Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

des haies (1), des guides, c'est-à-dire des alignements d'arbres réservés dont l'existence très ancienne est attestée par de nombreux textes, notamment par les coutumes qui interdisent aux

désigna très anciennement la ligne de limite, et ce sens lui est resté dans notre terminologie actuelle (laie, layon, lisse).

La coutume d'Orléans, rédigée en 1260, définit : « Laye est bois par mesure et quantité d'arpents» (chapitre I, art. 82), c'est-à-dire que c'est une portion de la forêt dont l'importance est fixée par une opération d'arpentage, par le nombre d'arpents occupés. Le mot laye a ici le même sens que dans cette charte de 1320, où l'on voit: pro usagio ad ædifi candum et ardendum certa et sufficiens assignabitur laya... extra quam layam nihil omnino pro ædificare vel ardere reclamare poterunt. L'ordonnance de 1318 prescrit de livrer les dons du roi (faire les délivrances usagères) « par layes et mesures » (c'est-à-dire, à ce que je crois, par abandon du matériel renfermé dans des enceintes arpentées) et non par tiges prises çà et là. Celle de 1320 parle de layer les bois et cette même expression se trouve aussi dans la coutume d'Orléans précitée : il semble, étant donnée la définition que donne ce même texte du mot laye, que laier ou layer un bois c'est y asseoir des coupes, peut-être le diviser en coupes, c'est-à-dire l'aménager.

Le mot leia, laia, laya désignait donc dès le XIIIe siècle un parquet de coupe ou encore un canton de la forêt nettement séparé du surplus par une opération d'arpentage, soit pour être mis en réserve, soit, au contraire, pour être livré aux coupes ordinaires, annuelles. La laye est, par exemple, un canton en défends dans ce texte emprunté au For béarnais, rédigé en 1288, au titre 50, article 2. « Si aucun pica en Bedat (seguien la ley en Bedat) pagaro etc...» [Si aucun mutile des arbres dans un défends (c'est-à-dire dans un canton mis en défends) il paiera... etc.].

On pourrait multiplier les exemples de l'emploi du mot laie ou laye, au Moyen Age, pour indiquer une assiette, un parquet de coupe. Citons ces textes français. « Le verdier du lieu li fera une laye où il (l'usager) prendra tout bois à taille pour son ardoir et pour clorre... La dite laye sera faite ès lieux de la dite forez où l'en verra qu'il aura mains de chesnes... » (1324) ou encore « Item. Il (l'usager) a une laye en la forest de Lany laquelle lui est livrée par le verdier d'icelle forest toutes fois que mestier est pour son dit manoir » (1388), etc. La laie est une « forêt en ventes », un canton divisé en coupes, ou une série de taillis comme nous dirions aujourd'hui, un boscus cæduus, une sylva cædua, dans cette charte de 1310 citée par Du Cange, in forestâ de Basquevillâ, juxta boscum cæduum, sive layam, quæ fuit novissime mensurala, qui nous montre avec toute l'évidence possible la synonymie du mot laya et de ceux qui étaient employés, au Moyen Age, pour désigner les bois taillis divisés en coupes. Un autre texte, également cité par Du Cange, mais dont il ne donne malheureusement pas la date (il paraît être du XIIIe siècle), en parlant des confins d'une terre, dit: terra infra lias divisas, c'est-à-dire confinant aux taillis aménagés. Cet auteur, dont les assertions jouissent d'une autorité incontestable, traduit le mot leia par sylva cædua dans un diplôme du roi Philippe Ier, de la fin du XIe siècle (première édition du Glossaire, de 1678, verbo Leia). C'est ainsi qu'il faut interpréter le mot laie ou laye dans quantité de noms de lieux, comme Saint-Germain-en-Laye, Lay-Saint-Christophe, etc... Enfin le mot layer signifia aussi, anciennement, couper, abattre, exploiter des bois. Un texte de 1350 dit : « Les gens dudit seigneur ne pourront leyer bois pour faire de la poix (Godefroy). La coutume d'Amiens porte : « Ceux qui auront pris bois à couper et à layer sont tenus le couper et abattre devant le premier jour de May » (édition de 1604). Un autre texte de 1510 établit une charge de deniers sur les coupes d'un canton de forêt en ces termes : « En prendant sur les marchans quand on layera les diz bos de chacun quartier XII deniers » etc...

D

(1) « Qu'est-ce que hayes? C'est ce que laisse le mesureur le long des taillis pour discerner les coupes >> (Traité universel des Eaux et Forêts de France, par Néel DUVAL, 1699). Le mot hale a une histoire sémantique analogue à celle du mot laie exposée plus haut. Après avoir signifié clôture dans une forêt, il désigna un parquet clos, puis une forêt close, ordinaire. ment une forêt réservée pour l'exercice de la chasse.

usufruitiers d'abattre les laies marquant les limites d'assiettes dans les « bois qui sont en coupes ».

Conservait-on des baliveaux, lors de ces coupes de taillis, en dehors des arbres de laie? Cela me paraît au moins probable, car les textes les plus anciens (qui, à la vérité, ne remontent pas au delà des derniers siècles du Moyen Age) nous signalent cette pratique comme suivie de temps immémorial. Je ne connais cependant aucun indice ni texte qui permette d'être affirmatif à cet égard.

$ 2.

Les afforestations ou mises en défends. Histoire sémantique du mot forestis. Apparition du mot taillis vers le XIe siècle. Les taillis revenants.

Les méthodes d'exploitation forestière restèrent, pendant de longs siècles, celles que je viens d'indiquer. Les registres descriptifs des domaines carolingiens, les polyptiques comme on disait au Moyen Age, nous montrent une organisation des domaines identiquement maintenue. Le plus connu et le plus instructif de ces polyptiques est celui que fit rédiger, sous Charlemagne, l'abbé Irminon pour les domaines de l'abbaye de SaintGermain-des-Prés près de Paris. On y voit des concidæ, taillis simples à courte révolution, dont plusieurs faisaient partie des manses tributaires et ne mesuraient parfois que quelques bonniers (1). La forêt du seigneur, du maître du domaine, se trouvait ordinairement sur les confins de celui-ci et servait à triple fin on y menait les bestiaux, on y coupait les bois d'œuvre et elle formait une réserve de terrain pour la création, par le défrichement, de nouvelles tenures lorsque la population augmentait.

C'est à cette époque, vers le vie ou le Ixe siècle, qu'on voit se généraliser la pratique, de la part des seigneurs, de fermer aux tenanciers une partie des forêts où il leur était interdit de pénétrer. Ces réserves s'appelaient des défends (defensa), des vétats

(1) Le bonnier, mesure de contenance carolingienne, équivalait à 1a 28a. De nos jours, cette mesure est encore usitée en Belgique et sa valeur officielle est de 1a 25a 75oa.

(vetata) ou bédats dans les régions méridionales, des banbois, des embannies (du mot ban, d'origine germanique) dans le Nord-Est du pays. On les appela aussi des foresta ou foraste, mot dont le sens primitif est le même que celui de défends; une forestis ou foresta était, au Moyen Age, un bois où les usagers, les mansonniers ne pouvaient pénétrer (1). On distingua dès lors les sylvæ communes, les bois où les habitants du domaine étaient admis en observant des règles de police définies par l'usage local (consuetudo loci, consuetudo sylva, etc.) et d'autres qui constituaient des défends, des bédats, des embannies, des forestæ, clos en principe. Cette évolution est extrêmement importante dans l'histoire de la propriété forestière; on la trouve à l'origine des droits d'usage forestiers, de la propriété forestière communale et de la propriété forestière particulière.

Les termes de sylva minuta, de concida, disparaissent des textes vers le milieu du Moyen Age et sont remplacés par celui de tailla, tallicium, tallierum, substantifs dérivés du verbe baslatin taillare, taliare, qui signifiait couper, abattre (2), d'après

(1) Le mot FORESTIS apparaît pour la première fois dans les textes au milieu du vie siècle, dans un diplôme de Childebert II qui remonte à 558. Il y désigne une réserve de pêche. Le document le plus ancien à ma connaissance où le mot forestis se présente avec le sens de terrain boisé est postérieur d'un siècle. C'est un diplôme de 648 par lequel Sigebert II concède un terrain dans la forêt des Ardennes (in FORESTE nostrâ noncupatâ Arduinna) pour y construire une abbaye qui s'appellera plus tard Malmédy-Stavelot. Plusieurs autres documents contemporains renferment les mots forestum, forestis, forastis, foresta; au VIIIe siècle, ils deviennent assez fréquents dans les diplômes et les chartes.

Le mot forestis ou forastis désignait primitivement des eaux ou des forêts restées en dehors des villas, ou des forêts comprises dans les domaines mais soustraites à la jouissance commune. Les mots forestis et forastis dérivent sans aucun doute possible de foris et de foras; Diez a très bien fait remarquer que l'existence de cette double forme forestis et forastis correspondant à la double forme foris et foras constitue une preuve certaine de l'origine du mot (DIEZ, Etymologisches Wörterbuch der romanischen Sprachen, 5o édit. Bonn, 1887).

Un capitulaire de Louis le Débonnaire de 818 renferme un chapitre intitulé: De forestibus noviter institutis. Le roi y interdit aux seigneurs d'augmenter l'étendue des mises en défends dans les forêts de leurs villas et ordonne que toute forestis qui n'aurait pas été spécialement autorisée par lui ou son père Charles sera supprimée immédiatement.

C'est vers le XIIe siècle que le mot foresta tend de plus en plus à prendre la signification actuelle du mot forêt, mais il est d'un usage moins fréquent dans les textes où il est remplacé par nemus. Le mot forêt présente dès le début, dans les textes de langue française, son sens actuel.

(2) Le plus ancien texte, à ma connaissance, où se trouve ce terme est un diplôme du roi Robert de 1028: Cum terris cultis et incultis, bannis et TALEIS, pascuis, etc. Dans ce texte le bannum, la forêt réservée, est opposé à talea, la forêt mise en coupes. En 1044 on trouve :... Ut nullus ipsøm sylvam TALIARE vel capelare audeat. Le cartulaire de l'abbaye

Du Cange. Le mot français taillis est formé avec le verbe tailler (1) comme semis avec semer, chablis avec chabler, abatis avec abattre, hachis avec hacher, etc. Il désigna, dès le début, à la fois un recru, renaissance consécutive à une coupe, et une forêt aménagée à courte révolution dont la régénération est assurée par de pareils recrus. Le terme s'est conservé avec ce sens jusqu'au commencement du XIXe siècle (2).

L'expression de taillis revenant se trouve employée dans la coutume de Bourgogne et dans des textes du xive siècle pour désigner ce que nous appelons aujourd'hui des taillis aménagés, destinés à fournir un revenu régulier. Celle de taillis en coupes (Nivernois), forêts de ventes (Troyes, Vitry), forêts en fruit (Berry), bois à couppes ordinaires (Boullenois) et d'autres encore se rencontrent dans les textes de nos anciens coutumiers provinciaux. Dans le Centre et l'Est de la France, et particulièrement en Lorraine, à partir du xin ou du xive siècle, les bois taillis mis en coupes s'appellent souvent bois bâti, Basticium. Du Cange dit : Basticium, id est sylva cædua.

Pendant de longs siècles on put se borner, pour satisfaire une population dont le nombre et les besoins individuels croissaient, à augmenter l'étendue des parties mises en coupes réglées. Dans les derniers temps du Moyen Age le pays n'avait plus, comme autrefois, l'aspect d'une immense forêt interrompue par des cultures que les bois entouraient de tous côtés. C'étaient au contraire les cultures qui dominaient, les forêts qui étaient

de Beaulieu, dans le Limousin, renferme cette phrase: Boscus cui nomen TAILLADA (no 40 année 1100), etc., etc. Un climat (canton) de la forêt d'Orléans s'appelait, au XIIIe siècle « la vieille taille ». Un diplôme de Philippe III de 1271 emploie le mot tallicium pour désigner de jeunes bois mis en défends. En 1318 nous voyons le tallicium, la forêt en coupes réglées à courts intervalles, opposée à plenum boscum, la haute futaie dont le massif reste clos. Le mot français « taillis» se trouve dans l'ordonnance du 2 juin 1319.

(1) Au xvie siècle, le mot « tailler» avait encore le sens de « couper » dans la langue usuelle. « Il nous tailla le chemin », lit-on dans Rabelais (1, 38) à propos d'un incident qui coupait le passage à une armée.

(2) C'est Baudrillart (Traité général des Eaux et Forêts, Paris, 1823) qui est le premier coupable de la dénaturation du sens du mot taillis que nous avons pris l'habitude, répandue ensuite surtout par le Cours de Culture des bois de Lorentz et Parade, de ne plus employer que pour désigner des peuplements de rejets. Dralet (1812) disait encore des taillis de sapin pour indiquer de jeunes repeuplements de cette essence. A Haguenau, dans les documents officiels, on employait en 1824 l'expression de taillis de pin pour désigner des jeunes pineraies (La Forêt sainte de Haguenau, par G. HUFFEL, Nancy, 1920, p. 103).

cernées par les terres défrichées et dont les orées se trouvaient sans cesse corrodées par la charrue. Sur les rives, les rains (1) des massifs, on voit des régions aménagées qu'on appelait dès lors des taillis; des cantons isolés, de petite étendue, étaient des buissons.

[blocks in formation]

Les baliveaux ou étalons. Histoire du mot merrain.

L'usage de réserver des arbres, d'excepter certains sujets de la coupe des taillis, est certainement très ancien dans notre pays. Le fait que dans les vieux textes ces arbres sont souvent appelés des «< estallons » en même temps que baliveaux (2) nous montre quel est le genre de services qu'on en attendait: c'étaient des porte-graines, des reproducteurs (3). Dans son Glossaire, Du Cange indique Baivarius, Bayvellus, arbor ad propagationem sylvæ relicta.

L'ordonnance forestière de 1376, dans son article 21, nous représente la pratique du balivage comme suivie depuis longtemps: « Pour ce qu'au temps passé les maistres, en faisant et vendant ventes de bois, ont par inadvertance ou autrement

(1) Le mot rain employé pour désigné les parties périmétrales d'un massif de forêt, « l'orée d'un bois, est un mot germanique qui signifie lisière. Il faut éviter de le confondre au point de vue orthographique avec le mot rein, dérivé du latin renem, qui désigne l'organe sécréteur de l'urine.

(2) L'origine du mot baliveau nous est inconnue. Parmi les hypothèses assez variées que l'on a faites à cet égard, la plus vraisemblable est peut-être celle qui rattache le mot de baliveau à celui de baillivus, forme bas-latine du mot bailli. Les deux mots, bailli et baliveau, apparaissent en même temps dans les textes à la fin du XIIe ou au début du XIIIe siècle; il est possible qu'ils aient une origine commune, les baliveaux ayant été souvent autrefois des arbres de limite, arbores signatæ, c'est-à-dire des gardiens, des protecteurs de la forêt. Cependant rien n'est plus douteux que cette étymologie.

La forme primitive paraît être baiveau ou boiveau qui s'est conservée dans certaines provinces (Orléanais) jusque dans la période moderne. Un texte de 1214, en latin, dit Bayvelli in unoquoque arpento nemoris... viginti bayvelli Dans sa Chronique Villehardouin cite, aux pièces justificatives, une charte de 1274 où il est fait mention de baliveaux. Dans sa translation de cette chronique (publiée en 1657) Du Cange traduit comme suit le passage en question : « demeure à l'empereur 100 arpens de bois de 8 ans et les boiviaux ». Un autre texte de 1325 nous montre à la fois les formes latine et française : retentis Baivariis, gallice dictis les Baiviaux.

Les maçons appellent baliveau une perche d'échafaudage, et on fait dériver ce mot de bajulus, étai, pieu, ce qui porte ou soutient (bajulare, porter).

(3) Lorsque, beaucoup plus tard, l'affranchissement des serfs amena la rédaction des droits des coutumiers (usagers), on vit plus d'une fois que dans les anciennes sylvæ minutæ le taillis fut attribué à l'usager, les arbres de futaie au seigneur, situation qui s'est ensuite conservée à travers toute la période moderne pour certaines forêts.

« VorigeDoorgaan »