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pour preuve que l'éclatant succès qui vient de récompenser l'auteur de la Fille de Roland, dont M. Taphanel vous a rendu compte. Les oreilles, Dieu merci, sont encore accessibles à la musique des beaux vers, et les cœurs peuvent s'émouvoir et tressaillir quand un poète sait faire appel aux plus nobles, aux plus purs sentiments de la morale et du patriotisme. Et les nouveaux Chants du soldat, par M. Paul Deroulède, dont M. Delerot vous a également entretenus et dont les éditions se succèdent et s'épuisent avec une prodigieuse rapidité. vous montrent que le réalisme qui durant vingt-cinq ans, grande mortalis ævi spatium, a desséché la source des nobles pensées et des mâles sentiments, ne prévaudra jamais parmi nous, lors même que par surprise il aurait conquis une vogue éphémère :

Je n'ai fait que passer; il n'était déjà plus.

M. de Barghon vous a lu un Essai critique et littéraire sur un poète assez oublié de nos jours, mais qui dans son temps jouit d'une véritable renommée, le toulousain Baour-Lormian, l'un des quarante immortels. A cet Essai notre confrère a fait succéder la lecture d'une pièce demeurée inédite, que l'auteur avait adressée à sa ville natale alors qu'il était déjà dans un âge trèsavancé. Cette pièce, l'une des dernières du poète, a cela de remarquable que le poète qui durant toute sa vie avait guerroyé à outrance contre le romantisme, s'est laissé visiblement à son insu presque enrôler dans les rangs de l'école nouvelle.

M. de Barghon vous a lu une légende suisse du XIIe siècle, intitulée: Ida de Toggenbourg et la traduction d'une nouvelle russe de Pouskine, le Chasse neige, tra

duction commencée par notre confrère durant son séjour à Taganrog, dans la Russie méridionale.

Enfin il vous a lu la traduction en vers d'un conte oriental intitulé: le Derviche, et une esquisse en vers intitulée Pétrarque et Laure, inspirée par l'annonce des solennités qui allaient célébrer en juillet 1874, sur les rives de la Sorgue et dans les murs d'Avignon, le centenaire du grand poète italien, cet élève de nos Universités qui devait tant à la France et ne fut point ingrat pour elle.

Vous devez à M. Courteville la traduction d'un conte hindou, intitulé: le Nabad, d'après une version anglaise du texte original.

Grâce au bienveillant concours qui lui a été prêté par de nombreux souscripteurs et dont il vous remercie, votre Secrétaire a pu éditer cette année la traduction complète d'Horace en vers français; traduction totalement refondue des œuvres lyriques publiées il y a vingtcinq ans, traduction nouvelle des OEuvres morales. Durant l'impression, il a soumis à votre jugement un bon nombre d'arguments et de dissertations qui, quoique sommaires, ne laissent pas de tenir une grande place parmi les abondantes notes philologiques, historiques et littéraires, jointes à la traduction.

Enfin, dans la séance du 12 février, sous ce titre : Songe d'un vieux maître, à la demande de plusieurs d'entre vous, votre Secrétaire vous a lu des couplets récités par lui quelques jours auparavant dans le banquet annuel de l'Association amicale des anciens élèves du Lycée de Versailles. Permettez-lui de vous en redire encore quelques-uns ce soir, assuré qu'ils expriment des sentiments vivaces et communs à tous les enfants de la France:

J'étais transformé, rajeuni,
Et d'une voix pleine et sonore
Il me semblait redire encore :
Οὐ μὰ τοὺς ἐν Μαραθῶνι !

O Marathon! ô Salamine !
Beaux noms chers à la liberté,
Par qui Minerve et sa cité

Dans la nuit des temps s'illumine !

Non, non, vous n'avez point failli,
Vaincus d'une autre Chéronée !
Par la tempête déchaînée
En vain le chêne est assailli;
Sous la hache qui le mutile
Il reverdit plus vigoureux,
Et des rejetons plus nombreux
S'élancent de son tronc fertile.

Non, non, vous n'avez point failli! Tombés dans la sanglante arène, Soldat obscur ou capitaine,

De tous le nom fut recueilli.

Sur les murs de notre chapelle

Par notre piété tracés,

Ces noms bénis disent assez

La route où l'honneur nous appelle.

Οὐ μὰ τοὺς ἐν Μαραθῶνι !...

VOYAGE EN ESPAGNE

AU XVII SIÈCLE

PAR M. PLOIX, MEMBRE TITULAIRE

Les voyages, dit-on, instruisent et forment la jeunesse, et leurs récits intéressent et charment tous les âges lorsqu'ils nous révèlent des mœurs étranges et des usages qui nous sont tout à fait inconnus. Mais aujourd'hui il faut pénétrer jusque dans les profondeurs de l'Afrique ou de l'Australie pour y trouver quelque chose de nouveau, n'en fût-il plus au monde; au XVIIe siècle, on le trouvait aux portes mêmes de la France.

Au moment le plus brillant du règne de Louis XIV, lorsqu'il allait signer le traité de Nimègue et marier sa nièce à ce malheureux roi d'Espagne qui passa trente ans de sa vie à faire son testament, une dame noble, riche, reçue à la cour, contemporaine et digne d'être l'amie des Lafayette et des Sévigné, Mme la comtesse d'Aulnoy, est appelée en Espagne, s'y transporte avec une suite assez nombreuse et transmet à l'une de ses amies ses impressions. Ses premières nouvelles sont datées de Bayonne, et si elle se trouve encore en France,

elle y entend déjà une langue étrangère et y rencontre des usages plus que singuliers. Un seigneur du pays veut faire connaître une Parisienne de distinction à ses compatriotes et donner une fête en son honneur. C'était alors, paraît-il, la coutume pour les dames de la cour de porter sous leurs bras des petits chiens. Les dames de Bayonne n'en étaient point encore là. Elles arrivent au bal portant, disons simplement le mot, et du reste nous ne faisons que copier, des petits cochons, mais ne méritant guère ce nom, car ils étaient pomponnés, ornés de colliers, de rubans de toutes couleurs, comme des moutons de Florian. Peut-être ailleurs Mme d'Aulnoy leur eût-elle pardonné, mais elle les traite de vilains animaux, lorsqu'au moment du bal leurs maîtresses sont obligées de les déposer à terre, et que comme de petits lutins ils viennent en grognant se jeter dans les jambes des danseuses.

Passons avec elle la Bidassoa, entrons en Espagne et apprenons par son exemple qu'avant de pénétrer dans un pays il est bon d'en connaître les usages. Elle avait rendez-vous à Irun avec un banquier pour qui elle portait des lettres de crédit et qui devait lui fournir une grosse somme pour son voyage. L'heure de la conférence était celle où elle avait l'habitude de monter sa montre, montre d'Angleterre qui lui avait coûté 50 louis. Le banquier se met à l'admirer; elle la lui donne pour la voir avec la civilité que, l'on a d'ordinaire lorsque l'on présente ces sortes de choses. « C'en fut assez, ditelle; mon homme se lève, me fait une profonde révérence et me dit qu'il ne méritait pas un présent si considérable, mais qu'une dame comme moi n'en pouvait faire d'autre, qu'il m'engageait sa foi et sa parole qu'il garderait ma montre toute sa vie et qu'il m'en avait la

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