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circonstanciés sur la famille, l'éducation et la carrière de Novosiltzof et qui l'appelle «l'homme le plus important de la première moitié du XIXe siècle », divise la vie publique et privée de son héros en deux phases, l'une brillante, l'autre datant de l'époque où il s'adonna à l'ivrognerie. Dans cette même revue Cyprinus (pseudonyme de Przeclawski) explique (N° 9, 1872) que Novosiltzof à Vilna était le Novosiltzof de la seconde période, entouré d'êtres tels qu'il passa en proverbe, lorsqu'on voulait désigner un coquin, de dire : « Il est digne du chenil de Novosiltzof. » Dînait-il en ville, il fallait que deux laquais le prissent chacun sous un bras pour le porter dans sa voiture. C'est à la discrétion de ce personnage crapuleux qu'Alexandre Ier abandonnait neuf gouvernements de la Pologne! Cyprinus, qui publie ses souvenirs sous les ciseaux de la censure de Saint-Pétersbourg, ne se gêne pas pour laisser entendre que la devise de Novosiltzof: Honeste et publice, fut une anti phrase. Un passage d'une lettre de François Malewski, du 13 avril 1838, nous apprend que ce concussionnaire, subissant la loi du talion, fut, pendant sa dernière maladie, effrontément dépouillé par ses familiers: « Il y a six jours que Novosiltzof, après une courte maladie, est mort d'un refroidissement compliqué d'un cancer. Il a encore eu le temps de se convaincre, avant de mourir, avec quelle impudence et quelle audace on le volait. >>

En 1828, l'un des instruments les plus odieux de Novosiltzof, Botwinko, quémandait une place à SaintPétersbourg. « Institué tuteur de la fille mineure d'une

bonne famille polonaise, il s'empara de la fortune de sa pupille, la priva de tout ce que son âge et son sexe demandaient et finit par la faire disparaître. Elle était presque oubliée, lorsqu'en 1826 elle se retrouva par un accident extraordinaire à Smolensk, dans un convoi de gens partant pour la colonisation de la Sibérie. Plusieurs bourgeois de Smolensk lui donnèrent leur généreuse protection et poursuivirent Botwinko qui, par suite de cette découverte, fut destitué de sa charge de procureur (1). » Et ce fut tout! A Saint-Pétersbourg, il se démenait pour être admis à la deuxième section de la chancellerie impériale qui remplit en Russie le rôle du conseil d'État en France. Deux des victimes de Botwinko, Danilowicz et Malewski, astreints au service, y avaient trouvé des emplois. Malewski écrivit à ce propos à son père, le 24 février 1828 :

Botwinko cherche une place sous la direction de Speranski dans notre département. Il serait mon collègue sous Danilowicz et nous serions assis à la même table, mais il me semble que ce n'est plus à craindre. Il est le second que j'ai entendu gémir sur ses malheurs et à aucun des deux je n'ai reproché d'avoir causé des malheurs. Cela seul me console.

Ainsi ce tuteur, convaincu d'avoir essayé de supprimer la pupille dont il avait préalablement croqué la fortune, ne voyait rien dans ce petit accident qui lui fermât l'accès des fonctions publiques! Moins chanceux

(1) Lelewel.

que son chef Novosiltzof, qui acheva de vieillir dans les honneurs, Botwinko, trois ans après, laissé sur le pavé par ceux qui eurent recours à ses ténébreux offices, déblatérait contre les anciens Philarètes auxquels il attribuait sa persistante disgrâce :

Aujourd'hui, rapporte à sa sœur François Malewski le 18 mars 1831, Botwinko se plaint partout de ce que je l'aie empêché de se faufiler au service dans notre chancellerie. Danilowicz et moi, nous aurions le droit de lui susciter des entraves, car il nous a iniquement privés, moi du bonheur et Danilowicz de la paix domestique. Mais ni lui ni moi nous n'avons soufflé mot. J'avais seulement la résolution inébranlable de solliciter ma démission plutôt que de servir avec lui. Je m'en rapportais pleinement à la Providence, archi-sûr qu'elle trouverait ses voies pour châtier justement ceux qui en avaient puni d'autres injustement. Mais je n'ai fait ni ne ferai une seule démarche contre eux.

Le peuple insurgé de Varsovie pouvait écraser sous son talon de pareils reptiles; mais il ne siéyait pas à d'anciens Philarètes de demander protection contre eux à un régime tel que celui de l'empereur Nicolas.

La révolution de novembre 1830 saisit, dans les papiers du grand-duc Constantin, un rapport du professeur Onacewicz, du 11 décembre 1829, où il qualifiait Novosiltzof de « célibataire usé par la débauche et avide de plaisirs »; où il signalait que les mêmes personnes remplissaient l'office de dénonciateurs, de membres de commission d'enquête et de juges et arrachaient des aveux aux enfants pendant que monsieur le sénateur

s'amusait avec la princesse Zoubof (1). Les étudiants subirent d'affreux tourments.

Combien, disait Onacewicz au grand-duc, de scènes tragiques se passèrent alors! Marian Piasecki, en se jetant par la fenêtre, se cassa la jambe; Teraïewicz se coupa la gorge; madame Glazer fut atteinte d'aliénation mentale en apprenant le malheur de son fils. >>

L'Université de Vilna succomba sous ces coups et le recteur Pelikan put chanter victoire dans un rapport du 13 mai 1828:

Enfin je puis dire que je suis parvenu par mes soins continuels à transformer tout à fait la jeunesse étudiante; si, parmi les élèves, il se trouve quelqu'un mal pensant, il est aussitôt dénoncé et convaincu par ses propres collègues. Je cherche à remplir strictement les instructions que Votre Excellence m'a données à ce sujet.

Un ukase du 14 août 1824 destitua quatre professeurs de l'Université de Vilna et condamna vingt étudiants à la déportation. Zan, Czeczot et Suzin furent enfermés, le premier un an, les autres six mois, dans une forteresse, puis la Sibérie leur échut, tandis que Malewski, Jezowski, Mickiewicz, etc., furent condamnés à prendre du service dans des provinces éloignées de la Pologne. Le 1er mai 1832, un ukase de l'empereur Nicolas supprimera entièrement cette Université de Vilna, sur laquelle son prédécesseur s'était, à la fin de son règne, si cruellement acharné.

(1) Voir le document dans Lelewel.

Le 5 janvier 1827, en remémorant le passé, Adam Mickiewicz écrira : « J'ai commencé à être gai au couvent des Basiliens (1), tranquille et presque sage à Moscou. » Son âme venait de recevoir, dans les cachots de Vilna, la trempe nécessaire pour affronter l'exil et le faire même tourner à la confusion des ennemis de sa patrie.

(1) Transformé en prison par les Russes et où Mickiewicz avait été enfermé depuis le 23 octobre 1823 jusqu'au commencement d'avril 1824.

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