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Les sols danois ont encore un autre ennemi, allant souvent de pair avec le mor. C'est l'« Al », qui n'est pas autre chose qu'une sorte d'alios, formé par une agglomération de sable fin, d'argile et de sels de fer. On le rencontre assez fréquemment dans les forêts de hêtre argileuses, mais c'est dans les landes que sa présence est à peu près constante; l'eau qui finit par traverser la couche de « mor de lande », chargée d'acides humiques, s'enfonce dans le sable sous-jacent, absorbant son oxygène, neutralisant ses bases, et le décolorant par dissolution des sels de fer, ce qui lui donne la teinte d'un blanc grisâtre caractéristique du « sable de plomb » (1), puis, à une profondeur variable, d'autant plus grande que le sable est plus maigre, les matières en dissolution se précipitent au contact de l'argile, et il se forme, selon les cas, une couche de « terre rouge » encore assez meuble, ou d'al qui possède parfois une richesse en fer et une dureté telles qu'on peut l'employer comme minerai ou comme pierre de construction. L'al, s'opposant à la pénétration des racines et à la circulation en profondeur du peu d'eau qui traverse l'humus acide de la surface, est très préjudiciable à la végétation, et sa présence nécessite, comme celle du mor, un traitement spécial pour permettre la réinstallation des arbres. C'est à la suite des destructions de forêts de l'époque historique, consommées par l'âpre vent d'ouest, que 600.000 hectares du Jutland, peu à peu rongés par le mor et envahis par l'alios, n'étaient, il y a soixante ans, que landes de bruyère et marais. L'étude des sols forestiers a été très poussée en Danemark. P. E. Müller, dès 1878, publiait sur le sol des forêts et des landes ses premiers travaux qui ont eu un si grand retentissement; et il les a continués depuis lors, en collaboration avec MM. Tüxen, Fr. Weiss, Rördam, Wöldike, etc... Les recherches de la Société des Landes du Danemark, et notamment de son fondateur, E. M. Dalgas, ont également contribué à mettre au point cette question, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir.

(1) Cette traduction littérale du mot danois Blysand (allemand: Bleisand) est vraiment trop elliptique; la dénomination « sable gris de plomb» serait certainement plus expressive.

CHAPITRE II

LES ESSENCES FORESTIÈRES ET LEURS ASSOCIATIONS

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Dans les terrains silicieux de nos régions tempérées froides, la flore forestière est déjà monotone; sous le climat assez uniforme du pays qui nous occupe, elle se réduit à sa plus simple expression. Le Danemark, où le pin sylvestre était abondant aux époques interglaciaires et même au début de la période historique est maintenant en dehors de l'aire naturelle de toutes les essences résineuses dont il est fait cependant un large emploi. Parmi les feuillus, seuls, le hêtre et, loin derrière lui, le chêne pédonculé et l'aune glutineux forment des massifs purs importants; le bouleau, le frêne, l'érable sycomore, le charme, le chêne rouvre ces deux derniers assez rares rencontrent surtout disséminés au milieu des espèces précitées. Mais, par suite des méthodes de culture employées et d'un remarquable souci d'élever dans chaque station l'essence qui lui convient le mieux, on rencontre en Danemark tous les arbres forestiers, indigènes ou exotiques, sus ceptibles de prospérer dans les conditions de climat et de sol que nous avons définies.

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Dans l'ensemble, les feuillus s'étendent sur 51 % de la surface des forêts danoises (3.673 km2) et les résineux sur 49 %; mais la répartition des essences varie beaucoup d'un endroit à l'autre et il y a lieu d'établir une distinction entre les îles, où les résineux occupent à peine un quart des terrains boisés, et le Jutland, où ils en couvrent plus des trois quarts.

Le hêtre.

Les Essences feuillues spontanées

Vulgatissima, utilissima, gratissimaque Danis arbor (1), le hêtre forme à lui seul 41 % des forêts danoises

(1) O. F. MULLER, 1767.

ou, plus exactement, 62 % des forêts des îles, et 19 % des forêts du Jutland. Peu éloigné de la limite nord de son aire, il s'y comporte en essence de plaine, et présente son optimum de végétation dans les régions côtières à climat humide et à fortes précipitations notamment dans la zone baltique du « Sönderjylland » (1) où il forme de superbes massifs.

Croissant à peu près partout, sauf en sols trop compacts, trop humides, acides, ou par trop secs, supportant bien le couvert (quoique manifestement moins sensible à la lumière que sous nos latitudes), feuillant de bonne heure en moyenne au 15 mai, le hêtre a pris peu à peu la prépondérance sur le chêne qui était très abondant au Moyen Age. On le trouve dans toutes les îles (2) et dans tout l'est du Jutland, jusqu'à la pointe nord de la presqu'île, mais pas dans les landes. De croissance en général satisfaisante jusqu'à 120 et 150 ans, il fleurit en massif à partir de 50-60 ans, mais ne donne des faînées complètes consécutives aux années chaudes que tous les six à sept ans; il y a des faînées partielles tous les trois ans et les années absolument sans semences sont rares.

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Le hêtre craint beaucoup les gelées printanières et les coups de soleil; il est à la fois « vindfast » et « vindstaerk », bien que défeuillant de bonne heure en stations venteuses. Dans le monde animal à part les « souris » (Arvicola agrestis, qui ronge l'écorce du pied des jeunes brins et Mus sylvaticus, qui s'attaque aux faînes) il n'a pas d'ennemis bien dangereux; dans le règne végétal, Nectria ditissima, Armillaria mellea, Polyporus fomentarius, sont assez fréquents, mais causent rarement des dommages considérables.

Sous le couvert épais du hêtre, la couverture vivante est peu développée et ne comprend qu'un nombre d'espèces assez restreint; décelant au forestier, à première vue, le degré de neutralité ou d'acidité du sol, sa composition a fait l'objet d'observations d'autant plus nombreuses que la fréquence du mor donne à cette question un intérêt tout particulier.

En terreau doux, la première plante qu'on rencontre dans les

(1) Les Danois ont donné le nom de « Jutland Méridional » aux parties du Slesvig récupérées sur l'Allemagne à la suite du plébiscite prévu au traité de Versailles. (2) Il ne serait que subspontané à Bornholm.

jeunes peuplements est l'aspérule odorante; puis viennent les anémones (A. nemorosa, hepatica, ranonculoides), et, au fur et à mesure que le couvert se relève : Corydalis cava, Galeobdolon luteum, Viola sylvatica, Circæa lutetiana, Pulmonaria officinalis, Sanicula europæa, Mercurialis perennis; en dernier lieu, des graminées : Melica uniflora, Milium effusum, et, sur les côtes, Elymus europæus. Sont également indiquées comme espèces caractéristiques du muld de hêtre, dans diverses conditions de station et d'éclairement Oxalis acetosella, Ficaria verna, Stellaria nemorum, S. holostea, Adoxa moschatellina, Paris quadrifolia, Gagea lutea, Urtica dioica, Stachys sylvatica, Scrofularia nodosa, Epilobium montanum, Ajuga reptans, Hieracium vulgatum, Impatiens noli me tangere, Lysimachia nummularia, et, en sols humides, Chrysosplenium alterniflorum.

Lorsque le muld a tendance à subir une réduction, Agrostis tenuis, Dactylis glomerata, apparaissent aux lisières; dès que l'acidification commence, Aira flexuosa s'installe aux endroits clairs. Dans le mor caractérisé on trouve : Trientalis europæa, Maianthemum bifolium, Melampyrum pratense, et parfois Potentilla tormentilla. L'acidité s'accroît-elle encore Vaccinium myrtillus, puis, dans les clairières, Pteris aquilina, Calluna vulgaris et, en sols frais, Erica tetralix, consomment la transformation du terrain en « mor de lande ». La bourdaine (Rhamnus frangula) est aussi fréquente à découvert, dans les sols de mor à tendance tourbeuse, avec Molinia cærulea; le muguet commun (Convallaria maialis) est également connu comme correspondant à une variété spéciale de mor (1). Parmi les mousses, Polytrichum attenuatum, Dicranum scoparium, Leucobryum glaucum, indiquent une propension du sol à se détériorer. L'apparition de certains lichens et notamment d'Evernia prunastri sur les troncs est aussi la marque d'un état de peuplement favorable à la formation de l'humus acide.

Mentionnons enfin que la forme des hêtres laisse souvent

(1) Une étude de M. CARSTEN OLSTEN « Sur le degré d'acidité des sols forestiers », parue dans la première livraison de 1923 du Danske Skovforeningstidskrift, range ainsi les diverses espèces, par ordre d'acidité décroissante des stations où elles sont le plus fréquentes Vaccinium myrtillus, Aira flexuosa, Carex pilulifera, Luzula pilosa, Convallaria majalis, Maianthemum bifolium, Trientalis europæa.

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