DESCRIPTION cher fur des charbons, fans être roulées, à caufe de leur extrême petitefDU JAPON. fe. Les gens de la campagne ont une méthode plus fimple & plus courte, Maatfubos, ou pots qui fervent à gar der le Thé. qui consiste à rôtir les feuilles dans des chaudières de terre, fans aucune autre préparation. Leur Thé n'en eft pas moins eftimé des Connoiffeurs, quoiqu'il foit beaucoup moins cher. On lui croit même plus de force qu'au Thé Impérial, qui, après avoir été gardé quelques mois, eft encore remis fur le feu, pour lui faire perdre l'humidité qu'il pourroit avoir contracté dans la faifon des pluyes. Mais, enfuite, on prétend qu'il peut être gardé long-tems; pourvû qu'on ne lui laiffe pas prendre l'air, qui en diffiperoit ailément les fels volatils. En effet, tout le monde convient que ce Thé, & les autres efpèces à proportion, les ont perdu prefque tous en arrivant en Europe. Kæmpfer affure qu'il ne leur a jamais trouvé, hors du Japon, ni cet agréable goût, ni cette vertu de rafraîchir modérement, qu'on y admire dans le climat qui les produit. LES Japonois mettent leurs provifions du Thé commun, dans de grands pots de terre, dont l'ouverture eft fort étroite. Le Thé Impérial fe garde ordinairement dans des vafes de porcelaine, particuliérement dans ceux qu'on appelle Maatfubos. Ils font très-anciens & d'un fort grand prix. On leur attribue la propriété, non-feulement de conferver le Thé, mais d'en augmenter les vertus. Le Thé vieux y reprend la force qu'il a perdue. Il n'y a point de Seigneurs, qui ne fe procurent, à grand prix, quelques-uns de ces vafes. On a déja fait remarquer leur origine. Ils fe faifoient, auLeur origine. trefois, d'une terre de l'Ile Mauri, voifine de Formofo. Cette Ifle ayant été fubmergée, il n'en refte que des rochers, qu'on apperçoit dans les baffes marées, & du milieu defquels on tire quelquefois des vafes de porcelaine, qui fe trouvèrent tout faits, lorfque l'Ifle fut abîmée. Ils font extrêmement défigurés par des coquillages, des côraux, & d'autres excrefcences maritimes. Ceux qui les nettoyent, fe gardent bien de les racler entiérement. Ils laiffent toûjours un peu de ce mélange étranger, pour faire connoître qu'ils ne font pas contrefaits. Ainfi leur difformité leur fert de luftre. Its font tranfparens, extrêmement minces, d'une couleur blanchâtre, qui tire fur le verd. Leur forme approche de celle des petits barils; avec un petit cou fort étroit, qui les rend auffi propres à tenir du Thé, que s'ils avoient été faits pour cet ufage. On les reçoit, au Japon, de divers Marchands Chinois, qui les achétent pour les revendre. Les moindres valent environ cent taels. Les plus grands, & ceux qui font entiers, fe payent trois, quatre & jufqu'à cinq mille taels; mais l'Empereur fe réferve le droit d'acheter les plus précieux. On en voit un grand nombre dans fon tréfor. Il eft rare d'en trouver qui ne foyent ni rompus ni félés; mais on a le fecret d'une compofition de blanc, qui les répare avec tant de propreté que, pour en découvrir les fentes, il faut les faire bouillir dans l'eau, pendant deux ou trois jours. Comme le Thé de la troisième récolte n'eft pas fi fujet que les autres à s'éventer, les Payfans le tiennent dans des corbeilles de paille, de la forme de nos tonneaux, qu'ils placent fous le toît des maifons, à côté de l'ouverture qui fert de cheminée; car ils font perfuadés que la fumée conferve la vertu des feuilles. Ils n'en ufent pas autrement pour le Thé de la première & de la feconde récolte, 4orf. DU JAPON. qu'ils peuvent s'en procurer; & cette méthode leur réuffit: peut-être, DESCRIPTION obferve l'Auteur, parcequ'ils ont le goût moins délicat que les Grands. Quelques-uns mettent, par-deffus, des feuilles d'armoife commune, ou des feuilles tendres d'une plante, nommée Safangua, dans l'opinion qu'elles lui communiquent un goût plus agréable. Mais l'expérience a fait reconnoître que d'autres odeurs, dont on a voulu faire l'effai, ne s'allient pas bien avec les. feuilles de Thé. Comment les Japonois prennent le LE breuvage, le plus commun au Japon, eft une infufion des grandes feuilles de cette Plante. On les fait bouillir dans un chaudron, qui fe met dès le matin fur le feu; & pour les retenir au fond, en laiffant la liberté Thé. d'y puifer de l'eau, on met, par-deffus, une corbeille, ou une claye. Quelquefois, au-lieu d'une claye, on enferme les feuilles dans des fachets, qui demeurent au fond par leur propre poids. On tient, à peu de diftance, un baffin d'eau froide, pour refroidir tout d'un coup la liqueur, autant qu'on le defire. Le Thé Impérial ne fe prend guères qu'en poudre. On apporte, fur une table, des taffes, de l'eau chaude, & du Thé fraîchement moulu (e); on verfe de l'eau dans une taffe; on y jette, avec une petite cuillière, de la poudre de Thé, qu'on remue avec un petit inftrument dentelé, jufqu'à ce qu'elle écume; & c'eft dans cet état qu'on le préfente. Il a la confiftance d'une bouillie claire. Auffi l'appelle-t-on communément Koits-jaa, ou Thé épais. Quoique toutes ces méthodes n'ayent rien de fort difficile, on en a fait un art, qui fe nomme Sado, ou Tianofi; & les Japonois ont des Maîtres, qui l'enseignent aux enfans des deux Sexes. Les Pauvres, fur-tout dans la Province de Nara, font quelquefois bouillir leur riz dans la décoction de Thé. Ils affurent qu'il devient beaucoup plus nourriffant par ce mêlange. Enfin ce vieux Thé même, dont on ne veut plus boire, parcequ'il a perdu fa vertu, fert à teindre en brun des étoffes de foye. On envoye, tous les ans, pour cet ufage, une grande quantité de ces vieilles feuilles, à Surate (ƒ). TERMINONS cet Article, par quelques remarques intéreffantes fur les bonnes & les mauvaifes qualités du Thé. Ses feuilles, dit Kæmpfer, ont une qualité narcotique, qui met les efprits animaux dans un grand defordre, jufqu'à caufer une forte d'ivreffe. Quoiqu'elles perdent la plus grande partie de cette vertu, après les préparations qu'on leur donne, ce n'eft que dans l'efpace de dix mois qu'elle s'évapore tout-à-fait. Alors, bien loin de troubler les efprits animaux, elle y répand une fraîcheur moderée. Elle récrée les fens, elle les fortifie. Ainfi, le Thé, pris dans l'année même où les feuilles ont été cueillies, eft plus agréable au goût; mais fi l'on en fait un trop grand usage, il attaque la tête, il la rend pefante, & fait trembler les nerfs. Le meilleur, c'eft-à-dire, le plus délicat & le plus fain, doit avoir du moins un an. Les Japonois ne le boivent jamais plus nouveau, fans y mêler une égale quantité du plus vieux. Alors, il dégage les obftructions, il purifie le fang; il entraîne, fur-tout, la matière terreufe (e) On le réduit en poudre fubtile par le moyen d'un moulinet, fait d'une pierre d'un noir verdâtre, qu'on appelle Serpentine. Cet qui te opération fe fait ou le jour ou la veille. Remarques fur les qualités du Thé.. pas DESCRIPTION qui caufe la gravelle, la nephrétique & la goutte. Kæmpfer rend témoigna- (g) Voyez, ci-deffus, l'Article des Sciences du Japon. Fin de la Quatorzième Partie. TABLE |