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étaient déserts, inoccupés, couverts de forêts. Les géomètres, conformément à la loi romaine, les attribuèrent au fisc impérial; c'étaient les saltus publici. Il n'est nullement téméraire d'admettre qu'au fer siècle près des deux tiers du sol gaulois étaient compris dans cette catégorie.

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On peut distinguer, à l'époque gallo-romaine, trois sortes de forêts qui sont :

1o Les forêts mises en coupes, régulièrement exploitées, que l'on appelait sylvæ cæduæ ou sylvæ minutæ (1) et plus tard, au cours du Moyen Age, concida (2). Ces forêts étaient destinées à alimenter la consommation en bois de chauffage par des coupes annuelles;

20 Les forêts situées à l'intérieur des domaines mais non mises en coupes réglées; les tenanciers en profitaient soit pour y mener leur bétail (sylva glandifera, passionalis, saginacia, etc.), soit pour la coupe de bois d'œuvre qu'on pouvait prendre de préférence, et en observant certaines mesures de police, parmi les « arbres sans fruit », c'est-à-dire ne produisant pas de fruits propres à nourrir le bétail (sylva grossa, annosa) (3), etc.;

(1) Caton emploie le terme de cædua sylva et nous apprend que le traitement en taillis est plus avantageux que l'exploitation par le panage (Cadua sylva ante glandariam sylvam). Les Pandectes de Justinien mentionnent aussi ces forêts: Potest (usufructuarius) sylvam cæduam cædere sicut paterfamilias cædebat (Ulpien, livre VII, ad Edictum provinciale) ou encore: Sylva cædua est quæ in hoc habetur ut cæderetur... aut quæ succisa rursus ex stirpibus aut radicibus renascitur. Le terme de sylva cædua appartient à la langue litté raire, classique, celui de sylva minuta à la langue parlée, populaire. Ce dernier était le plus employé au début du Moyen Age; on le trouve dans les lois barbares (par exemple dans la Lex Alemanorum : Si quis de minutis sylvis... vegetum recideril, etc. (Titre XXVI, art. 6).

(2) Le mot concida, dans le latin classique, désignait un abattis d'arbres fait pour intercepter le passage sur une route. Jules César l'emploie avec ce sens, et Grégoire de Tours aussi. Dans la loi salique (titre 18, § 4, lex emendata), il désigne une haie, une barrière, séparative d'héritage (Si quis concidam vel sepem alterius capelaverit). C'est vers le VIIIe siècle que nous le voyons employer pour désigner un petit bois taillis. Les boqueteaux qui se trouvaient dans les manses tributaires sont souvent appelés de ce nom dans les polyptiques et textes divers de l'époque carolingienne.

(3) Dans le texte d'un jugement rendu en 791, à la requête de l'abbé Ratbert de SaintGermain-des-Prés, on distingue et oppose entre elles la sylva grossa et la sylva minuta. (Cartulaire de Saint-Germain-des-Prés, par POUPARDIN, no XXII. Paris, 1909.)

3o Les forêts croissant en dehors de l'enceinte des villas, qui étaient la propriété du fisc, immenses étendues inexplorées et inutilisées.

La première de ces trois catégories nous offre, dans notre pays, le plus ancien exemple d'une forêt aménagée, mise en coupes réglées,

La sylva minuta, la concida, était un canton de petite étendue, formé des parties périmétrales de la forêt du maître, ou parfois de parcelles comprises dans les manses des tenanciers. Elle constituait ce que nous appelons aujourd'hui un taillis simple, c'est-àdire une forêt divisée en un petit nombre de parquets de coupe que l'on exploite à blanc étoc à raison d'un par an.

L'âge d'exploitation ou durée de révolution était toujours très court. Pline nous apprend que, de son temps, les bois de châtaigners étaient coupés à l'âge de 8 ans et il ajoute qu'un jugère (25 ares) de taillis de cet âge fournit assez d'échalas pour vingt jugères de vigne. Le chêne se coupait à II ans, d'après le même auteur: « plus on le coupe, plus il produit ».

CHAPITRE II

LA PÉRIODE DU MOYEN AGE

S 1.

Ages d'exploitation. Division des forêts en coupes annuelles. Les arbres de laie et les laies.

Nous manquons de renseignements précis sur les âges d'exploitation pratiqués dans la première partie du Moyen Age (1). Un auteur du XIIIe siècle, Pierre de Crescence (2), conseille de couper les taillis tous les 5 ou 6 ans au moins. Les textes de nos plus anciens coutumiers concernant l'âge auquel les taillis deviennent exploitables sont extrêmement nombreux et précis(3). Certaines coutumes permettaient au seigneur féodal, en cas de rachat, de couper à 4 ans (Lodunois), à 5 ans, ou même à

(1) Il est remarquable que le capitulaire De villis, par lequel Charlemagne règle si minutieusement l'exploitation agricole des domaines royaux, soit entièrement muet sur l'exploitation des forêts. En dehors de quelques allusions à l'exercice du panage et d'une interdiction générale de pratiquer des coupes excessives et de dévaster, on y chercherait en vain quoi que ce soit concernant la mise en valeur de la partie boisée des villas fiscales. Le roi défend aux intendants d'opprimer les tenanciers en imposant des corvées pour leur service personnel, et notamment des coupes de bois d'œuvre (non materiam cedere cogant). (2) Pierre Crescenzi, né à Bologne, en 1230. Son livre écrit en latin (Opus ruralium commodorum libri XII), était très répandu au Moyen Age; il a été traduit en français en 1373 par ordre du roi Charles V, qui fut, comme on le sait, un grand « amateur de forêts » suivant l'expression et le témoignage de Henri IV. Ce modèle des rois « prudhomme et sage » s'il en fut, donna une impulsion extraordinaire aux lettres et aux sciences de son temps. La liste est longue des traités qui, de 1370 à 1380, parurent coup sur coup «< translatés en français par ordre du Roi.

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Le livre de Crescence fut le premier sorti des presses de Louvain après l'invention de l'imprimerie. L'édition française est intitulée : Des Profits champêtres et ruraux.

(3) La question était fort importante au Moyen Age. Le droit féodal prévoyait que le suzerain, au cas du décès d'un bénéficiaire de fief, jouirait pendant un an des revenus de ce fief; c'est ce qu'on appelait le droit de rachat ou de relief. De même, quand un évêché devenait vacant, le roi profitait de ses revenus jusqu'à l'installation d'un successeur; c'était le droit de régale. Enfin, la question des droits de l'usufruitier sur les forêts avait autrefois une importance plus grande encore, peut-être, que de nos jours. Dans tous ces cas il était nécessaire que la coutume précisât nettement quelles conditions un bois devait remplir pour qu'il fût exploitable, à la disposition de celui qui avait la jouissance momentanée de la forêt.

3 ans dans les bois de saule, coudrier et frêne (Maine et Anjou). La coutume de La Salle-de-l'Isle permettait, rapporte SainctYon (1), de couper les hallots à testes (les têtards) à 3 ans, les taillis à pied à 6 ans. Dans le Grand-Perche, le Beauvaisis, on coupait à 7 ans, à Clermont l'usufruitier pouvait couper à 7 ans (2), ailleurs les âges usités étaient parfois plus élevés, souvent de 10 ans. M. Picard cite, en Bourgogne, des taillis reve nants, c'est-à-dire organisés en vue d'un revenu régulier, aménagés à 12 ans dans la seconde moitié du xive siècle (3). La coutume de Lorraine (titre 15, art. 20 et 21) est particulièrement intéressante à cet égard : elle nous montre des taillis aménagés à des âges variables suivant la qualité du sol. Elle prescrit que l'usager ne pourra couper ses bois çà et là, mais dans des enceintes (ains par lizières) dans lesquelles on ne pourra revenir qu'après un certain nombre d'années « propres à la recrue du bois, selon la fertilité ou stérilité du lieu. Lequel règlement s'observera ès usages des bois taillis à ce que la recrue en soit ordinaire de douze ans ès lieux fertiles, ès stériles de dix-huict ».

Il semblera étonnant que ces âges d'exploitation, qui ne pouvaient convenir qu'à des bois de faucille ou de faucillon (expressions usitées en Gascogne), à des bois de serpe (terme inscrit dans les coutumes de Saintonge et du Poitou), aient été aussi bas. Ils se sont conservés tels, notamment dans le Midi de la France, jusqu'au XVIIIe siècle, en dépit des ordonnances qui intervinrent, à partir du xvie, pour imposer un minimum de 10 ans. Il faut songer que ces taillis n'étaient destinés qu'à fournir du bois de chauffage, et, autrefois plus encore que de nos jours, les paysans ne brûlaient guère que des fagots. Le type du foyer rural était et est encore, en bien des campagnes, le feu allumé, brûlant nuit et jour sous la cheminée au vaste manteau, et qu'alimentent de longs jarrets, brins de taillis dis

(1) Les Edicts et Ordonnances des Roys, Coustumes des Provinces, Reglemens, Arrests et Jugements notables des Eaues et Forests, par DE SAINCT YON, conseiller du Roi, maître des requêtes ordinaire de son hôtel. Paris, 1610. 1 vol. in-folio de 1136 pages, plus les tables. (2) Le seigneur féodal... couppera les bois taillis en cas de rachat pourveu qu'ils aient quatre ans et quatre mois de mai passés... » (Lodunois). — « Le temps de coupper bois taillis est de sept en sept ans » (Grand Perche). — « Si fame tient boz en douaire elle ne le puet couper devant qu'il ait sept ans accomplis. >>

(3) Les Forêts du Charolais sous les dues de la race royale, par E. PICARD (Autun, 1876), page 13.

posés comme les rayons d'une roue, qu'on repousse vers le centre, sous la marmite suspendue à la crémaillère, à mesure qu'ils se

consument.

On trouve aussi, surtout dans la première partie du Moyen Age, la mention fréquente de sylva palariæ, de forêts destinées à fournir des pieux pour clôtures. Ces clôtures d'héritages jouent un assez grand rôle dans les textes des lois barbares : il semble qu'elles étaient imposées par la pratique du pâturage et la division des propriétés, beaucoup plus complète au début du Moyen Age qu'elle ne le fut plus tard, sous le régime féodal. La sylva palaria était sans doute aussi un taillis, mais traité avec une révolution plus longue, analogue à celles dont nous usons aujourd'hui.

En somme il n'est pas douteux que le type du taillis revenant, c'est-à-dire de la forêt aménagée en taillis à révolution généralement très courte, ne soit de toute ancienneté. Il est à peu près certain du reste que les coupes s'y faisaient de proche en proche, tant cela est naturel. En tout cas, ce mode d'assiette était très anciennement ancré dans les usages au XIVe siècle, lorsqu'on commença à faire des règlements en forme pour l'exploitation des forêts. Les limites des parquets de coupe annuelle étaient fixées sur le terrain par des arbres de laies (1),

(1) Le mot LAIE, avec son sens primitif d'arbre de limite, est d'origine germanique et a été importé en Gaule par les Barbares. La langue gothique possédait le mot laha ou lah, désignant un blanchis, une entaille pratiquée dans un arbre pour en faire un arbre de limite; de nos jours le mot allemand lache signifie quarre de résinage dans le langage forestier.

Des textes alsaciens du XVIIe siècle (par exemple le procès-verbal de délimitation du comté de Dabo en 1688) mentionnent encore, comme témoins de la ligne frontière, des Lochbäume (sic) ou même des Lochsteine et des textes, de même origine, du XVIIIe siècle renferment parfois cette même expression dont on avait oublié le sens primitif.

Les arbres de limite, au début du Moyen Age, étaient désignés non seulement par des entailles [arbos signata (*) notata, incisa ob divisionem sylva (charte de 1091)] mais encore souvent par ce fait qu'on y enfonçait des clous (arbos clavitata), des fers à cheval etc. Un diplôme de la seconde moitié du VIIe siècle renferme, dans une sorte de procès-verbal de délimitation: « in ipsâ die incisio arborum facta est, quæ vulgo lachus appelatur ». De nombreux textes, du VIIIe au XIIe siècle, renferment ce terme, surtout en Allemagne.

Par suite d'une évolution, dont la sémantique forestière nous offre d'autres exemples, on trouve en France, le mot laia avec l'acception d'arbre de limite : Ligna signala, quæ vulgo dicuntur laia. (Charte de 1205, citée par Du Cange). Par extension ce même mot

(*) Cette épithète de signatus, appliquée primitivement à des arbres marqués, réservés, reçut plus tard un emploi plus général. Dans une poésie où saint Bernard entreprend de célébrer la virginité de Marie, la mère de Jésus, il la compare à une source réservée: Fons signatus -non turbatus - bes tiarum pedibus...

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