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ment de petites cupules, ou marques cupuliformes, malheureusement très détériorées par des grattages.

Mais la gravure de beaucoup la plus intéressante était celle que nous relevâmes à l'extrémité de la roche la plus rapprochée de l'orifice de la grotte, la plus éclairée par conséquent. C'était un gallinacé de grandeur naturelle, un coq de bruyère selon nous, dont le corps est d'un dessin correct. Il semblerait que l'artiste ait déposé l'oiseau sur la dalle, et qu'il ait, ensuite, suivi le contour du corps, un charbon ou un calcaire

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FIG. 27.- Gravure sur grès du Trou du Sarrasin, à Boutigny (Seine-etOise), D'après un calque pris par Auguste Mallet, 1/6 grandeur.

tendre à la main, avant de graver. Puis il aurait procédé à la gravure, œuvre assez longue. Mais lorsqu'il voulut graver les pattes de l'oiseau, il dut les dessiner de mémoire, soit que les traits eussent été effacés, soit qu'il eût omis de les tracer; et, alors, toute l'inexpérience de l'artiste se révèle.

La longueur et la grosseur des pattes ne sont pas en proportion avec le corps de l'oiseau, et les pieds sont mal formés.

L'ensemble de la gravure n'en était pas moins remarquable. Ce qui relevait hautement son intérêt, en permettant de lui assigner une date, sinon précise, du moins approximative, était la série des petites cupules gravées au-dessous de l'oiscau. Une de ces cupules se voyait immédiatement au-dessous de la patte gauche. L'oiseau était un, la cupule était une. Puis, au-dessous de cette cupule, sur une ligne sensiblement horizontale, nous apercevions un alignement de 14 autres petites cupules semblables à la première, et, perpendiculairement à cette ligne, vers le sommet droit, au-dessous de l'avant-dernière cupule, six autres cupules également semblables (fig. 27).

Ce dessin et ces cupules constituent un véritable hiéroglyphe, facile à interpréter. Le premier langage parlé fut l'onomatopée, c'est-à-dire l'émission par l'homme de sons imitatifs. Les traces de ce langage primitif, si naturel, se retrouvent jusque dans nos langues les plus perfectionnées. Le premier langage écrit fut également imitatif; et les premiers graveurs magdaléniens furent les premiers écrivains. Cela est si vrai que, lors même que les animaux, leurs contemporains, n'auraient pas laissé leurs ossements dans les gisements quaternaires de cette période, nous saurions que l'ours, le cheval, le mammouth, le renne et divers autres animaux habitaient alors la France.

Le coq de bruyère existait donc dans notre région, lorsque l'artiste de Boutigny l'a gravé sur le roc. Du reste, il s'y rencontrait encore, mais très rare, lorsque j'étais enfant, époque où le pays était beaucoup plus boisé et où le tiers des terres arables restait annuellement en friche.

Lorsque le boulanger d'un village livre son pain à crédit dans la campagne, il fait une coche à sa taille et à celle de son client, lors de la livraison de chaque pain. Lorsque nous jouons au billard, nous poussons une des boules du tableau à chaque carambolage. Les coches du boulanger, les boules du tableau sont des signes mnémotechniques, qui permettent d'établir un compte de peu d'importance. C'est une survivance de la première arithmétique humaine.

L'artiste de Boutigny a procédé simplement comme le bou

langer ou le joueur de billard. Chaque fois qu'il a tué un coq de bruyère, il a fait sa coche, il a marqué son point. Et, en gravant une cupule sous le pied gauche de l'oiseau, il nous a fait très nettement savoir qu'il avait tué 20 coqs de bruyère. Il y a mieux, j'aperçois dans ces marques une véritable numération. Les cupules se trouvent à distance sensiblement égales, par groupement de quatre. Les intervalles si bien ménagés sont certainement intentionnels.

Reste à fixer la période durant laquelle vécut notre artiste. D'accord avec mon savant ami M. F. Pérot, que connaissent les lecteurs de la Revue, j'insiste d'abord sur ce point que les cupules, trop petites pour être du système cupulaire, sont bien des marques de chasse ».

« A l'âge du bronze, importé d'Orient, dit Alexandre Bertrand, dans son Archéologie celtique et gauloise, se distingue un art, un seul, qui lui, sans exception, paraît n'avoir pas une origine étrangère, l'art de graver sur les rochers des représentations figurées, en Suède, en Norwège. Ces représentations sont décrites, connues. Ce sont des scènes de toutes sortes; ici une charrue atelée de deux chevaux ; là des cavaliers armés de lances, de boucliers, ailleurs des vaisseaux de haute proue. »

Les grottes de la Marne, étudiées par M. de Baye, offrent également des sculptures, des cupules; et l'on remarque même sur un des rochers une hache préhistorique emmanchée, qui se détache en relief.

Des dolmens de la Bretagne et des blocs erratiques de la Savoie présentent également des gravures et des cupules.

M. de Nadaillac cite aussi un grand nombre de pierres à cupules dans le Northumberland (Revue de l'Ecole d'Anthropologie, 1886, p. 95). Plusieurs de ces roches offrent de nombreuses sculptures attribuées à l'âge du bronze. Beaucoup de savants se rangent à cet avis. C'est également à cet âge, nous semble-t-il, qu'il faut attribuer les signes cupuliformes que l'on remarque sur un grand nombre de rochers de France et d'ailleurs.

Que la gravure sur roc ait commencé dès l'origine du magdalénien, c'est-à-dire dès le paléolithique, dès le quaternaire, à l'origine, pour ainsi dire, de la civilisation, et qu'elle se soit perpétuée jusqu'à ce jour, il n'y a rien qui puisse nous sur

prendre. Que des gravures d'époques différentes se voient sur un même rocher, est chose naturelle encore. Ce que l'homme a fait autrefois, l'homme le fait de nos jours, et pour les mêmes causes. Il appartient au palethnologue de distinguer les gravures anciennes des modernes, et d'apporter des preuves à l'appui de son jugement. Ce qui nous a fait classer notre gravure dans la période du bronze, c'est l'usage des marques cupuliformes assez généralement établi durant cette période. Cependant, il est hors de doute, à notre avis, que cet usage, introduit d'Asie avec l'emploi du bronze, a dû persister durant la période morgienne et durant la période larnaudienne, et peut être aussi durant la période hallstattienne, c'est-à-dire à l'origine du fer.

Quoi qu'il en soit, notre gravure remonte à une très haute antiquité; et, aux raisons générales qui nous les font attribuer à la période du bronze, se joint une raison locale, s'il m'est permis de parler ainsi. La période du bronze a laissé, en effet, des traces dans cette région. A Auvers-Saint-Georges, canton de la Ferté-Alais, dont Boutigny fait également partie, un dolmen a été fouillé en mai 1876. Plusieurs squelettes découverts portaient un bracelet de bronze. L'un de ces bracelets est au musée de Saint-Germain. Il a été découvert également, outre plusieurs objets en bronze, « un morceau de fer très oxydé avec deux renflements, que l'on suppose avoir été la poignée d'une épée. » Cette sépulture appartenait donc à la période du bronze, la fin du larnaudien ou le commencement de l'hallstattien.

Mais, à une distance beaucoup moindre de la grotte du Sarasin, à 700 mètres au plus en ligne droite, également au sommet de la même colline, les ouvriers de M. Doré, maitre carrier à la Ferté-Alais, ont découvert, il y a plusieurs années, une assez grande quantité d'armures et d'autres objets en bronze. Tous ces objets ont été dispersés. Néanmoins, M. Doré a eu l'obligeance de me remettre une pointe et un pommeau de lance, ainsi qu'un important fragment de couteau en bronze. A quelques mètres de là un ouvrier a découvert, il y a deux ans, un creuset de fondeur, que les enfants ont emporté et détruit sans doute; mais cet ouvrier m'en a donné une description assez exacte.

Toutes ces preuves ne viennent-elles pas corroborer l'opi

nion émise que la gravure du coq de bruyère remonte à la période du bronze?

Nous avons fait notre possible pour acquérir cette intéressante gravure, ainsi que les rainures et plusieurs autres marques de la même période. Nous nous sommes adressés, dans ce but, à M. l'instituteur de Boutigny et au maître carrier; mais celui-ci partait accomplir une période militaire. Quand il rev nt, ses ouvriers, qui savaient mon intention, avaient tout détruit par un acte d'inqualifiable vandalisme. Nous le regrettons d'autant plus que cette gravure est, je crois, la première de cette période découverte dans la région parisienne. Nous l'avions, du reste, signalée à la Société des sciences. morales, des lettres et des arts de Seine-et-Oise et à divers palethnologues.

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