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étaient presque en bouleau ». En 1783, à Brotonne, d'Armesson expose que « l'âge auquel cette forêt a été réglée (120 ans en 1739) est trop élevé pour que les souches puissent repousser, d'où il résulte que les coupes ne se repeuplent qu'en bois blanc; le chêne et le hêtre ne reparaissent qu'après un recépage des bois blancs. La forêt produit moins que si on la coupait assez jeune pour qu'elle rejette. »

Cette dernière phrase, que je souligne, nous donne le véritable ou tout au moins le principal motif des mesures prises sous le règne de Louis XVI dans presque toutes nos plus belles forêts de futaie. Le ministre des Finances, Necker, dans une situation difficile, ses projets d'emprunts ne réussissant que médiocrement, avait dû en venir aux économies et aux réformes financières on demanda aux forêts un surcroît de recettes pour le trésor. La forêt de Haguenau, qui produisait 28.000 livres par an en 1720, 37.000 en 1750, rapporta 200.000 livres en 1784 et 226.000 par an de 1785 à 1787.

L'envahissement des bois blancs ne fut du reste pas enrayé, loin de là, par l'abaissement général des âges d'exploitation. Les conséquences de cette dernière mesure furent encore singulièrement aggravées du chef des coupes extraordinaires, tant celles pratiquées par les officiers des maîtrises que par les forestiers des périodes révolutionnaire, impériale, et des premières années de la Restauration. Les descriptions de forêts, surtout en Bretagne et Normandie, faites vers 1820, sont navrantes. Partout le bouleau a pris la place des bonnes essences. A Perseigne, il est si abondant que les aménagistes s'avisent d'établir des tables de production pour cette essence, sur le modèle de celles du saxon Cotta. De tous côtés on ne parle que d'expurgades, d'extractions de bois blancs. Plusieurs de ces forêts, et non des moins importantes, se ressentent encore aujourd'hui du fâcheux insuccès des coupes de régénération trop claires et trop fréquentes pratiquées au XVIIIe siècle et au commencement du siècle dernier. Les dégâts ont été fortement aggravés par l'abaissement des durées de révolution et surtout par l'abandon presque général des coupes de recépage-nettoiement et d'éclaircie qui étaient pratiquées au xvie et au commencement du xvIIe siècle.

La tradition de ces coupes d'amélioration avait cependant subsisté, et, malgré les anathèmes des réformateurs de Colbert, qui craignaient par-dessus tout de voir reparaître les « énormes abus » de leurs prédécesseurs immédiats, elles ne cessèrent jamais complètement d'être pratiquées.

Les recépages notamment reparaissent dans les aménagements dès le milieu du XVIe siècle, peut-être même avant, comme un moyen d'assurer la prédominance des bonnes essences dans les renaissances de futaie. Dans les régions où les coupes se salissaient par trop, se couvrant de bois blancs, de bouleaux ou de morts-bois, on laissait cette souille s'élever pendant 20 à 30 ans, sans y toucher. On avait remarqué que peu à peu le chêne et le hêtre s'y introduisaient en sous-étage : si on venait alors à recéper le tout à blanc-étoc, ces essences précieuses se développaient rapidement et prenaient le dessus. De même les rejets de peu d'avenir, nés de la coupe de futaie, recépés à 25 ou 30 ans, donnaient naissance à de nouveaux recrus capables de croître en futaie. De là une pratique qui se répandit de plus en plus, qui était devenue presque générale vers la fin du régime des maîtrises, et que je vais exposer avec quelque développement.

Une forêt qu'on voulait aménager à 100 ans était divisée en 125 coupes annuelles; chacune de celles-ci était exploitée deux fois pendant la durée de la révolution, une première fois en recépage à 25 ans, une seconde fois en coupe principale à 100 ans. Dans le règlement des coupes inséré dans le procès-verbal de réformation de la forêt de Retz (Villers-Cotterets) en 1672 par Pierre Lallemand de Lestrée, on trouve les prescriptions sui

vantes :

Les coupes seront faites par contenance, réparties en divers cantons, et d'une surface totale égale à la cent cinquantième partie de l'étendue de la forêt, cette étendue ayant toutefois été diminuée d'un dixième, sans doute pour constituer une sorte de réserve pour l'imprévu. Lors de ces coupes, il sera toujours réservé des baliveaux, des parois, pieds corniers, conformément à l'ordonnance, et les marchands devront encore en laisser deux par arpent en surnombre pour parer aux accidents ou délits. Ces baliveaux devront être des chênes de 4 à 6 pieds de tour.

ANN. FOREST.

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« Après chaque coupe de futaie, il sera procédé, à dix ans d'intervalle, à deux coupes de « taillis» (1) consistant en un recépage général des morts-bois, des épines et des bois blancs avec réserve des brins de chêne bien venants « de façon à rétablir la futaie en 30 années ». Après ces recépages, les bois seront laissés croître en futaie jusqu'à 150 ans.

C'est d'après la même méthode que fut aménagée la forêt de Bourse, près d'Alençon, par Urbain Chaillou en 1780. Le canton de Montmirel, par exemple, fut divisé (sur le plan) en 124 coupes destinées à être coupées à 24 et à 100 ans, alternativement. De même le canton des Hauts-Faîtes fut divisé en 158 coupes pour être exploitées aux âges alternatifs de 25 et 133 ans. La forêt de Perseigne, aménagée en 1782 par le même Chaillou, fut traitée d'une façon semblable. Il déclare « qu'après la coupe des futaies surâgées il ne revient presque jamais que des bois blancs...; pour remédier à cet inconvénient fréquent, il suffit de recéper lesdits bois blancs au plus tard 30 ans après, et alors le terrain se repeuple naturellement en bois durs ». Aussi divisa-til les deux cinquièmes de la forêt en 120 coupes pour être exploitées en coupe principale à 100 ans et en recépage à 20, le reste (5.613 arpents) étant destiné à être traité en taillis à la révolution de 30 ans. Le même système fut appliqué, toujours par Chaillou, aux forêts de Bellême, Reno-Valdieu, la Trappe et bien d'autres. Voici comment il s'exprimait, en 1779, dans l'aménagement de la forêt de Bonmoulins : « Pour perpétuer les futaies, il faut avoir soin de ne jamais les replacer dans les mêmes endroits où elles auront été coupées qu'après un recépage au moins, sans quoi on s'exposerait à n'avoir que de la mauvaise futaie. » Et ailleurs «< nous avons observé que tous les taillis (jeunes repeuplements) de cette forêt étaient presque en bouleau nous pensons que, lorsqu'ils auront été coupés, le chêne et le hêtre prendront le dessus et profiteront ». On retrouve encore ce procédé dans la forêt de Brotonne en 1783, dans le

(1) Je rappelle que le mot « taillis » n'avait pas autrefois le sens que nous lui donnons aujourd'hui une coupe de taillis, pour nos prédécesseurs, était simplement une coupe de n'importe quelle nature pratiquée dans des bois de moins d'une trentaine d'années, aussi bien résineux que feuillus.

Bourbonnais (forêt de Marcenat), où il était encore suivi en 1837.

La pratique des recépages, comme procédé auxiliaire de la régénération naturelle des futaies, est aussi recommandée et décrite dans les ouvrages de plusieurs écrivains forestiers des dernières années du XVIIIe ou du début du xixe siècle (1). Je citerai les suivants :

Dans son livre publié en l'an VII, Clausse (2) s'exprime en ces termes (je résume son exposé des pages 79 et suivantes):

« On doit se garder d'une hâte excessive à cultiver et repeupler artificiellement le sol aussitôt après la coupe (avec réserve d'étalons suivant l'ordonnance) d'une vieille futaie. Il est vrai que souvent, après cette coupe, on voit des bois blancs tels que saules, trembles, marsaults, etc., des bouleaux et des mortsbois comme coudriers, épines, ronces, etc. s'emparer du terrain et former un taillis (jeune peuplement) de ces essences. Mais si on prend patience, on aperçoit bientôt, au bout de quelques années, « à fleur de terre, au pied de ce taillis de bois blanc, des pousses de jeunes chênes ». En recépant le tout, le chêne foisonne, se multiplie, « prend de la consistance » et occupe dès lors la moitié, par exemple, du terrain, en formant un peuplement fort et vigoureux. Après un second recépage, fait environ sept ans plus tard, le chêne formera les trois quarts de la renaissance et on pourra dès lors laisser croître ce taillis en futaie en attendant le moment d'y commencer les éclaircies.

Un autre forestier, Chevalier (3), qui a publié son livre en 1806, y déclare (pp. 213-214):

Après les futaies abattues, l'année suivante il repousse des bois, non pas de l'essence de la futaie, mais du mort-bois et autre tel que marsault, peuplier, tremble, bouleau, etc... Ce

(1) Bien que la première partie de ce livre ne doive pas, d'après son titre, s'étendre à la période postérieure à la suppression des maîtrises des Eaux et Forêts en ce qui concerne les méthodes d'aménagement, j'achèverai cependant ici, en la poursuivant jusqu'au milieu du XIXe siècle, l'histoire si curieuse et si peu connue des recépages employés par nos prédécesseurs comme un procédé cultural auxiliaire de la régénération naturelle des futaies feuillues.

(2) Voir pour CLAUSSE la note 1 de la page 141.

(3) Voir pour CHEVALIER la note 2 de la page 143.

n'est que les années suivantes (que les chênes et hêtres reparaissent). Quand ces nouvelles pousses de chêne et de hêtre viennent à s'élever..., on doit supprimer (ce premier peuplement par un recépage général), et la renaissance (en bonnes essences) acquiert aussitôt un accroissement rapide, »

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En 1812, Dralet (1) mentionne les recépages à la page 113 du premier volume de son Traité du régime forestier. Il dit qu'il faut distinguer deux manières de les exécuter: soit à blanc-étoc de la totalité du peuplement, soit ce qu'il appelle le recépage ordinaire en ne coupant que les morts-bois et bois blancs et réservant les brins les plus sains et les mieux venants. Ce passage de Dralet est notable parce qu'il nous montre la transition de la conception des recépages proprement dits à celle des expurgades ou nettoiements que nous appelons aujourd'hui « dégagements de semis ».

Baudrillart (2) signale les recépages comme employés de son temps dans les forêts de Senonches, Villers-Cotterets à titre de procédé cultural auxiliaire de la régénération des futaies. Il n'en est pas question à ce point de vue dans le Cours de culture de Lorentz et Parade.

Nous retrouvons cependant le procédé des recépages pratiqué dans diverses forêts au cours de la première moitié du siècle dernier.

A Blois, par exemple, les recépages se sont continués, quoique, semble-t-il, d'une façon assez irrégulière, jusqu'en 1850. De même à Chinon. L'aménagement de la forêt de Haguenau, en 1842, les prescrivait encore. Voici ce qu'on lit, à cet égard, dans ce dernier aménagement (3):

Comme les glandées sont rares et que les bois blancs portent

(1) Voir pour DRALET, pages 171 et snivantes.

(2) Voir, sur Baudrillart et ses écrits, la note de la page 129.

Le passage où il signale les recépages comme pratiqués de son temps dans les forêts de Senonches et de Villers-Cotterets se trouve aux pages 360 et 551 du volume de 1811 des Annales forestières.

(3) Bien que Parade n'ait pas, officiellement, collaboré à l'aménagement de la forêt de Haguenau, j'ai la certitude que le passage cité ici, de même que presque toute la partie culturale de ce travail, a été au moins inspiré, sinon dicté par lui. J'aurai encore l'occasion de faire remarquer que dans son enseignement oral, et ses interventions non officielles, Parade se montre assez affranchi de certaines doctrines importées en France par Lorentz et plus attaché aux traditions françaises des maîtrises, traditions qui étaient encore bien vivaces au temps de sa jeunesse.

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