sa résidence à Cologne, ville qui offrait alors, plus que la plupart des autres, des ressources à l'homme studieux, et au savant qui avait du goût et du talent pour l'enseignement. Aussi conserva-t-il une prédilection marquée pour Cologne, pendant tout le cours de sa longue et laborieuse vie ni les bonnes grâces du pape Alexandre IV, qui l'appela à Rome et lui donna l'office de maître du sacré palais; ni sa nomination, en 1260, à l'évêché de Ratisbonne, qu'il ne garda que trois ans, ne purent l'en éloigner pour long-temps. C'est probablement à Cologne qu'il fit son automate, doué du mouvement et de la parole, que S. Thomas-d'Aquin, son disciple, brisa à coups de bâton, à la première vuc, dans l'idée que c'était un agent du démon; ce fut aussi à Cologne qu'Albert donna au roi des Romains, Guiilaume, comte de Hollande, ce fameux banquet, dans un jardin de son cloître où, au cœur de l'hiver, la parure du printemps se montra tout à coup, et disparut après le repas; toutes choses fort extraordinaires dans un siècle d'ignorance, tel que celui où il vivait; enfin, le goût qu'il avait pour les expériences, et pour ce qu'il appelle luimême des opérations magiques (Voy. Albert. Magn. Op., t. III, de An. p. 23, Lugd. 1651), et surtout cette variété de connaissances qui l'élevait si fort au-dessus de ses contemporains, en voilà sans doute plus qu'il n'en faut pour expliquer, et l'origine des contes absurdes dont nous avons parlé, et le titre de magicien qui lui fut donné. Après avoir payé un tribut à son siècle, en prêchant, par ordre du souverain pontife, la croisade en Allemagne et en Bohême, et avoir assisté au concile général, tenu à Lyon, en 1274, il retourna dans sa retraite, à Cologne, où il mourut, en 128o, âge de 87 ans, et laissant plus d'écrits qu'aucun philosophe n'en avait composé avant lui. Un dominicain, Pierre Jammi, en a recueilli un grand nombre, et les a publiés, l'an 1651, à Lyon, en 21 vol. in-fol. ; il n'en existe nulle part un catalogue complet : le plus étendu se trouve dans les Scriptores Ordinis Prædicatorum, de Quetif et Echard, où il tient 12 pag. in-fol., p. 171, s. du tom. I. Beaucoup d'écrits qui lui sont faussement attribués, ou qui sont les ouvrages de ses nombreux disciples, confondus avec les siens, ont sans doute contribué à enfler cet énorme catalogue; mais, en défalquant tout ce qui est pseudonyme ou douteux, il en reste encore assez pour assurer à Albert le titre du plus fécond polygraphe qui ait existé. Dans la plupart de ses ouvrages, il ne fait que commenter Aristote et compiler les Arabes; mais il mêle à ses extraits des discussions très-subtiles, et des remarques souvent fort judicieuses. Il a traité de toutes les parties de la philosophie; et, quoiqu'il n'ait pas proprement de systême qui soit à lui, et qui differe essentiellement de celui d'Aristote, on peut tirer de ses écrits un corps de doctrine assez complet. Ceux qui voudront connaître l'ensemble de sa métaphysique, et ses idées les plus remarquables en détail, pourront consulter J. Brucker, Hist. crit. philos. tom. III, p. 788-798; Bayle, art. Albert. Buhle's Lehrbuch der Gesch. der Philosophie, 5o. vol., pag. 290360, Gættingue, 1800, in-8°., et surtout l'ouvrage de feu M. Tiedemann qui a, le premier, donné une analyse lumineuse et complète du sys tême d'Albert, dans son Histoire de la Philosophie spéculative, en allemand, vol. V, pag. 569-447. Ce scholastique ne connaissait, parini les an ciens, qu'Aristote, Denys l'Aréopagiste, Hermès Trismegiste, d'après des traductions latines; quelques interprètes d'Aristote, comme Themistius et Proclus; Cicéron et Apulée; il était beaucoup plus versé dans la con. naissance des Arabes et des Rabbins. En théologie, Pierre Lombard était son guide et son modèle. Son ambition aurait été de réconcilier les nominalistes avec les réalistes, au moyen d'un syncrétisme de son invention; mais il ne fit, comme cela arrive, que multiplier les contradictions et les difficultés, et mécontenter les deux partis. Parmi les ouvrages d'Albert, on distingue son explication des Sentences de Pierre Lombard, et ses Commentaires sur Aristote, qui remplissent les six premiers volumes de la Collection de ses œuvres.Son Commentaire sur l'Histoire des animaux (opus de animalibus, Rome, 1478; Mantoue, 1479, in fol.) offre des suppléments assez curieux qui ont fait penser qu'il avait cu en main des traductions de quelques-uns des livres de ce philosophe qui se sont perdus depuis ( Voy. Commentatio de fontibus, undè Albertus Magnus, libr. suorum de animalibus materiem hauserit. Commentatio. Soc., Gættingens, sc., vol. XII, pag. 104). L'autorité d'Albertle-Grand a beaucoup contribué à faire réguer Aristote dans les écoles jus qu'à la renaissance des lettres. Il serait à désirer qu'un savant parcourût la collection entière de ses œuvres, pour en tirer les faits et les réflexions qui mériteraient d'être sauvés de l'oubli, mais que personne n'a le courage de chercher dans le latin barbare de 21 vol. in-fol. On trouve le catalogue des écrits d'Albert, que contient l'édition de Pierre Jammi, dans Fabricii Bibl. lat. med. et inf. ætatis, au mot ALBERTUS. On a un grand nombre de Bio graphies de ce scholastique, dans Bayle, Trithemius, De scriptoribus Eccles. ; Pope Blount, Censura celebr. aut.; Naudé, Apologie des Grands Hommes soupçonnés de magie. Vita Aib. M. autore Petro de Prussia (souvent impr.); Ristretto della prodigiosa vita del B. Alberto Magno, descritta da Rinaldo Tacera (nom sous lequel s'est caché l'auteur, le dominicain Raphaël Badi), Florence, 1670-78. Le portrait d'Albert est dans Boissard, Bibl. chalcogr., tom. I, III et IV, et dans le Théatre de Freher. Les rapsodies, connues sous le nom de Secrets admirables du GrandAlbert, et Secrets du Petit-Albert, ne sont pas des traductions d'ouvrages d'Albert-le-Grand. S-R. ALBERT, abbé du cloître de Ste.Marie à Stade. Quelques savants l'ont cru Italien, mais ils l'ont confondu avec son contemporain Albert de Pise. Les moines de Stade vivant dans le désordre, leur abbé se rendit à Rome, et obtint une bulle contre eux; mais elle ne produisit aucun effe, et Albert, très-affligé, entra dans l'ordre des franciscains. Il a écrit en latin une Chronique, qui va, depuis la création du monde, jusqu'à l'an 1256. Aвdré Hoier y a ajouté un Supplement qui comprend une durée de 60 ans. Cette Chronique fut publiée à Helmstædt, en 1587, in-4°., par Reiner Reineck, qui l'accompagna de uotes. G-T. ALBERT, bénédictin du cloître de Sigeberg, près de Cologne, vivait vers l'an 1450. Il a écrit en latin une Histoire des Papes, depuis Grégoire IX jusqu'à Nicolas V, et une Histoire des Empereurs romains, depuis Auguste jusqu'à Frédéric III. Ces deux ouvrages se trouvent en manuscrit dans la Bibliothèque impériale de Vienne. G-T. ALBERT, ou ALBERTI (MICHEL), professeur de médecine à Hall en Saxe, un des plus célèbres élèves de Stahl, naquità Nuremberg, le 13 nov. 1682. Ses ouvrages se composent, en grande partie, de dissertations propres à combattre le système des mécaniciens, et à faire triompher celui de son maître; il serait trop long de les énumérer. Sagement interprétées, elles pourraient être un utile flambeau pour les médecins praticiens. Nous indiquerons surtout celle qui a pour titre Introductio in universam medicinam, 5 vol. in-4°. Hall, 1718, 1719, 1721; c'est une suite de theses où la puissance de la nature dans les maladies et le danger de la troubler sont toujours démontrés; et Son Systema Jurisprudentiæ medicolegalis, 1725-47, 6 vol. in-4°., renfermant, avec le développement de leur motif, les décisions de la faculté de médecine de Hall sur diverses questions de médecine légale. Alberti était de l'Académie royale de Berlin, et de celle des Curieux de la Nature, sous le nom d'Andronic I. Il mourut à Hall, en 1757, âgé de 74 ans. Plusieurs hommes du même nom se distinguèrent aussi dans la médeC. et A-N. ALBERT (HENRI - CHRISTOPHE), ué à Hambourg, en 1762, mort en 1800, enseignait la langue anglaise à Halle, et en a donné une excellente Grammaire, Hall, 1784, in-8°. I écrivit aussi en anglais, et pour les Anglais, une Grammaire allemande; Hambourg, 1786. On a encore de lui des Essais sur Shakespeare; des Recherches sur la Constitution anglaise, d'après les données les plus recentes, Lubeck, 1794, et un drame sur la vie et la mort de Charles Ier.; Schleswig, 1796, etc. G-T. cine. ALBERT, ou ALBERTET, trou badour qui florissait dans le 15. siecle, naquit dans les environs de Gap, ce qui le fit surnommer le Gapençois, et résida long-temps à Sisteron, où il mourut; ce qui l'a fait désigner dans quelques histoires, sous le nom d'Albert de Sisteron; du moins, il est vraisemblable que les deux poètes auxquels Nostradamus donne ces deux surnoms, ne sont qu'un même troubadour, fils du jongleur Nazur, renommé par de jolies chansonnettes. Le même histo rien, habitué à confondre les noms et les époques, dit qu'il était de la maison de Malaspina ; ce qui est plus certain, c'est qu'il aima une marquise de ce nom. Les Tensons d'Albert sont médiocres; cependant, on a prétendu que ce poète, en mourant, avait chargé un un de ses amis de remettre ses chansons à la dame de ses pensées, et que cet infidèle dépositaire, les ayant vendues à un troubadour nommé Fabre d'Uzès, celui-ci les publia sous son nom, et fut condamné au fouet pour ce plagiat. Si ce fait était authentique il prouverait que l'on attachait plus d'importance alors au plagiat que dans ce siècle. P-x. ALBERT (ÉRASME), Voy. ALBER. ALBERT-DURER. Voy. DUBER. ALBERT-DE-RIOMS (le comte D' chef d'escadre des armées navales de France, né en Dauphiné, vers 1740, entra fort jeune dans la marine, et servit avec distinction dans la guerre entreprise par la France pour soutenic l'indépendance des colonies anglaises de l'Amérique septentionale. En 1770, M. d'Albert, commandant le vaisseau le Sagittaire, de 50 canons, se trouva au combat de la Grenade, où le corte d'Estaing battit l'escadre de l'amia Byron; le 24 septembre de la même année, il s'empara du vaisseau anglais l'Experiment, de la même force que le sien, et portant 650,000 fr. d'argent monnaye. En 1781, montant le vaisseau le Pluton, de 74 canons, il se fit remarquer dans tous les combats livrés par l'escadre du comte de Grasse, savoir le 25 avril, près du FortRoyal de la Martinique, contre l'amiral Hood; le 5 septembre suivant, devant la baie de Chesapeack, contre l'amiral Graves; le 25 et le 26 janvier 1782, près de St.-Christophe; contre l'amiral Hood; enfin, dans les malheureuses journées du 9 et du 12 avril, entre la Dominique et la Guadeloupe, contre l'amiral Rodney. Cette dernière action, si funeste à la marine française, donna licu à un conseil de guerre où fut examinée la conduite de tous les officiers supérieurs: celle du comte d'Albert-de-Rioms obtint des éloges mérités. L'estime générale et le grade de chef d'escadre furent la récompense de ses longs services. I 11 commandait, à Toulon, en qualité de lieutenant-général, en 1789, lorsque les premières étincelles de la révolution é latèrent dans ce port; rigoureux observateur de la discipline militaire, il défendit aux ouvriers de l'arsenal de porter la cocarde tricolore, et de se faire inscrire dans la garde nationale. Deux charpentiers ayant enfreint ses ordres, il les fit conduire prison: ce fut le signal d'une insurrection générale. Les troupes de ligne refusèrent de défendre M. d'Albert, qui fut arrêté par les séditieux, avec MM. du Castellet et de Villages. L'assemblée nationale décréta qu'il n'y avait lieu à ancune inculpation contre ces braves officiers, et rendit à leur chef un témoignage honorable. Peu de temps après, le roi lui confia le commandement d'une flotte de trente vaisseaux de ligne qu'on assemblait Brest, pour soutenir les droits de Espagne contre l'Angleterre, dans l'affaire de Nootka-Sund. M. d'Albert, à ayant inutilement essayé d'établir l'ordre et la subordination parmi les équipages, dans un temps où tous les liens sociaux étaient rompus, et toutes les autorités légales menacées, prit le parti de quitter le commandement, et de sortir de France; il joignit à Coblentz les princes, frères de Louis XVI, et fit la campagne de 1792, dans un corps particulier, formé par les officiers de la marine, émigrés. Après la retraite des Prussiens, et la dispersion des troupes royales, M. d'Albert se retira en Dalmatie, et vécut plusieurs années dans un asyle ignoré. Il est revenu en France, dès qu'un gouvernement réparateur y a rappelé les hommes de mérite que les troubles civils en avaient éloignés; et il a eu le bonheur, avant de terminer sa carrière, de voir renaître, dans sa patrie, les institutions monarchiques, l'ordre et la discipline militaire, dont il avait été, toute sa vie, le défenseur fidèle et courageux. E-D. ALBERTANO, de Brescia, vécut dans le 13. siècle, sous le règne de l'empereur Frédéric II. Tandis qu'il était podestat, c'est-à-dire juge et gouverneur de Gavardo, il fut fait prisonnier, et écrivit dans sa prison un Traité ayant pour titre: De dilectione Dei et proximi, de formulá vitæ honeste. Il en composa encore deux autres: De consolatione et consilio ; De doctrina loquendi et tacendi. Bastien des Rossi, nommé, dans l'académie de la Crusca, l'Inferigno, publia, en 1610, à Florence, chez les Giunti, une traduction ancienne et très-estimée des trois Traités de morale d'Albertano; elle fait autorité, ou, comme disent les Italiens, texte de langue. G—É. ALBERTET. Voy. ALBERT. ALBERTI (BENOIT), d'une des familles florentines qui agitaient sans cesse la république par leur opposition; celle d'Alberti se fit remarquer par son zèle pour l'égalité républicaine. Rival de Pierre des Albizzi, et associé de Salvestro de Medicis (voy. ces noms), Benoît Alberti, en 1378, au moment où les deux partis étaient le plus irrités l'un contre l'autre, et tandis que les Albizzi écartaient du gouvernement tous ceux qui leur faisaient ombrage, en les accusant d'être Gibelins, appela le peuple à prendre les armes, et commença ainsi la terrible révolution de Ciompi. La populace, secouant l'autorité de ses chefs, dépassa le but qu'ils s'étaient proposé; et, pour réformer le gouvernement, elle le renversa. Une épouvantable anarchie, l'incendie et le pillage des plus magnifiques palais, la ruine du commerce, le supplice de plusieurs des hommes les plus consideres, furent la conséquence de la faute qu'avaient commise ceux qui avaient déchaîné la populace; Benoît Alberti lui-même contribua à la mort de quelques hom mes distingués du parti aristocratique. Cependant, on le vit bientôt montrer autant de force et de courage contre la tyrannic de la populace, qu'il en avait auparavant opposé à la tyrannie des grands. Il demcura fidèle à ses principes; tandis que tout son parti, parvenu au gouvernement, trouvait son intérêt à les oublier, il se déclara hautement contre ceux qui abusaient de la faveur populaire et ne craignit pas de livrer à toute la rigueur des fois, Thomas Strozzi et George Scali (voy. ces noms), deux de ses anciens associés, qui faisaient un usage tyrannique d'un pouvoir usurpé. La ruine de ces deux chefs entraîna cependant celle de tout leur parti; en 1382,l'ancienne aristocratie triompha de la faction dirigée par les Alberti et les Médicis; presque tous les amis de Benoît Alberti furent exilés, et il le fat lui-même en 1387. Il partit alors pour visiter le saint-sépulchre, et mourut à Rhodes en revenant de ce pèlerinage. S. S-L. ALBERTI (LEON-BAPTISTE ), architecte, peintre et sculpteur, d'une famille de Florence si ancienne, que l'Ammirato, voulant relever la noblesse des Concini, leur donne la même origine qu'aux Alberti, naquit à Florence en 1398 ou 1400. Il reçut une excellente éducation; et, à l'âge de 20 ans, il composa une comédie intitulée Philodoxios, dans laquelle il avait si bien imité le style des anciens, qu'Alde Manuce le jeune y fut trompé, et la fit imprimer comme ouvrage original, sous ce titre : Lepidi comici veteris Philodoxios, fabula ex antiquitate eruta ab Aldo Manuccio; Lucques, 1588, in-8°.; Alde ne fut qu'éditeur. Alberti entra dans les ordres pour se livrer à l'étude avec moins de distraction. En 1447, il était chanoine de la métropole de Florence et abbé de St.-Savino, ou de St.-Ermète de Pise. Littérateur, peintre, sculpteur et architecte tout à la fois, c'est par ses ouvrages d'architecture qu'il s'est particulièrement immortalisé. On doit le regard comme l'un des restaurateurs de cet art, dont il possédait également la théorie et la pratique, et à la perfection duquel il contribua par ses travaux autant que par ses écrits. Succédant aux entreprises de Brunelleschi, il mit dans son style plus de grâce et de finesse que son prédécesseur: il avait puisé ces avantages dans l'étude approfondie des monuments antiques, qu'il avait été mesurer laimême à Rome et dans diverses parties de l'Italie. Alberti a laissé des preuves multipliées de son talent. A Florence, il acheva le palais Pitti, et bâtit le palais Ruccellai, la chapelle de cette fa |