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DEUXIEME SECTION

LES FORÊTS JARDINÉES

S.

§. 1. Les aménagements de jardinage.

On définit le jardinage en disant qu'il consiste à parcourir chaque année la forêt en prenant çà et là, à titre de produit principal, jusqu'à concurrence d'une possibilité déterminée, les arbres que leur état ou leurs dimensions désignent à la hache. En même temps que le produit principal, on réalise, à titre de produit intermédiaire, des bois plus jeunes dont la quotité est ou bien réglée comme celle des produits principaux, ou bien laissée, ainsi qu'il est d'usage dans les futaies pleines, à l'appréciation des agents opérateurs.

Ce qui caractérise le jardinage et constitue sa raison d'être, c'est la dissémination des exploitations. Il se recommande ou s'impose toutes les fois que cette dissémination est désirable ou nécessaire. Tel est, par exemple, le cas lorsqu'on est en pré. sence des forêts où, par suite du danger des chablis ou bris de neige, l'on doit éviter très soigneusement d'entr'ouvrir les peuplements comme on serait amené à le faire dans les futaies pleines, lors des coupes de régénération. Tel est encore le cas sur les points où la forêt, jouant surtout un rôle de protection, soit sur son propre sol exposé aux érosions, soit vis-à-vis de forêts voisines, on doit conserver les massifs aussi constamment denses que possible. Parfois encore la rudesse du climat rend les fructifications générales tellement rares, ou bien la configuration du sol est telle (terrains trop abruptes, rocheux, etc.) qu'on ne peut songer à régénérer des étendues continues, même assez réduites, comme celle d'une parcelle, en un temps raisonnablement limité.

L'essence qui se prête le mieux au jardinage, celle à laquelle on pense tout d'abord quand on parle de jardiner, c'est le sapin. La sapinière, à un moindre degré la pessière, les massifs mélangés des deux essences avec le hêtre, telles sont par excellence les forêts à jardiner sur les confins supérieurs de la zone du sapin (1).

On a beaucoup discuté (2), depuis près de deux siècles, sur les avantages ou inconvénients respectifs de la forme inéquienne ou équienne pour les peuplements, du jardinage ou de la futaie pleine pour les forêts de sapin. Ces discussions ont naturellement été d'autant plus vives, plus passionnées parfois, qu'aucun des partisans de l'une ou l'autre opinion n'est en mesure de produire un argument démonstratif ou déterminant. Actuellement, la très grande majorité des forestiers considèrent le jardinage comme un mode de traitement archaïque, barbare en quelque sorte, en tout cas non désirable, qui s'impose parfois et que l'on doit alors subir, mais qu'on ne doit pas rechercher lorsqu'on peut l'éviter (3).

Dans les forêts primitives, vierges, on ne trouve jamais, même chez les essences d'ombre, les gros arbres qu'à l'état épars au milieu d'autres de dimension moindre. Lorsqu'on a commencé à aménager des forêts de montagne, à une époque où depuis longtemps déjà on pratiquait des coupes réglées dans les feuillus, on a été, par suite, tout naturellement amené à faire des coupes d'arbres disséminés et à définir leur quotité

(1) Un décret du 30 thermidor an XIII porte que l'exploitation en jardinant par pieds d'arbres ne pourra avoir lieu que dans les forêts de sapins ou mêlées de hêtres et de sapins. (2) Je me bornerai à mentionner ici un très remarquable mémoire de Mr P. B. Schlum. berger qui a paru dans la Revue des Eaux et Forêts, volume de 1907 (p. 517 et suiv.). L'auteur s'y montre le digne descendant de B. Lorentz et un parfait connaisseur des sapinières dont tant d'autres ont discuté sans les avoir jamais pratiquées sur le terrain. Voir au surplus Économie forestière, tome III, 1re édit., p. 201, 210 et suiv. (3) « Ce mode de traitement (le jardinage) doit toujours être l'exception. En règle générale, il faut adopter la méthode (de la futaie pleine) toutes les fois que la situation de la forêt n'oppose pas à son application d'insurmontables difficultés. » (Note de l'Administration des Forêts du 17 juillet 1883.)

Celui de nos auteurs forestiers anciens qui s'est le plus étendu sur le traitement en jardinage, Dralet, qu'on pourrait appeler en quelque sorte le père du jardinage, a écrit, en 1812, dans son Traité d'aménagement, p. 53 : « Les coupes par pieds d'arbres donnent lieu à de grands abus; elles ne doivent être mises en usage que sur les espèces et dans les localités où aucun autre genre d'exploitation ne peut être pratiqué. » Voir pour Dralet, page suivante, note 2.

par le nombre des sujets à récolter, c'est-à-dire à pratiquer le jardinage avec une possibilité par pieds d'arbres. Ce mode de possibilité est le plus simple en pareil cas; il est en effet beaucoup plus facile de compter des arbres que de les cuber. On a vu plus haut (p. III et suivantes) que nos prédécesseurs avaient poussé à un certain degré de perfectionnement le système d'aménagement par pieds d'arbres surtout dans les Vosges, aussi bien sur le versant alsacien que sur le versant ouest de la chaîne. La possibilité par pieds d'arbres a cessé d'être appliquée dans les Vosges vers 1830 (1).

Dans le Jura, le jardinage par pieds d'arbres des sapins apparaît à peu près à la même époque, ou un peu plus tard que dans les Vosges; j'ai donné aussi plus haut (pp. 110 et suiv.) quelques détails à ce sujet. On applique la possibilité par pieds d'arbres aux sapinières comtoises jusque vers 1840; à ce moment apparaît une possibilité indiquée à la fois en nombre d'arbres faits, de perches et de stères, quelques années plus tard il n'est plus question que de stères et, à partir de 1860, de mètres cubes seule

ment.

Dans les Pyrénées et les Cévennes, le jardinage par pieds d'arbres fut aussi pratiqué autrefois, au moins si nous en croyons Dralet (2). Cet auteur, « se basant sur l'expérience » (il assure

(1) Puton a été, je crois, le dernier partisan de la possibilité par pieds d'arbres. Il avait obtenu, en 1892, qu'une partie de la belle forêt de sapins de sa ville natale (Remiremont) serait aménagée en jardinage avec une possibilité par pieds d'arbres fixée à un arbre d'au moins 50 centimètres de diamètre par hectare et par an. Ce système a été maintenu jusqu'en 1901, date à laquelle la possibilité par volume a été introduite dans toutes les séries soumises au jardinage de la forêt de Remiremont. Actuellement, il n'existe plus, en France, aucune forêt où la possibilité par pieds d'arbres soit appliquée. Voir pour l'opinion de Puton son Traité d'Économie forestière, op. cit., 2e vol., 1890, p. 178.

(2) Traité des forêts d'arbres résineux, p. 146 et suiv. et Traité d'aménagement, p. 106 et suiv.

E.F. Dralet naquit à Neufchâteau (Vosges) le 15 janvier 1760. Son père était l'arpenteur de la maîtrise des eaux et forêts de cette localité; c'est ainsi que, dès sa première jeunesse, il eut l'occasion de s'intéresser aux questions forestières et particulièrement, nous dit-il lui-même, aux questions d'aménagement. Ce ne fut pas, toutefois, vers ces matières qu'il orienta d'abord ses études, car nous le voyons, après un court séjour à Paris, suivre des cours de droit à Pau et à Auch où il fut reçu avocat et se fixa. Dralet manifesta de bonne heure un goût très prononcé pour les voyages et surtout les explorations en montagne. « Je fis (écrit-il dans la préface de sa Description des Pyrénées) en 1784 un voyage dans les pays basques français et espagnols afin de comparer ces contrées avec les montagnes des Vosges au pied desquelles je suis né... Trois ans après les affaires qui m'avaient appelé en Gascogne me permirent de continuer mes observations dans les montagnes du Béarn et de Bigorre... Ces premiers voyages avaient montré à Dralet combien il lui

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DRALET (Étienne-François), 1760-1844.

Conservateur des forêts à Toulouse de l'an IX à 1833.

(D'après la photographie, communiquée par M. de Coincy, inspecteur des Eaux et Forêts, d'un portrait conservé dans la famille de Dralet.)

Wontown 7. Juillet 1809

Dratch

धु

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