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Le congrès a des ressources propres; il espère voir s'accroître le nombre de ses bienfaiteurs; aussi ne demande-t-il à ses adhérents, à qui il annonce, sous les auspices de notre ville, de belles fêtes et donnera un volume de compte-rendu, qu'une cotisation de dix francs. C'est tout ce que j'ai à vous dire sur la question, essentielle cependant, des finances.

Ce qui est d'un excellent augure pour l'assemblée prochaine, c'est le patronage de ceux-là mêmes qui représentent dans cette assemblée les pouvoirs publics et la magistrature municipale. Suivant une tradition chère à l'Institut des provinces et non interrompue sous tous les régimes, ces autorités tutélaires ont été priées d'accepter la présidence d'honneur; et premier gage de bienveillance et premier titre à notre respectueuse gratitude, l'hospitalité de notre palais municipal a été accordée pour les séances de l'assemblée prochaine.

Puisse le congrès de 1877 continuer l'utile mission des congrès précédents dans la ville où régna, où mourut Louis XIV, où siégent nos deux grandes assemblées nationales, où réside le Président de la République, près de Paris notre capitale, qui, grâce au voisinage, doit plus que jamais nous envoyer quelques-uns des représentants les plus illustres des sciences, des lettres et des arts! Bien souvent, depuis quarante ans, ils ont répondu à l'appel d'une province chère ou de leur ville natale. Versailles aurait le droit d'en revendiquer plusieurs comme ses fils ou ses hôtes ordinaires. Espérons ce précieux concours.

Je n'ai pu, je n'ai dû que vous annoncer le congrès de 1877. Des voix plus autorisées par leurs pressantes invitations en assureront le recrutement. Aidez-nous, aidezles, Messieurs.

Revenez, Mesdames, plus nombreuses encore, s'il est possible, toujours fidèles à cette fête extraordinaire. Les hérauts criaient, dans les anciens tournois, aux champions: De beaux yeux vous regardent. Quel orateur, quel lecteur ne rêve pas aux tournois où Clémence Isaure présidait! Quelle assemblée peut réussir sans le pouvoir et le charme de votre présence!

Et vous, Monsieur le Préfet, Monsieur le Maire, à qui la Société des sciences morales doit tant de gratitude, comblez votre bienveillance en ajoutant au suffrage de votre présidence d'honneur, comme vous le faites aujourd'hui, la bonne grâce de votre présence.

Unissons nos efforts pour ajouter un exemple nouveau à ceux que je viens de rappeler et pour démontrer une fois de plus à Versailles l'influence des lettres, des sciences et des arts pour le service et l'honneur de notre chère patrie.

CORRESPONDANCE

(1)

D'ALEXIS DE TOCQUEVILLE ")

PAR M. E. DELEROT, MEMBRE TITULAIRE.

En 1827, le tribunal de Versailles comptait parmi ses juges suppléants (juges - auditeurs, comme on disait alors), un magistrat qui se faisait remarquer entre ses collègues par le ton sérieux de ses idées, par la maturité de son jugement et la supériorité de son esprit. Il était bien jeune encore: il venait d'avoir vingt et un ans, c'est-à-dire l'âge légalement requis pourr emplir le poste qui lui avait été confié. Mais, malgré cette jeunesse, il était déjà hors ligne, et plus d'un président d'assises, après avoir écouté cette parole si grave, servant une pensée si pénétrante, si judicieuse, s'était plu à prophétiser au débutant les plus hautes destinées dans la magistrature. On se risquait d'autant plus volontiers à ces prophéties que ce jeune homme représentait une race illustre entre toutes; il descendait de Malesherbes, il était allié aux Molé, il touchait aux Châteaubriand; de toutes parts il était entouré dans le passé des gloires

(1) Cette causerie, faite d'abondance, n'ayant pas été écrite, nous ne pouvons en donner qu'un compte-rendu très-sommaire.

les plus pures, les plus éclatantes. Dans le présent même, il était aussi favorisé par la parenté; car ce jeune juge du tribunal de Versailles était le fils du Préfet de Seineet-Oise, M. le comte de Tocqueville, homme trèsdistingué, très-instruit, qui, par son libéralisme sincère, a laissé dans l'histoire administrative du département des souvenirs dignes de son nom.

La vie s'ouvrait donc bien souriante et bien facile pour le jeune auditeur. Il n'avait qu'à laisser couler les jours et, pour ainsi dire, d'un mouvement involontaire, sans fatigue, il se serait élevé peu à peu dans l'ordre judiciaire à ces charges suprêmes et sereines où l'on trouve, avec la plus utile application des facultés de l'intelligence, une considération sans égale peut-être dans notre société.

Mais cette tranquillité même de la destinée qui lui était prédite alors était justement ce qui pouvait le plus effrayer l'âme passionnément ardente de ce jeune homme aux yeux noirs, au regard perçant, qui, sous sa frêle et paisible apparence, était possédé intérieurement des plus nobles, mais des plus hautes ambitions. Un tribunal, de quelque ordre qu'il fût, ne pouvait suffire à une activité d'âme qui aspirait à se déployer dans un monde d'idées nouveau, original et créateur. Aussi bientôt, profitant du premier prétexte honorable qui s'offrit, Alexis de Tocqueville, laissant la robe du juge, prenait comme son cousin Châteaubriand le bâton du voyageur, et allait au-delà de l'Océan explorer dans tous les sens, comme l'avait fait aussi Châteaubriand, le Nouveau Monde, l'Amérique du Nord, ce champ d'expériences illimité où l'on peut se donner le spectacle de vingt sociétés à l'état naissant.

Ce n'était pas en poète qu'il y allait, c'était en philo

sophe, en politique; et, après un séjour d'un an, il en rapportait des notes, des vues, des observations, d'où il tirait l'ouvrage capital qui a fait sa gloire, qui a si hautement honoré à l'étranger notre littérature politique, et qui encore aujourd'hui est étudié avec un respect presque religieux par tous les esprits qui ont le culte sincère et intelligent de la liberté.

Ce n'est pas de cet ouvrage, a dit M. Delerot, que j'ai l'intention de vous entretenir ce soir, c'est de son auteur. Je voudrais, par des citations choisies dans les correspondances familières publiées récemment, pénétrer avec vous dans cette âme exquise, et la surprendre dans toute sa délicate pureté, dans toute sa noblesse si séduisante, telle qu'elle s'est involontairement trahie par des lettres intimes écrites pendant vingt ans à des parents, à des amis, sans aucun soupçon, sans aucune arrière - pensée de publicité possible. Il y a, ce me semble, une joie extrême à constater par des documents irrécusables que, conformément à la maxime de Vauvenargues, les grandes pensées d'un illustre écrivain sont sorties du plus profond de son cœur. Le livre qu'on avait déjà admiré prend alors une solidité plus certaine; son autorité s'accroît à mesure qu'on en constate avec plus de certitude l'absolue sincérité. A ce point de vue, aucun écrivain ne peut l'emporter sur Tocqueville. Il est aujourd'hui facile de soulever les derniers replis de ses pensées les plus secrètes, et toujours et partout on le trouve conforme à lui-même. A regarder son âme et sa vie, on jouit de la beauté morale dans toute sa plénitude: donnons-nous donc ce spectacle tout à notre aise.

Feuilletant alors la correspondance de Tocqueville, M. Delerot a suivi l'auteur de la Démocratie en Amérique depuis ses années de Versailles jusqu'à sa mort. Il s'est

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