Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

peut fournir annuellement sans s'épuiser. C'est parmi eux que naquit et se développa la pratique des coupes jardinées par pieds d'arbres, où ils étaient passés maîtres dès le début de la période moderne.

Quelque nombreuses que fussent les scieries, leurs marches ne s'étendaient que sur une faible partie de l'immense massif. Dans les intervalles la forêt restait improductive ou du moins ne subissait que des coupes d'arbres pris çà et là, le plus souvent pour le service d'usagers.

Nous ne savons à peu près rien sur l'exploitation des sapinières jurassiennes antérieurement au XVIIIe siècle. Les vassaux de la très riche abbaye de Saint-Claude prenaient librement << bois pour leur usage et nécessité par tous les bois et joux de la terre de Saint-Claude sans en mésuser » et en outre ils pouvaient, « toutes et quantes fois que bon leur semblera, prendre, couper, abattre bois dans lesdits bois et joux où il leur plaira pour iceux vendre... sans être tenus de prendre licence pour ce faire... » (Titre récognitif de 1548). Il était impossible d'accorder plus de licence aux abus d'exploitation. Aussi n'est-il pas étonnant que les forestiers qui firent, au XVIIIe siècle, l'aménagement des forêts de Grandvaux n'aient trouvé, là où croissent aujourd'hui de bonnes sapinières, que de mauvais taillis de 8 à 10 ans au plus, où les feuillus dominaient. Les princes espagnols avaient permis d'une façon générale, aux communes de Franche-Comté riveraines des bois banaux d'y couper à volonté tous arbres, sauf les chênes et les fruitiers et à condition de « garder forêt ». Ce n'est qu'après la conquête française que les forêts comtoises commencèrent à être l'objet d'une exploitation ordonnée.

Dans les Alpes, les forêts de montagne, entre les mains des communes ou plutôt des mandements (collectivités qui comprenaient plusieurs de nos communes actuelles), paraissent avoir été, au Moyen Age, fort sagement ménagées par les habitants. Des capitulations (règlements) du xve siècle nous montrent que

certains cantons, constitués en défends, étaient complètement soustraits à toute exploitation, quelle qu'elle fût, même par les particuliers dans leurs bois propres. En dehors des défends, la coupe était strictement limitée aux besoins réels et dûment constatés des habitants. L'exploitation par les étrangers était interdite et les copropriétaires eux-mêmes ne pouvaient couper de bois destinés à la vente qu'en vertu d'autorisations expresses qui en limitaient la quantité. Il est probable que les coupes d'arbres résineux se faisaient en jardinant, sous formes de délivrances spéciales, consenties après justification des besoins. Les coupes de chauffage se faisaient en forme de taillis simple, le tout conformément aux pratiques encore suivies de nos jours.

Dans le Béarn (1), « les forêts étaient les propriétés communes des habitants constitués, au Moyen Age encore, en petites républiques quasi indépendantes surtout dans les hautes vallées ». L'exploitation de ces massifs par les gens du pays, les voisins (2), était absolument libre, sans aucune règle ni restriction, à l'exception de quelques bédats (3) mis en réserve (4). Les premiers fors (règlements) de 1288, remaniés en 1552, n'interdisent que la coupe par les étrangers. Il est remarquable que, tandis que des pénalités très précises frappent la coupe des chênes, hêtres, châtaigniers, tauzins, aucune mention n'est faite du sapin: il semble qu'on considérait les forêts de cette essence comme surabondantes et inépuisables. Cependant, dès le début de la période moderne, «< certaines communes ne laissaient chaque bésin exploiter à sa guise que les bois de chauffage. Les bois de construction étaient délivrés par les jurats

(1) Voir Le Régime forestier de 1669 dans le Béarn, par M. Pierre BUFFAULT (Revue des Eaux et Forêts, année 1900, p. 513 et suiv.) et Fors du Béarn, par M. DE SAILLY (même recueil, année 1897, p. 321 et suiv.).

(2) Les voisins (bésins) étaient les habitants qui constituaient la communauté, cité ou village. Besin dérive de vicinus qui signifie habitant du vicus, du village, sans aucune considération de voisinage.

(3) Bédat, bois en défends, vient de vetatum par la mutation du v en b familière aux idiomes gascons, et qui a donné lieu à la jolie boutade de J. Scaliger: Beati populi quibus vivere est bibere!

(4) La coutume de la vallée d'Aure, rédigée au XIIIe siècle, autorise les habitants à prendre tous produits « à touto lour voluntad » dans les forêts « exceptat los bedats ».

(magistrats élus) dans la limite des besoins vérifiés et moyennant redevance ». Des règlements déterminaient les cantons à exploiter et ceux qui étaient clos, la dimension minima des arbres à couper, etc.

Si l'on en croit Dralet (1), toutes les forêts des Pyrénées, domaniales ou autres, restèrent librement ouvertes à la coupe pendant tout le Moyen Age, le premier essai de mise en valeur remontant à la seconde moitié du xvie siècle. Il n'aurait existé aucun service forestier, aucune autorité chargée des forêts jusque vers 1460; à cette époque, les maîtres particuliers du Languedoc furent désignés pour veiller sur elles. Ces officiers, dont les charges restèrent à peu près purement honorifiques jusqu'à la grande réforme, « n'avaient exercé aucune juridiction dans leur ressort » avant 1666, quelques-uns habitaient à trente lieues des forêts qui leur étaient confiées.

Le mode de mise en valeur des forêts royales, introduit à partir de 1561, d'abord dans la maîtrise de Quillan, puis en 1606 et 1632 dans les forêts du Haut-Comminges et la vallée de Barousse, était d'une simplicité extrême. Des autorisations de couper étaient accordées sous le nom d'« afforestements » à des individus qui choisissaient et exploitaient librement des bois qui étaient enlevés par le flottage sur les gaves. Au débouché de ces rivières se trouvaient des sortes de bureaux de péage où les flotteurs acquittaient un petit droit qui consti. tuait l'unique revenu de la forêt.

(1) DRALET (conservateur des forêts à Toulouse), Description des Pyrénées, tome II, p. 45 et 68. Paris, 1813. Voir, pour une notice sur Dralet, p. 171.

CHAPITRE III

DES PREMIERS RÈGLEMENTS FORESTIERS

(MILIEU DU XVI SIÈCLE)

JUSQU'A LA RÉFORMATION DE COLBERT

S 1.

Réformations, règlements, aménagements.

Le début de la troisième période de cette histoire des méthodes d'aménagement des forêts en France peut se caractériser par l'apparition des premiers règlements d'exploitation forestiers, dans le sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot.

Antérieurement au milieu du xvie siècle, on ne connaît aucune mention d'actes pouvant s'assimiler aux aménagements actuels. Les réformations dont les forêts du domaine étaient l'objet dès le XIe siècle étaient des opérations d'une portée bien plus générale que nos aménagements. Elles visaient, comme leur nom l'indique très bien, à réformer tous les abus pouvant exister et à donner une solution pour toutes les questions qui se posaient dans la forêt. Leur objet ordinaire était d'abord la question de propriété, revendication des terrains usurpés, l'abornement, l'arpentage de la forêt. Venaient ensuite la très importante question des droits d'usage, la répression des fautes imputables aux officiers forestiers, la police des coupes, etc., etc. La réglementation des exploitations proprement dite ne tenait qu'une place accessoire dans les anciens arrêts de réformation. Les coupes se faisaient dans les taillis suivant l'usage, qui les ramenait à brefs intervalles sur les mêmes assiettes. Le réformateur n'avait guère qu'à vérifier si l'on s'était conformé aux ordonnances prescrivant la réserve des baliveaux, le maintien des arbres de laies, et si l'on n'avait pas outrepassé les

assiettes. Dans les futaies, les coupes ne se pratiquaient qu'à titre extraordinaire et ne pouvaient être l'objet d'aucune réglementation.

Aussi les anciennes réformations étaient-elles plutôt œuvre de juristes qu'oeuvre de forestiers et nous les voyons confiées à des fonctionnaires divers, baillis, trésoriers de France, con. seillers en la cour du Parlement, etc., auxquels des lettres de commission spéciales étaient remises à cet effet.

Les réformations étaient ainsi une manière de grands jours (1) : devant le réformateur, véritable missus dominicus, compa. raissaient les officiers, les marchands, les riverains des forêts, les usagers, etc., et ces sortes d'assises devenaient ordinairement l'occasion de révocations, suspensions, amendes et peines diverses (2), réunions à la forêt de terrains usurpés, suppression ou réduction des délivrances usagères, etc. Aussi le commissaire réformateur était-il un personnage fort redouté de tous, mais, je le répète, c'était, au début, un juge et non pas un aménagiste (3).

Les règlements >> assez nombreux établis du milieu du xvIe siècle jusqu'à la grande réformation étaient parfois spéciaux à une forêt importante comme Compiègne, Villers-Cotterets, etc. tantôt généraux pour tous les massifs d'une maîtrise, ou d'une grande maîtrise après la création de celles-ci. C'étaient, essentiellement, des règlements administratifs et de police : la règlementation des coupes resta en quelque sorte la partie secon

(1) Je n'entends faire ici qu'une comparaison. Les réformations n'ont rien de commun avec les Assises ou Hauts jours appelées aussi Grands jours ou extras que tenaient les offi. ciers forestiers dès le XIVe siècle, et qui furent prescrits à nouveau par le titre XII de l'ordonnance de 1669.

(2) La réformation de la forêt d'Orléans en 1456 entraîna la révocation du « souverain maître des eaux et forêts et garennes du duché d'Orléans », nommé François Victor. Celle de 1517, dans la même forêt, dont fut chargé Pierre de la Porte, avocat au Parlement, entraîna des condamnations fort rigoureuses contre plusieurs sergents convaincus de graves malversations. Quelques-uns des coupables durent faire amende honorable, ayant à la main une torche ardente, et sur la tête une mitre, où étaient représentés des arbres, soit debouts, soit renversés; d'autres furent battus de verges, la corde au cou; deux, enfin, furent pendus (Histoire de la Forêt d'Orléans, par P. DOMET. Orléans, 1892, p. 142).

(3) L'ordonnance de 1554 dépeint les réformations faites par des juges commissionnés comme une source « de grands frais pour nous, et travail pour nos subjects, cause de perturbations et troubles dans les jurisdictions ordinaires et plusieurs autres inconvénients, sans qu'il soit apparu aucun profit, règlement et réformation d'aucune d'icelles forêts ».

« VorigeDoorgaan »