720 à 1760 qu'éclôt l'art mondain, gracieux et charmant de Louis XV, proprement dit. Pour la peinture, inutile d'insister: c'est l'époque de Lemoyne, Natoire, Boucher, Chardin et tant d'autres.

Dans l'architecture civile, c'est d'un côté, l'évolution de la disposition de la maison, et de l'autre, l'embellissement des villes : à Paris par exemple, la place Louis XV et la Fontaine de Grenelle, et en province les constructions religieuses et civiles du roi Stanislas à Nancy. Quand à l'architecture religieuse à Paris, excepté l'église Saint-Louis du Louvre qui fut bâtie à partir de 1740 et la chapelle des Enfants trouvés, on ne fait autre chose qu'achever des édifices déjà commencés : les églises des Théatins, de Saint-Roch, de Saint-Thomas-d'Aquin et le portail de Saint-Sulpice.

Dans la sculpture monumentale, qui nous intéresse davantage, on est frappé surtout par la longue série

des statues équestres, (la plupart à la gloire du roi), exécutées ou projetées qui servent à orner les nouvelles places: en province, celles de Lemoyne à Bordeaux (1731-1743), à Rennes (1749-1754), et à Rouen (1757), de Pigalle à Reims (1758-1765) et le projet en l'honneur d'Henri IV par Pajou, non pas pour une place mais pour le vestibule de la cathédrale d'Orléans : à Paris, la célèbre statue commandée à Bouchardon en 1753 pour la place Louis XV, le projet fait par les Slodtz pour le quai des Théatins, et tant d'autres.

Quant à la sculpture funéraire, la période comprise entre 1720 et 1760 fut celle de l'apogée de la conception dramatique. A la mort de Coysevox, l'art funéraire de Louis XV était déjà formé; tous les grands sculpteurs de l'époque, sauf Pigalle, étaient nés dans la décade de 1695 à 1705. Avec l'année 1760, même quelques années auparavant, apparut la réaction vers l'antiquité. L'effet de cette réac tion fut d'abord de refroidir, pour ainsi dire, les allégories exubérantes et mouvementées, effet semblable à celui qu'on voit dans l'architecture de l'époque. En second lieu, elle introduisit des formes funéraires de l'antiquité. D'autre part, dans la période de 1760 à 1780 environ, à côté de l'influence classique, on voit toujours la vraie tradition du xvш° siècle qui se continue avec Pigalle, Clodion et même Houdon dans les tombeaux du prince Michel Gallitzin (1773) et de la duchesse de Saxe-Gotha (1775).

Le sujet.

Pendant la période comprise entre

1720 et 1760 que nous avons à étudier, par quels moyens les sculpteurs ont-ils traduit dans les tombeaux cette conception dramatique ? C'est d'abord par le sujet lui-même qui fut ou un épisode tiré de la vie du défunt exprimé par l'introduction des personnages allégoriques, l'Immortalité, la Mort, le Temps etc., ou une allégorie plus ou moins vague en l'honneur des vertus du défunt. Dans ces deux genres de sujets, les personnages comprennent d'abord des statues allégoriques traitées d'une manière mouvementée et en second lieu, la statue du défunt qui introduit dans l'ensemble l'élément réaliste.

Le livret du Salon de 1743, à propos du fameux concours de projets pour le tombeau du cardinal de Fleury, contient un passage qui exprime parfaitement la théorie de ce premier genre: « Comme les tombeaux sont des monuments qui ne sont érigés que pour faire connaître à la postérité les bonnes qualités de ceux pour lesquels ils sont élevés, on doit prendre les moments les plus intéressants de la vie de l'homme, et par lesquels il s'est le mieux fait connaître (1). » Mais, en réalité, quand le sculpteur a choisi un événement tiré de la vie du défunt, il ne l'exprime pas entouré des circonstances extérieures qui l'ont accompagné. Prenez par exemple le projet pour le tombeau du cardinal, par Vinache, à propos duquel le livret contient les mots cités ci-dessus. L'artiste a choisi le moment où le cardinal reçoit le

1. P. 25, du livret.

gouvernement de la monarchie française. Mais il ne nous montre pas la scène, telle qu'elle s'est réellement passée le roi qui lui donne le pouvoir, etc. C'est «la vertu qui lui présente une couronne de rayons et de fleurs de lys, et deux clefs: il paraît en action de demander à Dieu la grâce de s'acquitter dignement de ce grand emploi ».

Voilà l'esprit des sculpteurs de cette époque. Un épisode pris en lui-même était trop simple. Pour eux, il faut l'idéaliser. En conséquence de ce procédé, le fait devient une espèce d'allégorie quelquefois très difficile à distinguer de l'allégorie pure. Par exemple, quand Roubillac choisit pour sujet du tombeau de Lady Nightingale la mort de cette femme et la douleur de son époux, il ne nous montre pas une simple scène de mort, mais il introduit la mort en squelette, qui lance son dard à la femme défaillante pendant que son mari tente en vain de la protéger. En conséquence de ce que nous venons de dire, il vaut mieux regarder tous les sujets comme des allégories générales en l'honneur des vertus du défunt et ne pas chercher à les classer plus méthodiquement.

Avant d'analyser les œuvres elles-mêmes, il faut considérer la cérémonie funèbre qui eut, à cette époque surtout, des rapports très intimes avec la sculpture funéraire.

Ces rapports sont d'autant plus étroits que les sculpteurs de tombeaux étaient en même temps les dessinateurs des pompes funèbres: on peut en donner pour exemple la grande série exécutée par

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