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projet de Bouchardon, on voit d'abord que l'idée centrale de tous les deux est la même, c'est-à-dire la mort du cardinal entre les bras de la Religion. Mais tandis que chez Girardon, et après lui chez Bouchardon, il est renversé sur son chevet, d'autre part, chez Lemoyne, il est couché sur le côté. Il est curieux de constater que la Religion porte une croix, attribut porté aussi par la Foi dans le projet de 1743 de Bouchardon. L'Espérance aux pieds du mourant est une addition due à Lemoyne. La France, qui pleure la perte du cardinal, ressemble d'une manière frappante au même personnage du projet de 1743 de Bouchardon. En effet, il semble bien que Lemoyne s'est inspiré des deux modèles de Bouchardon et non pas simplement de celui de 1745.

Outre le tombeau lui-même, il y avait dans la chapelle de l'Annonciation, une autre œuvre qui mérite notre attention : c'est le grand bas-relief de l'Annonciation qui servait de tableau d'autel. D'après Dezallier-Dargenville (1), il « était en marbre de couleur », mais Cochin a probablement raison en disant qué les « figures en relief furent peintes en couleur de chair,pendant que les draperies furent également rehaussées ».

Pourquoi Lemoyne a-t-il mis un bas-relief dans cette chapelle ? D'après Cochin (2) « M. Lemoyne,

1. Voyage pittoresque de Paris, édition de 1778. p, 123.

2. Mémoires inédits de Charles Cochin sur le comte de Caylus, Bouchardon, les Slodtz, publiés par Charles Henry, 1880. Paris, in-8°, p. 92.

saisissant mal l'idée qu'on lui a donnée des tombeaux du Bernin à Saint-Pierre de Rome, s'est avisé de mêler de la peinture avec la sculpture ». Mais, en effet, l'emploi de ce bas-relief n'était-il pas une imitation de l'idée introduite par Le Bernin dans les tableaux d'autel des chapelles Raimondi et Cornaro?

Pour conclure, le tombeau du cardinal de Fleury semble avoir été un exemple assez saisissant de la sculpture funéraire de l'époque. Il est bien entendu que, en ce qui concerne l'unité de composition, il fut fort inférieur à l'ouvrage de Girardon, mais il fut probablement exécuté dans un style mouvementé et dramatique qui compensa, en partie au moins, cette faute. Il est vrai que Dandré-Bardon était un grand admirateur de Lemoyne et en conséquence, il faut se mettre en garde contre ses louanges. Mais il y a probablement une part de vérité dans les passages où il parle de l'effet pittoresque du tombeau : « L'œil connaisseur est agréablement séduit par la richesse du spectacle, par l'intérêt de la composition, par la fidélité de la manoeuvre, et par l'heureuse association des bronzes et des marbres divers.

>> On ne doit point regarder cet ouvrage comme un simple bas-relief de ronde-bosse à plusieurs plans. Il est permis de l'envisager comme un très grand tableau; la magnificence, la régularité du spectacle ont exigé que les proportions des figures fussent en harmonie avec l'immensité de la toile et de la bordure... >>

En 1763, Lemoyne commença le tombeau de Prosper de Crébillon qui fut érigé à l'église SaintGervais. Recueilli au musée des Petits-Augustins (1), en 1799, il se trouve aujourd'hui au musée de Dijon. Le groupe en marbre blanc représente Melpomène qui déplore la mort du poète tragique, en s'appuyant contre son effigie en buste.

Michel-Ange Slodtz, 1705-1764.

Michel-Ange

Slodtz est connu surtout comme l'auteur de deux mausolées tout à fait magnifiques dont le premier est, à coup sûr, une conception aussi remarquable que celle du tombeau du duc de Bouillon, au commencement du siècle. Je veux parler de ceux des archevêques d'Auvergne et de l'abbé Languet de Gerzy.

La première œuvre funéraire de Slodtz est le tombeau de Wleughels (2), directeur de l'Académie de France, mort en 1737, qui se trouve encore à l'église Saint-Louis des Français, adossé à un pilier du bascôté de gauche. Au-dessus de l'inscription, on voit un génie de la Mort qui tient à la main gauche une palette et qui,de la main droite, soulève une draperie du médaillon de Wleughels. A ses pieds, il y a un flambeau éteint, et les armes du défunt. Le tout est en marbre blanc.

1. Arch. mus. mon. fr. (Invent. rich. art. fr.) t. II, p. 393. « Le 26 mai 1799, reçu du dépôt de Nesle une figure colossale en marbre représentant Melpomène appuyée sur le buste de Crébillon, sculpté par D'Huez». Le t. I, p. 49, l'attribue à Lemoyne pendant que le t. III. p. 192, l'attribue à Lemoyne et D'Huez. 2. Voir Dict. sculpt. fr., t. IV, p. 339.

Le contrat pour le grand tombeau de la cathédrale de Vienne (1) fut passé entre Slodtz et le cardinal de la Tour, le 1er octobre 1740. Le modèle en stuc fut terminé le 13 juin 1742, et, en septembre de l'année suivante, le travail fut à peu près achevé. Cependant des circonstances inconnues retardèrent longtemps l'envoi de Rome en Auvergne, car la pose de l'inscription porte les mots : posuit 1747.

Au-dessus d'un sarcophage de marbre brunâtre, est à demi-couché l'archevêque de Montmorin, tendant la main et appelant à lui son futur successeur le cardinal de la Tour d'Auvergne, auquel il montre la croix et la mître qui lui sont destinées. Devant lui se dresse le cardinal lui-même. Sur la gauche, un ange se dispose à écrire sur un livre ouvert devant lui (Les Annales de l'archevêché de Vienne), tandis qu'il soutient de la main gauche les armes de la Tour d'Auvergne. Une grande pyramide de marbre violacé Saravezza, qui se termine par un vase où brûlent des parfums, sert de fond au monument. L'ensemble a environ dix mètres de hauteur sur six mètres de largeur. Le soubassement est dissimulé sous une draperic, sur laquelle est gravée l'inscription qui nous aide à comprendre le sujet du tombeau la voici; « Le prince Oswald de la Tour d'Auvergne, maintenant cardinal et archevêque de Vienne, autrefois vicaire général d'un si grand prélat qui le désignait

1. Voir Le Mausolée dans la cathédrale de Vienne par le sculpteur Michel-Ange Slodtz, par M. S. Georges. Réunion des sociétés des Beaux-Arts des départements. Année 1896, p. 325 et suivantes.

comme l'héritier formé par sa parole, ses exemples, et tout l'esprit du sacré ministre, a fait élever avec justice à son excellent prédécesseur cet éternel monument de sa gratitude en attendant qu'il lui soit donné de rejoindre ses cendres chéries. >>

Cet épitaphe explique bien ce fait qu'il s'agissait pour le sculpteur de commémorer les rapports. intimes qui existèrent entre le cardinal de la Tour et son prédécesseur, en même temps que son ami, auquel il éleva le monument. En résultat, Slodtz a créé un tombeau unique dans l'histoire de la sculpture funéraire en France. Pour la première et pour la seule fois, le sujet d'un mausolée, conçu d'une manière dramatique, est tiré de la vie des défunts et ce sujet est exprimé sans l'intermédiaire des figures. allégoriques ou même des allégories. Le Gros, Roubillac, d'autres encore ont tenté la même chose, mais leurs ouvrages deviennent très faibles en comparaison du chef-d'œuvre de Vienne. Slodtz a pris le moment où l'archevêque de Montmorin désigne le cardinal comme son successeur, moment bien imaginaire, il est vrai, mais qui trouve son origine dans le désir de l'archevêque. Si la scène est idéalisée par l'absence de réalité, on constate un réalisme puissant dans les deux figures magnifiques des prélats qui se regardent, vêtus non pas à l'antique, mais, suivant la phrase de M. Marcel Reymond « dans le majestueux éclat de la pourpre romaine » (1).

1. Grenoble et Vienne, par Marcel Reymond. Paris, 1907, p. 143.

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