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nuaient jusqu'au moment où les bois, devenus des hautes futaies, étaient de nouveau réduits en taillis, c'est-à-dire régénérés.

On voit que nos prédécesseurs étaient en possession, dès le milieu du xvie siècle, de méthodes très précises, très complètes, s'adaptant parfaitement aux régions à climat doux de l'ouest de la France, où ils opéraient. La perfection même de leurs méthodes prouve irrécusablement qu'elles étaient déjà le fruit d'une pratique ancienne, et on peut affirmer sans crainte que dès le xve siècle on a su, en France, régénérer les futaies et conduire les repeuplements, par une suite de coupes d'amélioration périodiquement répétées, jusqu'à leur exploitabilité. Le règlement pour les forêts du Perche, de 1560, par Louis Petit, ne laisse aucun doute à ce sujet (1). Le texte ci-après, d'une note de Sainct-Yon (p. 324) n'est pas moins formel: « Si par trop grande quantité de bois le jeune revenu est empesché de profiter, j'ai veu faire en la forest de Cuyse (Compiègne), de mon temps (Sainct-Yon écrivait en 1608, son livre est daté de 1610), des coupes de bois de feuille (2) c'est-à-dire du bois moindre et superflu qui se trouve parmy le jeune revenu après la couppe de la haute fustaye, et il y a même des usagers en icelle forest qui ont droit d'avoir bois de ceste qualité pour faire eschallats, et qui leur a été adjugé par arrest des jugements (juges) en der. nier ressort savoir à l'hospital saint Nicolas de Compiègne par arrest du vingt-uniesme aoust 1549», etc. On voit par cette citation que les éclaircies se faisaient à Compiègne, assez régulièrement, dès la première moitié du xvie siècle, pour que des droits d'usage sur leurs produits aient été concédés à divers

(1) Le règlement de 1560 pour les forêts du Perche se trouve reproduit in extenso dans le tome III de mon Économie forestière (Paris, 1907, Laveur, éditeur).

(2) Dans leur langage pittoresque et imagé les anciens forestiers appelaient feuille l'accroissement formé en une année, ou, par extension, comme c'est le cas ici, en une période d'années consécutives, par un peuplement forestier sur pied. Une coupe de feuille était une coupe destinée à réaliser tout ou partie de cet accroissement; c'est ce que nous appelons aujourd'hui une éclaircie ou, plus spécialement, une coupe intermédiaire au point de vue économique, une coupe d'amélioration au point de vue cultural. De pareilles coupes prétaient naturellement à de faciles et graves abus à une époque où le contrôle exact des exploitations, tel que nous pouvons l'exercer aujourd'hui, était le plus souvent impossible. Aussi les coupes de feuille furent-elles expressément interdites, à plusieurs reprises, dans les forêts des communautés, au cours du XVIIIe siècle, par divers arrêts du conseil.

établissements à des époques qu'il serait intéressant de pouvoir préciser (1).

Les abus de toutes sortes qui se multiplièrent dans l'adminis tration de la France à partir du milieu du xvre siècle, et surtout après la mort de Henri IV, amenèrent, avec un relâchement général des mœurs administratives, une décadence profonde des méthodes forestières dès le commencement du XVIIe siècle. Presque tout le domaine forestier royal, à cette époque, « était engagé ou donné en apanages, douaires et bienfaits à plusieurs. Ceux-ci, sous ombre que l'on leur a baillé et cédé la jouissance et usufruit des taillis de la coupe ordinaire, qui ne peut s'entendre que de ce qui était de tout temps et d'ancienneté en coupe et fruit ordinaire de taillis... néanmoins se veulent attribuer la coupe de tous les bois revenus après l'abat des hautes futaies ou recépages qui ont été faits après les hautes futaies usées... et en ce faisant n'y aurait jamais espérance de rien laisser accroître en nature de haute futaie... » (Règlement général de mai 1597, art. 26.) C'est ainsi qu'au lieu de poursuivre des coupes de dégagement, puis d'éclaircie, dans les renaissances de futaie, on les rasait impitoyablement pour les confondre avec ce qui de tout temps avait été traité en taillis. C'est en vain que Henri IV, ou plutôt les rédacteurs du règlement de 1597, ordonnèrent aux usufruitiers de borner leur jouissance à ce qui « est accoustumé être tenu en taillis, fruicts et couppes ordinaires, et non ce qui est revenu après les couppes de haute futaye et haut revenu ou après les recépages », l'abus ne cessa pas. En 1612 on renouvela la défense de couper d'autres jeunes bois que ceux « qui de toute ancienneté sont mesnagez en couppes ordinaires, et non les bois revenus après la couppe des hautes

(1) La mention la plus ancienne que je connaisse de coupes d'éclaircie se trouve dans un traité d'économie rurale de P. Crescenzi (né à Bologne en 1230) intitulé Opus ruralium commodorum, traduit en français en 1373 par ordre du roi Charles V. Il y est dit, au livre VII consacré aux « boys et forestz » (Je reproduis littéralement le texte de la traduction du XIVe siècle)... « Les boys et forestz... où il y a beaulx arbres et nobles convenables pour ouvrer et faire édiffices on ostera (les sujets d'essences secondaires) et sy les beaulx arbres sont trop espes on ostera les moins suffisans et seront lessez les meilleurs plus au cler pour qu'ils aient plus de nourriture... »

Le premier forestier qui ait préconisé les éclaircies (en même temps que les coupes de régénération progressives) paraît être Tristan de Rostaing, qui était le chef du service forestier pour tout le royaume sous Charles IX, dans la seconde moitié du XVIe siècle.

futayes et des hauts revenus, appelés recépages, qui nous (au roi) appartiennent ». Mais cette nouvelle défense ne fut pas mieux observée que la précédente. Les usufruitiers et les officiers avaient intérêt à créer la confusion entre les coupes d'amélioration dans les jeunes repeuplements et les coupes réglées de taillis (1); ils n'y réussirent que trop. Les renaissances de futaie furent impitoyablement coupées à blanc étoc presque partout. Les coupes intermédiaires, qu'on avait pris l'habitude au commencement du XVIIe siècle d'appeler éclaircissements ou expurgades, finirent par tomber complètement en oubli. Les vestiges qui subsistaient de leur pratique paraissaient « des monstres en matière de forêts », lors de la grande réformation, même à des forestiers instruits, comme Froidour.

Les officiers que Colbert trouva en exercice dans les maîtrises ne connaissaient plus rien, semble-t-il, des méthodes si intéressantes suivies un siècle auparavant par des prédécesseurs que le grand ministre leur proposait vainement en exemple. Cette déchéance tient sans doute à la vénalité des offices qui introduisit dans le service, et surtout dans les grades les plus élevés, à partir du milieu du xvie siècle, des oisifs, étrangers à toute notion de sylviculture et à toute tradition (2). Le règlement de 1597 avait bien prescrit, dans son article 12, que les officiers devaient se faire recevoir aux tables de marbre; en fait, il suffisait de financer pour obtenir une charge. Le relâchement général des mœurs administratives, qui atteignit son comble à partir de 1635, sous le gouvernement de Mazarin, contribua aussi à la décadence des connaissances forestières. La science était

(1) Le souvenir de ce danger des coupes d'amélioration était encore très vivace un siècle plus tard. Duhamel (Semis et plantations, p. 403), en 1780, après avoir décrit fort bien les avantages des éclaircies, ajoute qu'il est prudent de s'abstenir des « éclaircissements » dans les forêts du roi parce qu'il se produirait des abus. Buffon avait exprimé la même opinion sur le danger des éclaircies « qu'il faudrait pour ainsi dire faire par ses mains » dans son second mémoire sur les végétaux (tome IV, p. 461 de l'édition Faivre des Euvres complètes de Buffon).

(2) Vers le milieu du XVIIe siècle, François-Gaspard de Montmorin, maître particulier à Fontainebleau, dans un mémoire adressé au roi au sujet d'un procès qu'il avait avec le grand-maître, s'étonne, s'indigne même que l'on puisse supposer que lui, maréchal de camp et courtisan, ait la moindre connaissance du règlement fait quelques années auparavant pour l'administration des forêts de la maîtrise (Histoire de la forêt de Fontainebleau par P. Domet. Paris, Hachette, éditeurs, 1873, p. 82).

presque tout à fait oubliée lorsque Colbert arriva au pouvoir, en 1661 (1).

(1) Je n'aurais que fort peu de chose à dire sur l'exploitation des forêts résineuses de la montagne pendant la période qui nous occupe.

Dans les Vosges, la futaie irrégulière est le seul type de forêt admis. Les coupes par assiette de la plaine y sont complètement inconnues. Un règlement édicté le 27 juin 1613 pour les forêts de Dabo par Jean-Louis et Philippe-Georges, comtes de Linange et de Dabo, porte ce qui suit : « Nous ordonnons qu'il ne soit établi aucune coupe dans nos forêts sapinières, et même où il y aurait diverses espèces de bois pourvu qu'il s'y trouve des arbres de pins et de sapins; le mode d'exploitation ou de vidange s'y fera en jardinant, attendu que le sol n'est propre qu'à la production de ces dernières espèces de bois et qu'en y établissant des coupes ce serait ruiner notre domaine et ôter tout moyen d'existence à nos sujets ». La date de ce texte est toutefois douteuse.

Dans les Pyrénées et les Cévennes on voit apparaître à cette époque une première velléité d'affirmer d'une façon effective les droits de propriété du roi sur les forêts du domaine, jusque-là entièrement abandonnées aux riverains. En 1561 le maître particulier de Quillan établit de légers droits d'afforestement moyennant lesquels chacun pouvait prendre ce dont il avait besoin dans les forêts domaniales. Des lettres patentes du 27 juin 1606, un règlement du grand-maître de 1632 étendirent ces droits sur plusieurs autres forêts de la montagne. Ce système subsista jusqu'à la réforme de Colbert, sans qu'on ait paru autrement se soucier de mettre en valeur, ni même de reconnaître et de définir l'étendue encore très considérable du domaine dans cette région.

CHAPITRE IV

DE LA RÉFORMATION DE COLBERT

JUSQU'A LA SUPPRESSION

DES MAITRISES DES EAUX ET FORÊTS

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<< Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut. Le mauvais état où nos forests se trouvoient réduites par la négligence et le peu de fidélité de nos officiers nous ayant obligé à nous appliquer au rétablissement de cette importante partie de notre domaine, nous avons, par arrest de notre Conseil du mois d'octobre 1661, ordonné que toutes nos forests demeureroient fermées. Et nous avons commis en même temps des personnes expérimentées pour procéder à la réformation générale des Eaux et Forests de tout notre Roiaume, sur les avis desquelles nous avons réglé les coupes ordinaires, les usages et généralement tout ce qui regarde le règlement desdites Eaux et Forests; et ayant reconnu que la plupart des abus qui s'y étoient introduits provenoient du fait des officiers qui devoient veiller à leur conservation, nous en avons diminué le nombre, et même supprimé tous les offices de grands-maîtres, par nos édits des mois de mars 1664 et avril 1667. Ensuite de quoi nous avons fait rédiger notre ordonnance du mois d'août 1669... pour l'exécution de laquelle nous avons commis dans chaque province des personnes capables qui y ont exercé par commission la fonction de grands-maîtres des Eaux et Forests. >>

Ce préambule de l'édit de février 1689 résume parfaitement la grande œuvre de Colbert, contrôleur général des Finances et chef suprême du service des Eaux et Forêts: la RÉFORMATION à laquelle son nom est resté attaché;

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