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voisins pour l'extension de leurs écoles nouvellement fondées et l'accroissement de leur galerie nationale aussi de récente création. Les économistes de notre pays en ont été vivement préoccupés; car la création de ces écoles rivales des nôtres a pour objet, chacun le sait, une concurrence commerciale très-légitime d'ailleurs; elles sont entretenues à grands frais par l'Etat, et, dans un pays où tout est dû à l'initiative privée, leur institution prend par ce fait même une signification particulière.

Je me propose, n'insistant sur l'art en lui-même que dans ses rapports avec l'industrie, d'examiner les efforts incessants accomplis par nos voisins, et ceux qu'il nous importe de faire, si nous voulons, dans cette lutte toute pacifique, conserver le rang que nul n'a contesté jusqu'ici à nos productions d'art industriel.

L'application de la vapeur aux voies ferrées, en rendant les communications plus faciles, a rapproché les nations et augmenté considérablement les relations commerciales; de ces relations est née l'idée des grandes expositions universelles. La première, due à l'initiative de l'Angleterre, fut organisée à Londres en 1851, la deuxième quatre ans plus tard à Paris; la troisième à Londres en 1862, et la quatrième à Paris en 1867. La date, le lieu de ces expositions et surtout l'immense retentissement de celle du Champ-de-Mars, la plus universelle sans contredit et la plus française, indique, malgré le concours des autres nations, que la lutte est surtout engagée entre les deux pays.

Ceux qui ont suivi avec attention ces expositions ont pu voir quelle large place y était accordée non-seulement aux arts industriels en général, mais encore à l'art proprement dit.

En 1854, il y eut un concert unanime d'éloges flatteurs

pour notre amour-propre national; la supériorité de nos produits dans les industries qui s'alimentent des arts du dessin était tellement marquée, que nos rivaux mêmes n'ont pu s'empêcher de la reconnaître.

A chacune des expositions qui ont suivi la première, cette supériorité, malgré tous nos progrès, a été moins marquée; l'écart entre nos produits et les produits similaires étrangers a diminué d'une manière sensible; ainsi en 1831 chaque pays conservait son caractère, sa marque originale industrielle; en 1855 ces différences sont atténuées sensiblement; en 1862 elles s'effacent encore davantage.

Le résultat était facile à prévoir; par la force des choses, ce grand concours des produits de toutes les nations devait provoquer chez les producteurs l'émulation, la comparaison dont ils ont tiré profit, enfin l'imitation qui a servi à améliorer et à multiplier la production générale.

Nos produits industriels en tout genre empruntent aux arts du dessin un goût, une perfection de formes qui leur impriment un cachet tout français et les font rechercher de préférence sur tous les marchés; la valeur de la matière employée s'efface devant celle de la main-d'œuvre; dans ces conditions ils deviennent une source de richesse pour le pays.

Il serait trop long d'énumérer toutes les industries florissantes, surtout à Paris, où d'ailleurs s'accumulent les produits de nos grands centres industriels; en même temps que les objets de luxe, elles fournissent pour les besoins matériels des objets auxquels l'art imprime son cachet; ne pénètre-t-il pas même jusque dans la poterie destinée aux usages les plus communs?

Cet état de choses n'est pas seulement dû à nos dispo

sitions naturelles, mais encore à un ensemble d'institutions et de sages encouragements, qui, remontant trèsloin dans le passé et grandissant de plus en plus, ont pris une forme définitive sous le règne de Louis XIV, et grâce à l'inspiration de Colbert, et ont aidé dans une large. mesure à répandre dans notre pays le goût des arts.

La France est richement dotée en merveilles artistiques de tout genre, amassées dans nos musées et dans nos monuments; l'Ecole française y est largement représentée par la quantité et la valeur de ses chefs-d'œuvre.

Si la vue de toutes ces richesses a contribué à entretenir ce goût, les institutions l'ont développé et perfectionné; en indiquant seulement les principales il sera juste de nommer d'abord la plus importante et la plus féconde en résultats.

On trouve déjà ces institutions en germe sous Charles VI qui fonda une corporation sous le titre modeste de Communauté des peintres, lui fit une dotation et lui accorda des priviléges; cette association, devenue plus tard l'Académie de Saint-Luc, dura jusqu'en 1776.

C'est à François Ier qu'il faut faire remonter l'origine des collections rassemblées maintenant au Louvre, collections qui eurent pour premiers joyaux des peintures italiennes rassemblées au palais de Fontainebleau. Partout le monarque fait recueillir et acheter des objets d'art à grands frais: antiquités, médailles, camées, orfévrerie, bijoux, peinture, sculpture, tout ce qui porte l'empreinte d'un beau style.

Henri IV disait qu'il tenait à honneur de s'entourer des hommes qui se rendaient utiles à leur pays par l'industrie; outre les encouragements de toute sorte et les grands travaux qu'il fait exécuter au Louvre, il continue ces acquisitions; enfin, sous Louis XIV, les acquisitions

pour les peintures seulement, de 200 montent à 2,000 (1). L'Académie des Beaux-Arts est fondée en 1648. Louis XIV par lettres-patentes, en janvier 1655, lui accorde un logement, une pension annuelle et différentes exemptions ou priviléges, entre autres « celui de donner « leçon en public sur le fait de peinture et de sculpture, a et l'exercice du modèle. »>

Parmi les premiers membres au nombre de 12, tant peintres que sculpteurs, figurent: Lesueur, Lebrun, Sébastien Bourdon, Corneille, Laurent de Lahire. L'Ecole des Beaux-Arts prend ainsi naissance et les cours de dessin sont inaugurés par Lesueur.

Jusqu'à ce moment la plupart des artistes, désireux d'augmenter la somme de leurs connaissances, étaient réduits à demander à l'Italie et à ses écoles un enseignement et des modèles que la France ne leur donnait pas encore; le plus célèbre d'entre eux, Poussin, dont la vie presque tout entière s'est passée loin de la France, fut l'instigateur de la création de l'Ecole de Rome.

Après l'Académie et l'École des Beaux-Arts, Louis XIV, en 1665, fonda à Rome une Ecole pour les peintres et les sculpteurs français; elle fut composée de douze pensionnaires choisis parmi les artistes qui remportaient les grands prix de peinture et de sculpture.

En 1666, Colbert fonda la Manufacture des Gobelins, appelée Hôtel des manufactures royales. Indépendamment de la fabrication des tapisseries de haute lisse, il y

(1) Sous Louis XVIII, la collection s'accroît de 111 tableaux; sous Charles X, de 24; sous Louis-Philippe, de 33; de 1848 à 1853, de 29. - Louis-Philippe a dépensé onze millions pour la création des galeries de Versailles. Le Louvre ne disposait d'abord que de 50,000 francs pour acheter des objets d'art; cette somme a été doublée.

avait aussi des ateliers d'orfévrerie en repoussé, de bijouterie, de marqueterie, de gravure, de mosaïques en pierres dures; outre les ouvriers, soixante élèves y étaient entretenus aux frais de l'Etat. C'est là que s'inaugura officiellement la fusion de l'art et de l'industrie; le premier directeur fut Lebrun, auquel succéda Mignard.

Sous Louis XV, la Manufacture de Sèvres devient manufacture royale. En 1753, la direction des travaux y est confiée au célèbre statuaire Falconnet. On conviendra que ce sont là d'assez glorieux parrains.

L'excellence de ces institutions n'a pas besoin d'être démontrée. Tout le monde sait que l'Institut se recrute lui-même parmi ce qu'il y a de plus illustre dans les arts; ses membres sont les professeurs de l'Ecole des BeauxArts, dont la direction leur a été dévolue dans l'origine, comme celle de l'Ecole de Rome.

Les Gobelins et la Manufacture de Sèvres sont des institutions que l'étranger a copiées, mais qui nulle part n'ont été égalées.

Après cette rapide esquisse et avant de parler des écoles, il est utile de jeter un coup d'œil sur l'état des arts en Angleterre; on appréciera mieux ainsi comment les voies étaient préparées pour leur établissement.

La culture des arts, négligée, limitée à un petit nombre d'élus, n'était pas entrée dans les habitudes du pays; il semblait que les Anglais l'eussent considérée au moins comme étrangère à leurs aptitudes; il y avait bien de précieuses collections chez les riches particuliers, dans les grandes familles, mais elles n'étaient accessibles, la vue n'en était permise qu'à une élite peu nombreuse, et, avant 1824, Londres ne possédait pas de musée national.

On prête au roi Georges IV l'idée première de l'établissement longtemps désiré d'une galerie nationale à

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