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comme on avait proposé cela, l'on lui avait posé un inconvénient qui est que peut-être dans la suite du temps quelqu'un demanderait à être mis au lieu où est à présent le poêle (le drap mortuaire qui avait recouvert le cercueil du cardinal) de M. le cardinal et que peut-être messieurs de Sorbonne ne pourraient pas refuser cela quoique l'église entière soit de la fondation de Son Éminence; que, d'autre part, on trouverait à redire qu'on eût déplacé le Saint-Sacrement pour y mettre la figure de M. le cardinal.

» Il a répondu à la première objection qu'on pourrait laisser, où est le poêle, une tombe qui occuperait la place et empêcherait que l'on ne pût la donner à d'autres, et à l'autre objection qu'il y avait plus d'inconvénient de faire une grande sépulture qui occuperait une place telle, de sorte que ceux qui viendraient faire leurs prières, au lieu de voir l'autre, ne verraient que le dos de la figure de M. le cardinal; que si, au contraire, l'on faisait cette sépulture petite, elle serait indigne d'un si grand homme. Elle a reparti que pourvu que l'exécution en fût excellente, et du génie et de la conduite du Cavalier, elle serait toujours grande et belle. Il a répliqué que si la grandeur n'était dans le général de l'ouvrage, le particulier était peu; qu'il revenait toujours à dire qu'il fallait mettre la sépulture dans le fond ou à une des ailes et l'autel au milieu de la coupe; qu'ainsi faisant, le général et le particulier s'y pourraient trouver, mais qu'elle serait plus convenablement dans le fond; que si elle pré

tendait faire un ouvrage où l'on ne trouvât point à redire et qui fût au gré de tout le monde, elle serait en cela plus heureuse que personne n'a jamais été. Tout cela ne satisfaisait point Mme d'Aiguillon qui désapprouvait absolument de mettre la sépulture dans l'aile pour ce, disait-elle, que M. le cardinal avait choisi le lieu où il était, en prenait à témoin partie des docteurs qui étaient là présents, et il était aisé de juger qu'elle eût bien voulu faire une grande chose mais à peu de frais. Le Cavalier qui a pénétré son intention a dit qu'il n'était pas venu pour discuter mais pour dire son intention, qui l'avait déjà déclaré et le répétait et ne pouvait faire autre chose. >>

Ce passage (1) est fort intéressant sous plusieurs rapports. Il montre que le Cavalier, obsédé de l'idée de la chapelle Raimondi, avait voulu l'appliquer même à un seul tombeau et en conséquence n'avait pas profité de l'occasion qu'il avait de creer une grande composition dramatique, représentant << Son Éminence » en une action de s'offrir à Dieu. Cela était réservé à Le Brun. D'autre part, on a suivi le Bernin en tant que le tombeau actuel est placé en effet dans « uue des ailes ».

Voilà tout ce qu'on sait sur le projet. Le journal du 16 octobre octobre en fait la mention suivante : << Mme d'Aiguillon y est venue au sujet de la Sorbonne. » Mais malheureusement ce jour-là, comme

1. De Lalanne, le 9 octobre, p. 216.

Chantelou était malade, son frère avait raconté les événements de la journée et nous ignorons s'il y était question dans cette deuxième entrevue du premier dessin ou d'un autre fait d'après les idées de Mme d'Aiguillon.

Le tombeau d'Alexandre VII, également à SaintPierre,date de 1672 à 1678. « Une longue période de plus de trente ans s'est écoulée entre les deux tombeaux (ceux d'Urbain VIII et d'Alexandre) et c'est ce qui explique les profondes différences qui distinguent les deux œuvres. Dans la première, le Bernin, quoique déjà très novateur, se rattachait cependant à des traditions, à celles de Giacomo della Porta et de Michel-Ange; il était sombre dans son ornementation, épris de grandeur et de majesté, très sage, très classique encore, pourrait-on dire. Dans le tombeau d'Alexandre VII c'est le Bernin fantaisiste que nous trouvons, Le Bernin amoureux de richesse de décor, d'inventions nouvelles, plus savant encore, plus maître de toutes les ressources de son art (1).

» Il avait devant lui un intéressant problème à résoudre, placer adroitement son tombeau au-dessus d'une porte. Il ne se contente pas d'encadrer ou de surmonter cette porte, d'utiliser l'espace qu'elle laissait libre, il s'en empare et lui fait jouer un rôle important dans son œuvre. Elle devient la porte

1. Le Bernin, par Marcel Reymond. Paris, 1911, in-8°, p. 160161. Voir aussi Fraschetti, p. 384-391.

même du tombeau d'où la mort, un squelette, s'élance soulevant le voile qui la cache et brandissant le clepsydre qui marque l'heure du trépas. » (1) Audessus sur un piédestal s'agenouille le pape. De chaque côté, parmi les plis de la grande draperie de bronze, se trouvent les Vertus qui donnent surtout le caractère dramatique à l'œuvre. D'après Marcel Reymond (2): « Dans ces deux tombeaux (ceux des deux papes) le Bernin a créé une autre nouveauté dont la critique lui a fait un deuxième grief: c'est d'avoir conçu le tombeau comme une scène animée, dans laquelle les figures, au lieu d'être isolées et indépendantes les unes des autres, participent à une même action et on lui a reproché d'avoir, en agissant ainsi, porté atteinte à la dignité de l'art. L'idée du Bernin est au contraire tout à fait irréprochable au point de vue de la pure doctrine. Elle est conforme à une des lois les moins incertaines de l'art, à celle de l'unité. Grouper dans une action commune toutes les figures d'un monument, les faire concourir à une scène unique, c'est une idée des plus ingénieuses et elle était tellement faite pour séduire que depuis lors et jusqu'à nos jours elle a été la loi même de tous les monuments funéraires. Le Bernin du reste a été très

1. Le sculpteur Roubillac avait imité dans le tombeau de Iord et de lady Nightingale cette disposition de la porte, quoiqu'il ne comprit pas qu'elle était nécessaire dans l'œuvre du Bernin. Voir chap. II.

2. La Sculpture florentine, le xvr siècle et les successeurs de l'école florentine, t. IV. Florence. Alinari frères. 1900, p. 212.

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