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mon avis, deux sortes de gisements de ce même département du Gard, les grottes du Gardon et la station aujourd'hui classique de Collorgues. L'industrie des grottes du Gardon, qui caractérise si bien l'époque durfortienne, nous donne, d'une façon générale, une impression d'inédit, de non déjà vu, qui, à elle seule, mériterait de fixer l'attention. L'industrie lithique s'y trouve, portée à un degré extrême de perfection, mais elle n'y est plus seule, et déjà se montrent les traces d'une autre civilisation, celle des métaux.

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On relève donc dans ces grottes, dont les « baumes» dites de Latrone et de Saint-Vérédème peuvent être prises comme types:

1° Toute une industrie néolithique semblable à celle que l'on peut rencontrer ailleurs, mais où dominent pourtant des lames en silex d'une finesse et d'une sûreté de taille surprenantes, et des haches polies, en roches étrangères, ainsi que

ce fait est de règle pour le midi de la France. Des essais d'imitation ont été pourtant tentés, et nombreux sont les cailloux roulés qui ont été apportés de la rivière et qui ont été polis, en général assez mal d'ailleurs, par des mains que l'on sent inexpérimentées. Les ossements travaillés, poinçons, lissoirs etc., les objets de parure, la poterie (en partie, car nous verrons qu'on trouve dans ces grottes deux sortes de poteries), ne présentent aucune particularité qui ne soit connue dans le néolithique.

2o L'emploi simultané du métal, cuivre pur, ainsi que cela résulte de l'analyse. Il faut insister sur ce point; ce n'est pas du bronze, et dans les nombreuses fouilles qui ont été pratiquées dans ces grottes, aucun objet de bronze, à ma connaissance du moins, n'a été trouvé. Nous allons voir que la morphologie de ces pièces est bien différente aussi de celles qui se rencontrent à l'époque du bronze.

3° Un outillage en métal dérivé des types usités à l'époque de la pierre. C'est là un caractère très important que j'ai signalé avec d'autres palethnologues (Jeanjean, G. Carrière, Gross, Montelius) qui ont eu l'occasion d'étudier les gisements. durfortiens les deux lames en silex et en cuivre que nous avons fait représenter (fig. 19 et 20), rendent ce fait évident et me dispensent d'insister. Ce sont bien les mêmes types et les objets en métal ne font que continuer la technique des instruments en pierre. Il m'eût été facile, si je m'étais adressé à d'autres collections que la mienne, de multiplier les exemples, mais il m'a paru qu'on ne saurait discuter la dérivation morpholo. gique de ces deux pointes de javeline.

4° La présence d'objets absolument inconnus jusqu'alors. Pour m'en tenir encore aux grottes du Gardon, je mentionnerai un mobilier tout à fait inédit, d'aspect oriental, dont j'ai tenu à faire connaître quelques-unes des pièces les plus anciennes. Elles proviennent de ma collection; mais le frère Sallustien, à Uzès, en possède d'autres, non moins intéressantes, et dont, pour ma part, je souhaite vivement la publication, de façon à bien faire connaître cette époque durfortienne. La si curieuse épingle en os que nous avons fait représenter (fig. 21) est absolument unique en France, où elle a été évidemment importée. En effet, si les aiguilles, les poinçons en os qui ont été trouvés dans ces grottes sont nombreux, ils ne diffèrent en rien de ce

que nous pouvons trouver chaque jour dans une grotte néolithique. Seule, cette épingle témoigne d'une industrie étrangère et, pour montrer combien est grand son intérêt, j'ai fait représenter une épingle en cuivre, trouvée en Moravie, épingle que M. Much a publiée dans son livre sur l'âge du cuivre en Europe (fig. 22). On voit qu'il s'agit bien du

FIG. 21

Epingle en

os. Grotte de Latrone (Gard). Collection P. Raymond. 3/4 grandeur.

même type et que, sans discussion possible, ces objets, l'un en os, l'autre en cuivre pur, dérivent l'un de l'autre. On croirait même qu'ils ont été fabriqués par les mêmes ouvriers. La palafitte de Peschiera, au bord du lac de Garde, qui a donné des objets en bronze et en cuivre, nous montre des épingles en bronze fondu, qui dérivent du même modèle (fig. 23).

Je dois également signaler les multiples billes que l'on a trouvées dans ces grottes. Elles sont de volume et de composition variables. Il en est en roches étrangères, en serpentine, d'autres en calcaire néocomien très dur du pays; d'autres sont en terre cuite. Tandis que celles qui sont d'importation (celle-ci étant jugée sur la nature de la roche) sont parfaitement arrondies, il n'en est pas de même de celles qui ont été confectionnées sur les lieux mêmes et qui sont plus ou moins irrégulières. Tantôt leur volume ne dépasse pas celui d'une bille d'enfant, tantôt il atteint celui d'une noix. Une de ces billes, en euphotide, a été trouvée enchassée dans un pommeau en corne de cerf. J'ai vu des billes semblables qui provenaient d'une grotte du ravin de la Nesque, en Vaucluse. Il est difficile d'en déterminer l'usage et je me contente de rappeler que M. Gauckler a trouvé à Carthage, dans le temple de Jupiter Hammon, une série de balles en pierre et en terre cuite, semblables à celles que l'on avait trouvées à différentes reprises et que l'on considérait comme des balles de fronde; leur présence dans un temple, au milieu d'autres objets de culte, permet

d'y reconnaître, bien plutôt, comme le fait remarquer M. Gauckler, un caractère votif. Il n'est peut-être pas non plus hors de propos de rappeler que l'on trouve fréquemment dans la couche romaine des fouilles de Lutèce de ces billes, qui sont mélangées à des objets de la vie quotidienne et ne paraissent avoir aucun caractère d'armes de jet.

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FIG. 22. Epingle en cuivre. Grotte de Schipka,à Stramberg (Moravie).

FIG. 23. Epingle en bronze. Palafitte de Peschiera (Italie). Musée préhistorique de Rome. 3/4 grandeur.

5o La poterie. Lisse, lustrée, à couverte noire pailletée de mica, d'une pâte fine, parfaitement cuite, cette poterie est bien plus proche de la poterie du bronze que de celle de l'époque néolithique. On n'y trouve jamais incorporés ces gros fragments de quartz de l'époque néolithique, mais, fait très important, cette poterie noire et lustrée se rencontre dans la même couche que la poterie néolithique la plus typique ces deux

sortes de poterie ont servi aux mêmes hommes. On voit apparaître avec cette poterie noire une ornementation et des formes nouvelles et aussi des objets nouveaux. Tandis que dans la poterie néolithique, les lignes simples, les traits peu compliqués dominent, ici ce sont les chevrons, les dents de loup, l'ornementation géométrique, l'incision, l'impression en creux. A propos de cette dernière, M. Chauvet a fait remarquer au Congrès d'anthropologie de 1900, que ces ornements gravés sont quelquefois remplis d'une substance de couleur différente pour faire ressortir le dessin et que la chaux ou une poussière blanche était, en général, employée comme matière de remplissage. Cette observation est fort juste et je possède, venant de ces grottes du Gardon, des fragments de poterie dont l'ornementation en creux a été ainsi rehaussée d'une poussière blanche, qui fait si intimement corps avec la pâte, qu'elle résiste au lavage. M. Chauvet cite d'ailleurs, comme ayant donné de ces poteries avec incrustations blanches, la grotte Saint-Joseph sur le Gardon, ce qui est parfaitement exact. Mais M. Chauvet est moins bien inspiré lorsque, datant cette grotte, il l'indique comme appartenant à l'époque néolithique et à l'âge du bronze. La grotte Saint Joseph est précisément, comme ses voisines, les grottes Latrone et Saint-Vérédème, un type de gisement durfortien. Aussi n'ai-je regretté qu'une chose, en lisant le très intéressant article de M. Chauvet, c'est qu'il n'y ait pas inscrit en sous-titre : contribution à l'étude de l'époque durfortienne. Le lecteur qui voudra bien se reporter au travail de M. Chauvet, y verra que c'est aussi bien dans des gisements néolithiques que dans des gisements du bronze, que l'on a trouvé cette poterie, et je suis convaincu que si, dans ces gisements du bronze, on avait fait analyser un certain nombre de pièces, on en aurait trouvé en cuivre pur. Je considère donc l'article de M. Chauvet comme un excellent chapitre de l'époque durfortienne et comme, à l'exemple de tous les travaux de M. Chauvet d'ailleurs, il est parfaitement documenté, il sera facile de voir combien est considérable en France l'aire de cette époque durfortienne. C'est à l'époque durfortienne, alors que l'usage de la pierre règne encore, qu'apparaît, dans la poterie aussi bien que dans les armes, les objets usuels ou de parure, une industrie qui nous conduit insensiblement au bronze.

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