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Certains genres de plantes européennes remontent très haut géologiquement.

Le paléocèné, formation la plus ancienne du tertiaire, contient déjà divers genres de plantes qui vivent encore dans nos régions. Ainsi les marnes de Gelinden, près de Liège, qui, d'après de Saporta, contiennent les débris d'une flore très riche, ont fourni plusieurs espèces de chênes, feuilles et glands, ce qui ne saurait laisser de doute, et des laurinées diverses, parmi lesquelles un véritable laurier, Laurus Omalii, que de Saporta et Marion ont dédié à d'Omalius d'Halloy, illustre géologue du pays.

Les calcaires tuffeux du même âge de Sézanne, nord de la France, contenant une flore des bords d'un cours d'eau, ont donné un lierre, Hedera prisca Sap.,et une vigne, Vitis sezannensis Sap. Unger avait déjà signalé une vigne dans le miocène, Vitis teutonica, dont la détermination ne saurait laisser de doute. puisqu'elle est basée sur des feuilles et des pépins.

Dans un livre fort intéressant, Origine paléontologique des arbres, paru en 1888, Gaston de Saporta fournit de nombreux renseignements sur les ancêtres de nos arbres actuels. Suivant lui, la descendance et l'évolution de l'orme est une des mieux établies paléontologiquement dans nos régions. Les premiers membres de la famille datent du tongrien et de l'aquitanien, ou oligocène, fin du tertiaire inférieur. Ils se développent dans tout le miocène, tertiaire moyen, et se précisent dans le mio-pliocène et le pliocène, tertiaire supérieur.

Le bouleau se montre déjà dans le tertiaire ancien de l'extrême nord, en Islande et au Spitzberg, et plus loin encore dans le miocène de la terre de Grinnel, par le 81° degré de latitude nord. On le retrouve dans le miocène récent, partie supérieure du tertiaire moyen, à Schossnitz, en Silésie. C'est le Betula prisca Ett.

Les tilleuls manquent dans le tertiaire moyen de la France et de la Suisse, même à OEningen, dont la flore est si riche. C'est plus au nord, à Bilin, puis dans le miocène récent de Parschlug, en Styrie, que paraissent les premiers vestiges du genre, bien caractérisé par ses bractées fructifères.

Un noyer, le Juglans parvifolia de Th. Gaudin, a été signalé par cet auteur dans les tufs pliocènes, tertiaire supérieur, de Massa, Toscane.

L'examen des flores tertiaires montre que nous avons bien raison de ranger l'Elephas meridionalis dans le tertiaire. En effet, dans le Monde des plantes, Gaston de Saporta indique la flore associée au squelette de cet éléphant dans le bassin tourbeux de Durfort (Gard). Il y retrouve le Planera Ungeri Ett. et le Parrotia pristina Ett., espèces certainement miocènes. Elles y sont associées à des plantes encore vivantes mais émigrées plus au sud, comme le Quercus farnetto Ten. de l'Italie méridionale et le Quercus lusitanica Webb. de l'Espagne moyenne et du Portugal. Il y a, outre ces deux chênes et les deux espèces miocènes, diverses autres espèces de plantes dont l'ensemble forme bien une flore caractéristique du tertiaire tout à fait supérieur.

Certaines conditions d'existence caractérisent aussi l'ancienneté d'un type végétal. Voici comment Gaston de Saporta les désigne à propos de la distribution de l'if, Taxus baccala Lin. (1).

L'if commun, si étendu, si dispersé, allant du fond de la Grèce et de la Provence au cœur de la Scandinavie, de la Bretagne à l'Himalaya, du Japon à la Californie, de l'Angleterre jusqu'en Chine dans une direction, jusqu'au Canada dans l'autre, présente un ensemble à la fois fractionné et compact dans son unité, donnant lieu à des colonies éparses, riche en même temps en races locales. Ce sont là les caractères d'une extension des plus anciennes, accomplie à l'aide du temps à travers l'espace.

IV. Déductions entomologiques.— Les naturalistes se divisent en deux grands groupes: l'ancienne école, qui admet la fixité et la permanence des habitudes et des formes, et la nouvelle école, qui croit à l'évolution ou transformation des dites formes et habitudes. Il est bien difficile, sinon impossible, devant les résultats obtenus par la zootechnie, devant ceux que l'on peut constater dans l'horticulture moderne, devant surtout les modifications des faunes et des flores dans les temps géologiques et leur renouvellement complet se reproduisant un grand nombre de fois, de soutenir la permanence des habitudes et des formes. Mais, lorsqu'on observe la len

(1) Gaston de Saporta, Origine paléontologique des arbres, 1888, p. 58.

teur avec laquelle, dans la nature livrée à elle-même, se produisent les modifications, on comprend très bien que certains esprits se soient laissés entraîner à l'idée de fixité.

Le nombre fort restreint des insectes et autres parasites animaux qui attaquent les plantes nouvellement introduites dans un pays est une preuve excellente de la lenteur avec laquelle la nature agit et du temps qu'il faut pour qu'une habitude nouvelle s'introduise en zoologie et en botanique. Ainsi le mûrier et le platane sont introduits dans nos pays depuis longtemps déjà, depuis les Romains, et pourtant ils sont chez nous à peine attaqués par les insectes.

Le marronnier d'Inde, le lilas, l'acacia vulgaire ou Robinia pseudo-acacia, le vernis du Japon. l'agave, etc., venus plus tard, ont encore moins de parasites.

Les plantes anciennes, au contraire, ont de nombreux ennemis qui attaquent leurs racines et tiges, leurs bourgeons et feuilles, leurs fleurs et fruits. En fait d'arbres, il nous suffira de citer les ormes, les chênes, les poiriers et les pommiers, les saules et les peupliers, la vigne, le noisetier, le tilleul, etc.

Mais il faut distinguer l'ennemi direct qui est nuisible à la plante, du simple visiteur qui vient seulement chercher un abri. Ainsi le marronnier d'Inde ayant l'écorce rugueuse et fendillée, certains animaux inférieurs viennent se loger dans les fentes. Le platane, dont l'écorce se détache par grandes plaques restant encore longtemps fixées au tronc, est bien plus encore que le marronnier d'Inde un arbre refuge et asile, protégeant contre les intempéries de l'atmosphère et le froid un grand nombre d'insectes et d'animaux inférieurs, qui ne lui font aucun mal et ne lui causent aucun préjudice. Nous avons jadis publié une note sur l'hibernage des coléoptères dont les éléments ont été surtout puisés sous les écorces du platane.

En résumé :

Les végétaux, surtout les arbres, les plus anciennement naturalisés dans un pays, sont aussi ceux qui comptent le plus d'ennemis parmi les insectes et autres animaux inférieurs. Les végétaux récemment importés n'en ont pas ou presque pas.

De ces deux lois basées sur l'observation on peut, d'après le

nombre plus ou moins grand des animaux inférieurs qui attaquent un végétal, déduire son introduction plus ou moins ancienne dans une flore régionale. On peut tirer un utile parti de cette donnée.

Il va sans dire qu'il en est des parasites végétaux comme des parasites animaux. Les pommiers et les poiriers, par exemple, qui sont très anciens dans nos régions, sont couverts de lichens. Insectes et végétaux inférieurs s'associent d'ailleurs souvent ensemble pour attaquer certaines espèces, comme va nous le montrer l'orme.

V.Ennemis de l'orme. A Giard, alors professeur de zoologie à la faculté de Lille, ayant à étudier la cause du dépérissement d'une belle avenue d'ormes, dans le département du Nord, a parfaitement décrit une partie des parasites animaux et végétaux qui nuisent à cet arbre (1).

Il a tout d'abord reconnu, au sommet de l'arbre, un petit coléoptère xylophage, le Scolytes multistriatus. La femelle creuse des galeries de ponte à l'aisselle des jeunes branches les plus éloignées du sol, pour que ses œufs aient moins de chances d'être emportés par l'afflux de la sève. Ces galeries, en forme de fer à cheval, entourent la partie supérieure de la base du rameau. Les rameaux attaqués ne tardent pas à languir et meurent le plus souvent dans l'année.

Une autre espèce de scolyte, le Scolytes destructor, beaucoup plus gros que le premier, attaque les grosses branches affaiblies par l'action meurtrière de son petit congénère sur les rameaux. L'un prépare la voie à l'autre, comme s'il y avait association, ou plutôt comme si le second était un résultat de l'évolution du premier. Des grosses branches, le Scolytes destructor passe au tronc et descend successivement à mesure que l'arbre s'affaiblit.

Cet affaiblissement permet à un champignon, le Tubercularia, de se développer à l'intersection des grosses branches avec le tronc. Le mycélium, ou partie végétative, blanche de couleur, se développe entre l'écorce et le bois, et produit à l'extérieur des tubercules d'un beau rouge, d'où le genre a pris le nom de Tuberculaire.

(1) A. Giard. Bull. scientifique, hist. et litt. du département du Nord, janvier 1876, p. 2.

Ce n'est pas tout: on voit souvent contre le tronc des ormes un joli papillon de nuit, blanc de neige à points noirs bleuâtres, le Zeuzera aesculi,nommé vulgairement la Coquette. Ce papillon, au moyen d'une tarière, dépose ses œufs sous l'écorce. Dès leur éclosion, la chenille pénètre dans le bois en ouvrant des galeries d'autant plus profondes et plus larges qu'elle grossit davantage. Ces galeries affaiblissent tellement la force de résistance du tronc que les orages le brisent.

Ce sont là les ennemis du bois, les feuilles des ormes ont aussi les leurs.

C'est d'abord un petit charanson sauteur, l'Orchestes alni de Linné. Malgré son nom d'orcheste de l'aulne, donné par le naturaliste suédois, ce petit coléoptère vit sur l'orme. Non seulement il mange les feuilles, mais encore il y subit, dans une ampoule, entre deux épidermes, sa transformation. Les feuilles attaquées jaunissent et sèchent.

Ce sont ensuite de petits hémiptères. Un puceron, le Schizoneura ulmi, forme de fortes galles sur les feuilles encore vertes. Un autre hémiptère en produit de plus petites.

Est-ce tout?

Certes non. On pourrait encore citer un autre coléoptère la Galleruca ulmi, galéruque de l'orme. Ch. Goureau, dans son livre Les insectes nuisibles aux arbres fruitiers, publié par la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, mentionne encore trois papillons: la spongieuse (Liparis dispar), la livrée (Lasiocampa neustria) et une noctuelle (Acronycta psi).

On voit que les déductions entomologiques, comme les déductions paléontologiques concordent pour représenter l'orme comme un des arbres les plus anciens de la région.

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