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ou même de l'or; mais, dans tous les cas, c'était donner encore une extension bien abusive à l'idée de Dictionnaire historique; c'était satisfaire la vanité d'une seule classe d'hommes, aux dépens de toutes les autres. Ce même reproche pouvait s'adresser aussi à l'histoire des établissements et des partis religieux : les auteurs, appartenant aux uns ou aux autres, par état, par principes ou par affection, avaient indiscrètement accordé les honneurs de la célébrité à beaucoup de personnages très obscurs partout ailleurs que dans leur ordre ou dans leur secte. De toutes ces superfétations était résultée cette masse énorme de volumes, dont le format, d'ailleurs très incommode, attachait l'inconvénient d'une véritable fatigue corporelle à un ouvrage fait, disait-on, pour épargner la peine des recherches.

Ces différents défauts étaient trop généralement sentis, pour que l'esprit de spéculation ne s'empressât pas d'en profiter en les évitant dans de nouveaux ouvrages. Le Moréri devait avoir et a eu en effet de nombreux abréviateurs. Le premier a été l'abbé Ladvocat, auteur du Dictionnaire historique et bibliographique portatif, publié d'abord en deux volumes in-8°., et porté depuis à quatre volumes (la première édition est de 1752). Les articles de géographie, d'antiquités et de généalogie ont disparu; mais ceux de mythologie ont été conservés. Du reste, l'auteur a eu le tort d'ajouter aux noms déjà trop multipliés du Moréri, ceux de beaucoup d'hommes de sa profession, dont la postérité ne s'occupera guère; et, vu les bornes étroites qu'il s'était prescrites, il n'a fait qu'une sèche et insignifiante nomenclature, à faquelle une certaine exactitude de dates, jointe à tous les avantages d'un volume très resserré, a donné, pendant assez long-temps, une sorte de vogue.

On avait lien d'attendre plus d'utilité et d'agrément du Dictionnaire historique, littéraire et critique, publié par l'abbé de Barral, en six volumes in-8°. (1758); mais cet écrivain, janséniste outré, à une époque où le jansénisme, jadis honoré par de grands talents, venait de se précipiter dans le mépris public par les excès du plus extravagant fanatisme, a consacré des pages sans nombre aux héros et aux adversaires de son parti, pour exalter les uns et déchirer les autres avec une fureur égale (Diction. philosoph.). Il a mérité qu'on dît de son livre : C'est le martyrologe des jansenistes, écrit par un convulsionnaire. Cet ouvrage, où cependant la critique littéraire n'était pas sans quelque mérite, a eu le sort qui attend tous les ouvrages de parti.

Jusqu'ici nous nous sommes expliqués avec une liberté qui ne peut être suspecte, sur des écrivains qui n'existent plus, et dont les ou¬ vrages mêmes ont presque disparu, depuis que des compilations plus heureuses ont été offertes au public. Parmi celles-ci, il en est une dont nous pouvons parler encore, c'est le Dictionnaire historique de

feu l'abbé Feller, ex-jésuite des Pays-Bas autrichiens, dont l'ouvrage, publié d'abord en six volumes in-8°., a été augmenté de deux volumes. dans la seconde édition, donnée en 1797 (la première est de 1781). Il paraissait juste que le molinisme eût son dictionnaire, comme le jansénisme avait eu le sien; mais, peu touchés de cette considération, MM. Chaudon et Delandine, auteurs du Nouveau Dictionnaire historique, fait à Lyon, dont une neuvième édition se réimprime en ce moment à Paris par livraisons, ont nettement accusé l'abbé Feller d'avoir vole et gate leur ouvrage. Le reproche est vif: nous laisserons à d'autres le soin de juger jusqu'à quel point il est possible qu'il soit fondé. Rien ne nous empêche non plus de faire mention du Nouveau Dictionnaire universel, historique, biographique, bibliographique et portatif, en partie traduit de l'anglais de John Watkins, et publié, il y a sept ans, par M. l'Écuy, en un volume in-8°. Les auteurs d'une Biographie universelle en dix-huit volumes ne peuvent avoir aucun intérêt à démêler avec un abréviateur si succinct, qui ne doit avoir eu d'autre prétention que celle d'indiquer avec exactitude des noms, des dates et quelques titres de livres.

Nous ne sommes pas tout-à-fait dans la même position à l'égard des auteurs du Nouveau Dictionnaire historique. Aussi garderons-nous le silence sur les défauts que nous aurions pu apercevoir dans leur compilation. Les indiquer ici serait un procédé peu délicat, qui même. aurait un côté ridicule. Nous donnons à notre tour un nouveau Dictionnaire historique. Cela seul dit assez que nous avons cru pouvoir faire autrement cet ouvrage; on en doit conclure aussi que nous avons eu l'espoir de le faire mieux. Nous sommes dispensés de toute autre explication, relativement à une concurrence légitime, dont nos rivaux eux-mêmes nous ont donné l'exemple. En ceci, nous ne pourrions avoir qu'un tort, qui, à la vérité, serait inexcusable : c'est le tort de succomber. Nous allons toutefois dire comment nous avons conçu, dirigé et exécuté cette entreprise : nous prions nos concurrents de ne point voir, dans l'exposition naïve de notre méthode, une satire artificieuse de la leur.

Avant tout, nous irons au devant d'un reproche que nous sommes sûrs de ne point mériter, mais que certaines personnes pourraient bien vouloir nous adresser un jour, quelque persuadées qu'elles fussent elles-mêmes de son injustice : nous parlons du reproche de plagiat. Déjà l'intérêt alarmé d'un libraire a insinué contre nous cette accusation, avant qu'une seule page de notre Biographie pût être connue de lui, ni de personne. C'était prodigieusement se hâter de nous vouloir nuire. Nous n'avons rien à répondre à ce libraire; quant à ceux qui auraient au moins attendu l'ouvrage pour le calomnier, voici ce que nous leur répondrions: Lorsque nous annonçons en ce genre un

ouvrage tout neuf, nous ne pouvons l'entendre que de la manière de présenter les faits, et nullement des faits en eux-mêmes. Les faits sont un fonds commun dont nul n'a la propriété, et sur lequel tous ont un droit d'usage. Ce qui appartient seulement à chacun, c'est l'emploi particulier qu'il a fait de ce qu'il en a tiré par son propre travail. « Personne jusqu'ici, dit Bayle, n'a poussé l'extravagance jusques à » traiter de plagiaires ceux qui rapportent les évènements qu'un autre » avait rapportés, mais qui les vont prendre à la source, et qui n'em» ploient ni le tour, ni l'ordre, ni les expressions d'un autre. Il n'y » a point d'apparence qu'à l'avenir personne s'avise de définir si folle»ment le plagiat (Bayle, Préface du Diction. hist. )». Nous verrons si Bayle n'a pas trop présumé de la raison de ceux qui devaient venir après lui.

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Sans vouloir exagérer l'importance d'une Biographie universelle, on peut assurer que nul autre ouvrage ne comprend autant d'objets divers, ou plutôt qu'il n'est point d'objet qu'elle ne doive comprendre. Tout ce qui a existé, tout ce qui existe en grands évènements politiques, militaires, civils et religieux, en utiles travaux des sciences, en nobles productions des lettres et en précieux monuments des arts; toutes ces choses, ouvrages d'hommes qui se sont illustrés par elles, doivent être nécessairement indiquées et même jugées dans une Histoire de tous les hommes célèbres de l'univers. Si cette proposition est vraie, nous ne saurions, à moins de supposer une compilation incomplète et indigeste, faite sans exactitude et sans discernement imaginer qu'une telle entreprise puisse être exécutée par un ou deux hommes seulement, de quelques secours qu'ils soient environnés. Il nous semble les voir arrachant des lambeaux de mille ouvrages qu'au moins ils auront ouverts une fois, s'en rapportant même pour ce travail à des mains plus inhabiles encore qu'ils ne sauraient diriger, rassemblant à la hâte ces matériaux pris au hasard, entassant les erreurs et les vérités, les traits d'esprit et les sottises, et, pour ainsi dire, recrépissant le tout d'un style de mauvais goût, où brillent intervalles quelques phrases d'emprunt, honteuses d'un si ridicule enchâssement. Le vrai moyen sans doute de parvenir à un résultat satisfaisant était de diviser l'ensemble des connaissances humaines en un grand nombre de parties distinctes, et de confier chacune d'elles à un écrivain qui en eût fait l'objet spécial de ses études. Telle a été la première pensée, tel a été le premier soin des éditeurs de la Biographie universelle. Paris, plus que jamais la capitale des sciences, des lettres et des arts, Paris seul pouvait leur offrir une réunion semblable de collaborateurs; et c'est à Paris seulement que ceux-ci pouvaient remplir parfaitement une tâche pour laquelle le jugement, l'esprit et le savoir sont des moyens insuffisants. Dans quelle autre ville de la France

par

trouver ces milliers d'ouvrages manuscrits et imprimés, anciens et modernes, nationaux et étrangers; ces communications verbales, et cette tradition d'anecdotes de tout genre qui fournissent à la science des faits ses plus précieux matériaux ?

de

L'annonce d'un ouvrage par une société de savants et de gens lettres est devenue une des plus ridicules et des plus impuissantes amorces qu'il soit possible maintenant de présenter à la crédulité du public. Souvent ces savants et ces gens de lettres anonymes ignorent tout et ne savent point écrire. Quelquefois aussi des noms justement honorés, arrachés par l'importunité ou même pris sans consentement, décorent gratuitement des Prospectus trompeurs, et sont ainsi plus ou moins innocemment complices de la fraude. Mais ici les écrivains sont nommés; tous sont connus; plusieurs ont de la célébrité; les autres y aspirent, ou du moins prétendent à cette considération qui est le prix des travaux utiles. Tous leurs articles sont signés de leur nom; et ce nom, quel qu'il soit, ils n'ont pas voulu le compromettre, en l'attachant à des choses qui ne fussent pas dignes de leurs travaux passés, ou qui formassent un préjugé fâcheux contre leurs travaux futurs.

Quelques personnes pourraient craindre que, d'un si grand nombre de collaborateurs, et de la diversité inévitable de leurs opinions sur plusieurs points, il ne résultât un défaut d'accord trop sensible, non pas dans le ton et le style, mais dans ce qu'on pourrait appeler l'esprit de l'ouvrage. Cette crainte serait chimérique. C'est aux faits principalement que les rédacteurs ont dû s'attacher; or les faits sont d'une nature fixe et positive; ils sont ou ils ne sont pas ; pour les admettre ou les rejeter, la critique offre des règles sûres que le raisonnement est loin de fournir lorsqu'il s'agit d'opinions. Quant aux jugements à porter sur les personnages et sur leurs actions ou leurs travaux, il est, en matière de morale et de goût, des principes certains, sur lesquels tous les hommes d'honneur et de sens sont d'accord, et qu'ils se font surtout une loi de professer dans ces ouvrages faits en société, et destinés à la masse entière du public, puisque la de brillants paradoxes, qui seraient à peu près sans gloire pour celui qui les aurait avancés, ne seraient peut-être pas sans danger pour l'entreprise commune. Enfin, les importantes divisions de cette espèce d'Encyclopédie historique ayant été partagées entre autant d'écrivains à qui elles étaient familières, on est sûr du moins de trouver, dans chacune d'elles, unité de principes et de vues. C'est véritablement dans un Dictionnaire historique fait par deux personnes, et encore plus par une seule, qu'il doit exister beaucoup de discordance et de disparate; car, dans l'impossibilité d'avoir des idées propres sur les innombrables objets dont ils ont à s'occuper, ils sont forcés de prendre

aveuglément celles de tous les auteurs qu'ils mettent à contribu→ tion, et ainsi leur compilation devient en effet l'ouvrage d'un millier d'esprits différents.

Il est un point sur lequel tous les auteurs de la Biographie se sont entendus sans avoir été obligés d'en convenirentre eux, c'est la précision dans les choses et la concision dans le style. L'espace était bien précieux dans un ouvrage qui aurait pu, sans diffusion et sans inutilités, être porté au double de son étendue, et où l'on n'a cependant pas voulu renfermer moins de choses, que s'il était en effet deux fois aussi volumineux. Pour résoudre ce problême, on a dû respecter les faits, mais se commander des sacrifices sur la manière de les exprimer, de même que sur le nombre et la forme des réflexions. Il a fallu s'interdire ce luxe modéré de paroles qui donne au style du jeu, de la souplesse et de la grâce. Il a fallu se défendre souvent ces observations et ces résumés qui seuls impriment aux écrits un caractère philosophique; et (les éditeurs peuvent le dire sans ridicule ) il est des collaborateurs à qui il en a dû coûter beaucoup pour renoncer ainsi aux plus heureuses habitudes de leur talent. Mais ils les ont remplacées par d'autres qualités qui ne sont ni sans mérite, ni sans gloire : la nette et rapide exposition des faits, l'adroite disposition qui les groupe et les place sous le point de vue convenable, enfin cet art ingénieux des rapprochements qui supplée à l'expression des pensées, puisqu'il les fait naître dans l'esprit du lecteur.

Un défaut attaché presque inévitablement à la partie moderne de toute Biographie dite universelle, c'est d'abonder en noms nationaux et d'être pauvre en noms étrangers. Il serait peut-être à souhaiter que l'on fît une Biographie européenne, où les personnages historiques de chaque nation fussent admis dans une proportion que déterminerait seule la raison du nombre et de l'excellence. Cependant, une Biographie écrite en français, par exemple, est particulièrement destinée aux habitants de la France; et ceux-ci, pour qui l'histoire de leurs compatriotes a plus de charme et d'utilité à la fois, accorderont toujours a des Français, moins connus et moins dignes de l'être, une impor→ tance, ou, si l'on veut, un intérêt qu'ils refuseront à des étrangers d'une plus grande et plus juste renommée. Au reste, nous avons donné place aux personnages de tous les pays, quand leurs actions et leurs travaux en ont franchi l'enceinte, et sont parvenus jusqu'aux hommes éclairés des autres nations. Des écrivains que l'on distinguera sans peine sur notre liste, profondément versés dans la science de l'histoire et de la littérature anglaise, italienne, allemande, espagnole et portugaise, en ont tiré tout ce qui pouvait être d'un intérêt vraiment universel; et c'est à cela en grande partie qu'il faut attribuer le développement assez considérable qu'a pris notre ouvrage. Pour faire place à ces richesses nouvelles, nous avons écarté les êtres collectifs, tels que sectes, que sectes, ordres

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