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LES MÉTHODES

DE

l'Aménagement Forestier

EN FRANCE

Par G. HUFFEL

SOUS-DIRECTEUR HONORAIRE DE L'ÉCOLE NATIONALE DES EAUX ET FORÊTS

Le véritable patriotisme n'est pas l'amour du sol, c'est l'amour du passé. C'est le respect des générations qui nous ont précédé.

(FUSTEL DE COULANGES.)

Étude historique avec I figure dans le texte et 10 portraits hors texte

DE

l'Aménagement Forestier

EN FRANCE

PREMIÈRE PARTIE

DES ORIGINES A LA SUPPRESSION DES MAITRISES DES EAUX ET FORÊTS

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Le pays compris entre le Rhin, les Alpes, les Pyrénées et la mer, la Gaule, présentait, au moment de la conquête romaine, une étendue de 63 millions d'hectares. On (1) a calculé, en se basant sur des indications fournies par un chapitre bien connu des Commentaires de Jules César (2), que sa population était d'environ huit millions d'habitants.

Pour nourrir huit millions d'hommes, étant donnés les procédés agricoles rudimentaires de l'époque, qui devaient suffire à tout en l'absence complète d'un commerce d'importation, il fallait une surface cultivée de 16 à 20 millions d'hectares. On

(1) LEVASSEUR, La Population française, tome I. Paris, 1889.
(2) C. J. Cæsaris Commentarii de bello gallico. Lib. VII, Cap. LXXV.

peut donc admettre, avec suffisamment de probabilité, qu'au début de notre ère le tiers de l'étendue de la Gaule était défriché, le surplus étant couvert de forêts.

La forêt était fort inégalement distribuée. L'Aquitaine, à elle seule, renfermait au temps de Jules César le tiers de la population de toute la Gaule; la Narbonnaise était presque entièrement cultivée. En revanche, la région du Nord-Est portait une forêt à peu près ininterrompue continentes sylvas et paludes, dit César en parlant du pays des Morins et des Ménapiens, entre la Somme et l'Escaut.

En dehors de la région méridionale et de celle du Nord-Est, le pays se présentait, dans son ensemble, comme un massif boisé qu'interrompaient des enclaves cultivées.

$ 2.

- Le régime domanial à l'époque gallo-romaine

On sait combien était forte, élevée et absolue la notion de propriété dans le droit romain. Les Romains ne concevaient pas une terre sans un propriétaire. Une des premières entreprises des empereurs en Gaule fut celle de la confection d'un cadastre. Celui-ci, commencé dès l'an 44 avant J.-C., aboutit à un plan parcellaire complet sous Trajan, vers la fin du 1er siècle.

Tout le territoire agricole fut divisé en domaines, en fundi ou prædia. Le fundus est l'unité domaniale, caractéristique de l'organisation romaine de la propriété du sol. Plus tard, les termes de villa (dès le 1e siècle) et de curtis (à partir du ve siècle) devaient devenir synonymes de fundus, mais fundus était le mot propre, juridique, à l'époque gallo-romaine.

Le fundus était une véritable unité économique rurale; il produisait tout ce qui était nécessaire à l'entretien de ses habitants. On y trouvait des terres labourées, des pâturages, des vignes, des forêts, des moulins, des pressoirs, fours, forges, etc. Cette unité était si naturelle et si solide qu'elle subsista à travers les siècles. Un grand nombre de nos communes actuelles, de nos territoires villageois, sont des villæ, des fundi, dont les limites sont restées telles que les agrimensores romains les avaient établies au 1er siècle.

Les domaines étaient divisés en deux parts. L'une, qui portait la demeure du maître, lui était réservée; c'était le manse seigneurial, le mansus dominicus, le dominicum, comme on dit au Moyen Age. L'autre était divisée en petits lots, en manses serviles, et chacun de ces lots était cultivé par une famille de tenanciers qui y était attachée. Les tenanciers payaient au maître une redevance, ordinairement en nature, et fournissaient de plus des jours de corvée qui étaient employées à cultiver le lot du maître.

Une particularité caractéristique des domaines gallo-romains fut que chacun portait un nom, nom qui fut presque toujours celui du premier propriétaire dont on formait un adjectif qualifiant le mot fundus. Puis la famille du maître pouvait changer; le nom restait, immuable. Le suffixe ajouté au gentilice gaulois fut ordinairement celui de acus. C'est ainsi qu'on trouve le fundus Pauliacus ou Floriacus ou Rufiacus, ou Bucculiacus, etc., la villa Juliaca, Ciipiaca, etc., qui étaient les domaines de Paulus, de Florus, de Rufus, de Bucculius, de Julius, de Clipius, etc. Ces noms sont devenus Pauillac, Florac, Rouffach, Bicqueley, Juilly, Clichy, etc. J'ai dit que beaucoup de nos communes rurales sont d'anciens domaines gallo-romains; elles ont le plus souvent conservé leurs noms en même temps que leurs limites (1).

Chaque domaine renfermait une forêt, laquelle, comme le domaine lui-même, était étendue. Ausone décrit comme une petite propriété (herediolum) une villa de 1.050 arpents dont 200 en terres labourées, 100 en vignes et 700 en forêt. La forêt se trouvait toujours dans la réserve du maître, car, ne comportant pas de culture, elle n'avait pas besoin, pour produire, du labeur des serfs tenanciers. Elle devait souvent se rencontrer sur les confins du domaine, le château du maître et les villages des manants se trouvant au centre des terres cultivées. Ce qui semble confirmer cette hypothèse, c'est que plus tard un même mot, marca, introduit par les Germains, désignera à la fois la région frontière et la forêt d'une villa franque.

En dehors de l'enceinte des villas, des espaces immenses

(1) Voir pour cette organisation des domaines gallo-romains L'Alleu et le domaine rural mérovingien, par FUSTEL DE COULANGES (4 volume de l'Histoire des institutions politiques de l'ancienne France). Paris, 1889.

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