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pleinement souverains avant le traité de Bru ges; ils étaient par conséquent investis du droit d'avoir un domaine public; et s'ils n'ont été privés de ce droit, ni par le traité de Bruges, ni par aucun des actes subséquens, ils l'ont nécessairement conservé.

» Comment d'ailleurs peut-on dire que le concordat de 1571 et la déclaration de 1575 ne le leur conserve pas ? Le concordat les maintient dans tous les droits de régale et de souveraineté, fors toutefois, y est-il dit, le ressort de la justice; et la déclaration de 1575 ne les maintient pas seulement dans tous les droits de souveraineté qu'il spécifie, mais encore dans toutes les autres régales et droits de souveraineté. Il faut donc, de deux choses l'une : ou convenir qu'il les maintient dans le droit d'avoir un domaine public, ou aller jusqu'à soutenir, ce qui serait le comble de la déraison, que le droit d'avoir un domaine public, n'est pas un droit de souveraineté (1) ».

Par arrêt du 23 fructidor an 13, il a été ordonné qu'il en serait délibéré.

Avant que le délibéré fût vidé, la dame de Poix a publié un mémoire en réponse à mon plaidoyer. On en trouvera la substance dans les passages suivans de la réplique que j'y ai faite.

«La demanderesse convenant enfin que l'hommage lige n'est pas exclusif de la souveraineté, il est inutile de revenir sur ce principe, qui, d'ailleurs, vient de recevoir une nouvelle et éclatante sanction par trois décrets :- Par celui du 30 mars dernier, qui transfère à M. le maréchal Berthier la principauté de Neufchâtel, avec le titre de prince et duc de Neufchátel, pour la posséder en toute propriété et SOUVERAINETÉ; Par celui du 5 juin suivant, qui transfère à M. de Talleyrand la principauté de Bénévent, avec le titre de prince et duc de Bénévent, pour la posséder en toute propriété et souVERAINETÉ, et comme fief immédiat de la couronne de France; - Et par celui du même jour, qui transfère, au même titre et sous la même condition, la principauté de Ponte-Corvo à M. le maréchal Bernadotte. Ces trois décrets imposent aux princes concessionnaires, ainsi qu'à leurs successeurs à chaque vacance, l'obligation de prêter entre les mains du chef de l'état, en leurs qualités de princes et ducs, le serment de le servir en

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(1) Les autres questions que j'ai traitées dans ce plaidoyer, trouveront leur place sous les mots Domaine et Inaliénabilité.

bons et loyaux sujets. Et le premier ajoute notamment : NOS PEUPLES de Neufchátel mériteront, par leur obéissance envers leur nouveau souverain, la protection spéciale qu'il est dans notre intention de leur accorder constamment. Ainsi voilà bien la qualité et les droits de souverain assurés à des princes qui cependant sont assujettis à l'hommage lige envers l'empire français.

» Mais la demanderesse continue de soutenir que la qualité de souverain est incompatible avec l'assujettissement au ressort envers la puissance à laquelle on est lié par l'hommage lige; et il ne sera pas difficile de renverser les nouveaux étais dont on cherche à appuyer cette erreur.

» D'abord on cite Loyseau, Puffendorf et l'Encyclopédie, comme établissant que le dernier ressort de la justice est un droit essentiel et inséparable de la souveraineté.

» Mais que résulte-t-il de leur doctrine? Qu'il n'y a point de souveraineté parfaite sans le dernier ressort de la justice? D'accord. Que, sans le dernier ressort de la justice, on ne peut pas concevoir l'idée d'une souveraineté ? Non certes.

» Loyseau, Traité des seigneuries, ch. 3, nos 6 et 9, dans l'énumération des droits constitutifs de la souveraineté, ne place le dernier ressort qu'après le droit de faire des lois. « Les droits concernant le pouvoir de sei»gneuries souveraines, qui peuvent être pro» prement appelés actes ou cas de souverai» neté, sont cinq en nombre, à savoir : faire » lois, créer officiers, arbitrer la paix et la » guerre, avoir le dernier ressort de la justice » et forger monnaie.... J'ai mis à bon droit » pour le premier acte de souveraineté, celui » de faire des lois.... ».

» L'auteur de l'article Souveraineté, dans le Dictionnaire encyclopédique, tient absolument le même langage : « La première partie » de la souveraineté, qui est comme le fonde»ment de toutes les autres, c'est le pouvoir » législatif».

» Celui-là est donc souverain, qui a le droit de faire des lois, de créer des officiers, de faire la paix et la guerre et de battre monnaie, quoique d'ailleurs il soit sujet à l'hommage lige envers une autre puissance, quoique d'ailleurs une autre puissance ait sur lui la servitude du dernier ressort.

» Et pourquoi est-il souverain, nonobstant ce double assujettissement? Parceque, comme le dit Leibnitz, à l'endroit cité dans notre plaidoyer, « la souveraineté n'exclut point » une autorité supéricure à elle dans la répu

»blique; (parceque) celui-là est souverain » qui jouit d'une puissance et d'une liberté » telles, qu'il en est autorisé à intervenir aux » affaires des nations par ses armes et à assis»ter dans leurs traités ».

» Et dans le fait, si l'on peut être souverain, quoiqu'on ait renoncé, en faveur d'une autre puissance, au droit de faire la paix et la guerre (comme l'avaient fait ci-devant le duc de Bouillon, le prince de Henrichemont ou Bois-Belle et le prince de Monaco), comment pourrait-on ne pas l'être également, lors qu'en jouissant du droit de faire la paix et la guerre, de celui de faire des lois, de créer des officiers et de battre monnaie, on se trouve privé du dernier ressort de la justice ? C'est une question que nous avons déjà proposée dans notre plaidoyer; et qu'y a-t-on répondu? que des mots vides de sens.

Rien

» Qu'a-t-on répondu encore aux exemples que nous avons cités, de princes ou Etats universellement reconnus pour souverains, qui n'avaient pas le dernier ressort de la justice?

>> On a dit, par rapport à la ville de Cologne, sur les tribunaux de laquelle l'électeur avait le droit de ressort, qu'il n'y avait que ses habitans qui fussent sujets à ce droit, et qu'elle en était collectivement exempte pour ses propres affaires. Mais c'est là une bien vaine défaite. La ville libre et souveraine de Cologne était, comme tous les gouvernemens, soumise, pour ses affaires personnelles, juridiction de ses propres tribunaux; et quand ses propres tribunaux l'avaient jugée en première instance, l'appel de leurs jugemens se portait devant la cour électorale, ni plus ni moins que l'appel des jugemens qu'ils avaient rendus entre particuliers.

à la

» On a dit, par rapport aux princes - états de l'empire d'Allemagne qui n'avaient pas le privilége de non appellando, et sur lesquels la chambre impériale de Wetzlaer et le conseil aulique de Vienne avaient concurremment le droit de ressort, que « ces deux >>cours de justice tenaient à la constitution » de la confédération germanique; qu'elles » étaient établies par, pour et aux frais de » tous les États de l'empire, qui y avaient >> chacun leur député, et qu'ainsi chaque » prince ou État y rendait véritablement la » justice souveraine à ses sujets », Et dans ce peu de mots, on a avancé deux grandes

erreurs.

» 1o. Il est bien vrai que la chambre impé riale de Wetzlaer était composée de magistrats députés par chacun des princes- états de l'empire d'Allemagne; mais, ainsi composée,

quel pouvoir exerçait-elle? Celui de chaque prince-état en particulier? Non, assurément : chaque prince-état, considéré à part, n'avait aucun droit de ressort sur son voisin. Ce n'était donc pas de chaque prince-etat en particulier que la chambre impériale tenait le pouvoir de réformer les jugemens rendus par les tribunaux de tout l'empire; elle ne tenait ce pouvoir que du corps de l'empire même; corps qui formait une souveraineté supérieure à la souveraineté de chaque prince-état, mais qui n'empêchait nullement que chaque princeétat ne fit des lois, ne déclarât la guerre, ne traitât de la paix, ne créât des officiers, ne battît monnaie, en un mot ne fût souverain. » 2o. Le conseil aulique de Vienne était constitué tout autrement que la chambre impériale de Wetzlaer : « La chambre impériale "(est-il dit dans le Dictionnaire encyclopé» dique, article Conseil aulique) est le tri» bunal suprême de l'empire; au lieu que le » conseil aulique est le conseil de l'empereur. » C'est lui qui l'établit et qui en nomme tous » les officiers..... Ce tribunal connaît de » toutes causes civiles entre les princes et » particuliers de l'empire son pouvoir finit » avec la vie de l'empereur. C'est pourquoi » la chambre impériale, qui subsiste pendant » la vacance de l'empire, prétend le pas sur » le conseil aulique ». — Le conseil aulique n'était donc pas établi, comme le prétend la demanderesse, par, pour et aux frais de tous les États de l'empire; c'était un tribunal qui ne devait son existence qu'à l'empereur, c'est-à-dire, au chef de la souveraineté collective à laquelle étaient subordonnés tous les souverains particuliers de l'Allemagne; et dès là, reste dans toute sa force l'argument que nous avons tiré de l'assujettissement de ces souverains au droit de ressort envers leur empereur.

» On a dit, par rapport aux ducs de Normandie, d'abord, qu'ils n'étaient pas souverains; ensuite, qu'ils avaient cependant exercé la souveraineté, mais qu'ils l'avaient constamment exercée en dernier ressort ; et qu'encore que, pour leurs délits personnels, ils fussent justiciables de la cour du roi, il n'en est pas moins constant que les jugemens de leur échiquier n'étaient pas soumis à l'appel.

» Que, de fait, on n'ait jamais appelé des jugemens de l'échiquier des ducs de Normandie, cela peut être : il n'existe, à cet égard, aucune preuve ni pour ni contre; et l'on sait qu'avant 1202, époque de la réunion du duché de Normandie à la couronne de France, et même jusqu'au règne de Saint-Louis, le droit d'appel exposait à trop de dangers tout

homme qui l'exerçait, pour ne pas se réduire presque à rien dans la pratique.

» Mais que, de droit, ces jugemens n'aient pas été soumis à l'appel, c'est ce qu'il est impossible de soutenir à la vue des monumens qui prouvent que les ducs de Normandie étaient personnellement cités à la cour du roi, pour répondre aux accusations portées contre eux. Bien certainement la cour du roi n'aurait pas pu juger le duc, si le duc eût eu dans ses États la souveraine justice; et des qu'il n'y avait pas la souveraine justice, il est clair que la voie de l'appel était ouverte contre les jugemens de son échiquier.

» Du reste, quoique les ducs de Normandie n'eussent pas la souveraine justice, ils n'en étaient pas moins souverains; et c'est une vérité que nous avons trop bien demontrée, pour que la simple dénégation de la demanderesse puisse l'affaiblir.

» On a dit, par rapport aux ducs de Bretagne, que, d'après les preuves rapportées dans notre plaidoyer, de leur assujettissement à l'hommage lige et au ressort, on doit tenir pour constant qu'ils n'étaient pas souverains; que cela résulte encore des réclamations qu'éleva contre eux et des défenses que leur fit Louis XI; et que les lettres - patentes de François Ier, du 16 août 1639, ne prouvent

nullement le contraire.

» Mais qu'on lise les historiens bretons, notamment d'Argentrée, Lobineau et Maurice; que l'on parcoure tous les titres qu'ils rapportent; et qu'on juge ensuite si les ducs de Bretagne n'étaient pas souverains, non-sculement avant le traité de 1231, par lequel Pierre Mauclerc reconnut qu'il devait l'hommage au roi et qu'il y avait appel de son parlement au parlement de France, mais encore depuis et jusqu'à l'union de ces contrées à la couronne.... (V. Bretagne.).

» Ajoutons que Louis XI lui-même reconnut, par un édit du mois d'octobre 1465, enregistré au parlement de Paris le 16 novembre suivant, le droit qui appartenait au duc de Bretagne de faire battre de la monnaie d'or.

» Ajoutons encore que les auteurs de la nouvelle édition de Denisart, au mot Bretagne, §. 1, n'hésitent point à qualifier de souverains les princes qui gouvernaient ce pays avant

l'union.

>> Enfin, M. d'Aguesseau, tome 5, page 499 à 542, en examinant la question de savoir quelle part les puinés ont en Bretagne dans les fiefs d'assise, ou anciennes baronnies établies dès le temps de l'assise ou ordonnance du duc Geoffroy, de 1185, ne fait aucune difficulté d'appeler lois, et cette ordonnance, et celle du

:

duc Jean II de 1275, et celle du duc Jean III de 1301, qui l'expliquent et la modifient. Il fait plus à la page 440, il qualifie le duc Jean II de législateur: « Voilà (ce sont ses » termes,) ce que la constitution de Jean II a » change; c'est le seul adoucissement que l'é» quité du législateur ait cru devoir apporter » à l'exécution de cette loi ».

«Quant aux lettres-patentes de François Ier, du 16 août 1539, comment se peut-il que la demanderesse n'y voie pas une preuve sans réplique de la souveraineté des ducs de Bretagne, et par conséquent de la compatibilité de la qualité de souverain avec l'hommage

et le ressort ?

» Suivant elle, ces lettres-patentes données par le roi, comme tuteur de son fils duc de Bretagne, pour la réformation de la coutume du pays, sont un acte de seigneur fieffé, et non pas de prince souverain.

» Mais qu'y a-t-il de commun entre la féodalité et le pouvoir de réformer une coutume? Nous n'ignorons pas qu'il fut un temps où les grands vassaux de la couronne approuvaient ou réformaient à leur gré les coutumes observées dans leurs duchés ou comtés. Mais ce temps (pendant lequel, comme on le verra bientôt, les grands vassaux étaient de vrais souverains) était déjà bien éloigné, lorsque parurent les lettres-patentes du 16 août 1539. Dès l'année 1453, Charles VII s'était réservé par l'art. 125 de l'ordonnance qui porte cette date, le droit exclusif de faire rédiger et de confirmer les coutumes...... (V. Coutume.) -Si donc, nonobstant cette disposition, François Ier n'ordonna, en 1539, la réformation de la coutume de Bretagne qu'en sa qualité de tuteur du duc de Bretagne, il faut bien qu'il ait par-là même reconnu que le duc de Bretagne était souverain, et qu'il avait notamment le pouvoir législatif.

» Aussi l'exemplaire manuscrit de la coutume réformée en exécution de ces lettres-patentes, qui a été déposé au greffe du parlement de Paris, prouve-t-il, par son seul intitulé, que les ducs de Bretagne avaient été jusqu'alors considérés comme législateurs; cet intitulé est ainsi conçu : Coutumes générales des pays et duché de Bretagne, avec les usances, locales dudit pays, et articles de PLUSIeurs CONSTITUTIONS faites sur le fait de la justice, par plusieurs rois, DUCS ET PRINCES dudit pays.

» Aussi l'art. 78 de cette coutume rappellet-il, comme faisant loi en Bretagne, l'ordonnance du duc Jean II de 1275, sur le droit seigneurial de rachat ou relief.

Aussi l'art. 719 ordonne-t-il que « toute » personne impétrante de lettres de grace,

>> rémission, abolition, priviléges héréditaux, » franchises, anoblissemens, exemptions ou » autres grâces perpétuelles, donnés par les » ducs et princes de ces pays, tant depuis » trente ans précédant l'an 1451, que depuis » même, et qui seront dépêches en l'avenir, » par les princes dudit pays, pour quelque » cause que ce soit, jaçoit que celles lettres » aient été reçues et publiées és bares (juri» diction) ordinaires, et celui impetrant » tenu icelles lettres au prochain parlement, » en suivant l'impétration d'icelles...., pour » icelles lettres y publier et visiter, et à plein »remontrer l'occasion et vérification d'icelles, » tant pour le bien des sujets que préserva» tion des droits du duc ».—Et certes, assujettir à l'enregistrement et à la vérification du parlement breton, les actes législatifs que les ducs de Bretagne avaient faits depuis 1421, ou feraient à l'avenir, en faveur des particuliers, c'était bien reconnaître que les ducs de Bretagne étaient souverains.

» Mais, dit la demanderesse, faites donc attention à la date des lettres-patentes en vertu desquelles cette coutume a été réformée; elles sont du 16 août 1539: or, à cette époque, il y avait déjà sept ans que la Bretagne était réunie à la couronne de France : c'est donc une chose insignifiante, que la qualité de tuteur du duc de Bretagne, que prend François Ier dans ces lettres-patentes.

>> Il n'y a ni logique ni vérité dans cette objection. Si l'union de la Bretagne à la France eût été effectuée en 1539, quelle raison François Ier aurait-il pu avoir de prendre dans ses lettres-patentes la qualité de tuteur du duc son fils? A coup sûr, ce n'est pas au nom du duc son fils, c'est en son propre nom, c'est comme roi de France, qu'il aurait ordonné la réformation de la coutume. Dans le fait, le traité d'union, en forme d'édit, du mois d'août 1532, ne put avoir son effet qu'après la mort de François Ier, puisque ce ne fut qu'alors que les titres de roi de France et de duc de Bretagne se trouvèrent confondus dans la personne du dauphin son fils.

» Enfin on a dit, par rapport aux comtes de Flandre, que, par cela seul qu'ils étaient, comme les ducs de Bretagne, sujets à l'hommage et au ressort, ils ne pouvaient pas plus être souverains que ceux-ci.

» Mais de là même il suit qu'avoir prouvé que les ducs de Bretagne étaient souverains, c'est avoir prouvé que les comtes de Flandre l'étaient également; car les comtes de Flandre étaient, comme les ducs de Bretagne, en possession de faire des lois, de déclarer la guerre, de faire la paix, d'envoyer et de re

cevoir des ambassadeurs, de créer et de supprimer des tribunanx, de lever des impôts avec le seul consentement des États, de faire battre monnaie, etc.; quoique d'ailleurs ils fussent, comme les ducs de Bretagne, sujets à l'hommage lige, quoique les appels des juges flamands se portassent, comme les appels des juges bretons, au parlement de Paris.

» Et il ne faut s'étonner que, réunissant des droits si éminens, les comtes de Flandre fussent considérés comme souverains; ils avaient cela de commun non-seulement avec

les ducs de Normandie et de Bretagne, mais encore avec tous les autres grands vassaux de la couronne, qui exerçaient les mêmes droits qu'eux.

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Loyseau, Traité des seigneuries, ch. 2, nos 34 et 35, tout en qualifiant de princes-sujets, ceux qui ont bien les droits de souveraineté sur le peuple, ou la plupart d'iceux, mais eux-mêmes pour leur personne ont un supérieur, duquel ils sont sujets naturels; tout en concluant de là qu'ils ne sont pas vraiment, c'est-à-dire, pleinement et parfaitement, princes souverains, ne laisse de convenir que tous ces grands vassaux de la couronne de France étaient, relativement à la souveraineté, sur la même ligne que les électeurs et princes-états de l'empire germanique; et c'est ce qu'il explique par les exemples qu'il donne de ce qu'il entend par princes-sujets. «Tels sont (dit-il ), les rois sujets du » grand Négus d'Ethiopie, que Paul Jove » dit être cinquante en nombre....: tels sont » aussi les potentats d'Allemagne, qui sont » sujets de l'Empire; tels pareillement ont » été autrefois les principaux ducs et comtes » de France, qui avaient usurpé la plupart >> des droits de souveraineté, ne reconnaissant » les rois que de l'hommage de leurs seigneu»ries, et de la sujétion de leurs personnes, » ainsi que les princes d'Allemagne reconnais» sent aujourd'hui l'Empire; mais nos rois ont » trouvé moyen de ruiner et de réunir à leur » couronne, peu à peu, ces duchés et com»tés; de sorte que ceux qui sont à présent en » France, ne sont plus principautés souve» raines, n'ayant plus ni la propriété ni l'exer»cice d'aucun droit de souveraineté ».

» Or, on n'oserait pas nier que les électeurs et princes-états de l'empire d'Allemagne ne fussent souverains, quoique leur souveraineté ne fût pas pleine et parfaite. Donc les comtes de Flandre l'étaient aussi; donc l'étaient aussi les ducs de Bretagne et les autres grands vassaux, qui d'ailleurs étaient assujettis envers le roi à l'hommage et au

ressort.

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» Eh! qui est-ce qui a jamais osé contester aux ducs d'Aquitaine la qualité de souverains? Qui est-ce qui l'a jamais contestée aux comtes de Champagne.... (1)? Et les ducs de Bourgogne, oserait-on dire qu'ils n'étaient pas souverains? N'est-ce pas notamment par leurs lois qu'étaient régies les terres de leur duché? N'est-ce pas le duc Philippele-Bon qui, en 1459, a fait rédiger la coutume de Bourgogne, et qui l'a confirmée par des lettres-patentes, dont une disposition expresse renvoie au droit écrit la décision des cas sur lesquels cette coutume est muette? N'est-ce pas sur ces lettres-patentes que l'on s'est constamment fondé, lorsque, dans les tribunaux bourguignons, on a invoqué le droit romain comme loi; lorsqu'au ci-devant conseil privé et à la cour de cassation, on a attaqué et fait annuller les jugemens en dernier ressort de ces tribunaux qui contrevenaient au droit romain? Et le roi Henri III ne reconnut-il pas pour loi la coutume homologuée par ces lettres-patentes, lorsque, par les siennes du mois de septembre 1575, il en abrogea ou modifia plusieurs articles? Enfin, cette coutume ne prouve-t-elle pas clairement que les ducs de Bourgogne étaient souverains, lorsqu'elle dit, art. 136, qu'au regard du fait de la gruerie et de la chasse, l'on s'en remet aux ordonnances sur ce faites et à faire par messeigneurs les ducs de Bourgogne, et par monseigneur le duc qui est à présent? Il est vrai que, par le traité d'Arras, de 1435, le roi Charles VII avait exempté le duc Philippe-le-Bon de l'hommage et du ressort; mais il ne l'en avait exempté que pour sa personne et pendant sa vie. Si donc l'hommage et le ressort eussent fait obstacle à sa souveraineté, bien sûrement on n'aurait pu admettre comme lois ni les ordonnances de ses prédécesseurs ni celles de ses successeurs : il y a plus, ses propres ordonnances n'auraient pu avoir d'effet que pendant sa vie, et elles se seraient anéanties d'elles-mêmes après sa mort. Cependant, il est de la plus grande notoriété que les ordonnances, tant des prédécesseurs que des successeurs de Philippe-le-Bon, et celles de Philippe-le-Bon lui-même, ont toujours été considérées en Bourgogne comme lois perpétuelles, et qu'elles y ont été obligatoires tant qu'elles n'ont pas été abrogées.

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» Mais, dit la demanderesse, les comtes de Flandre, les ducs de Bretagne, les ducs

(1) V. l'article Champagne.

TOME II.

les

d'Aquitaine, les comtes de Champagne, ducs de Bourgogne, n'étaient devenus souverains que par usurpation. On ne peut donc pas argumenter ici de leur prétendue souveraineté.

» Que l'on nous permette une question ; à quelle époque et à quel titre Hugues-Capet était-il devenu roi de France?

» L'époque est bien connue, c'est en 987; et tout le monde sait qu'alors il y avait déjà long-temps que les grands vassaux et HuguesCapet lui-même, comme duc de l'Ile-de-France, comte de Paris et d'Orléans, étaient en possession de tous les droits de la souveraineté, sauf l'hommage et le ressort. Dès le règne de Charles-le-Chauve, et en vertu de l'art. 3 du capitulaire de 877, qui rendait les comtes héréditaires, de simples officiers qu'ils étaient précédemment, « les seigneurs de » chaque province y jouissaient de tous les » droits que nos jurisconsultes modernes ap>> pellent régaliens, qu'on nommait alors » simplement seigneuriaux, et qui consti» tuent en effet la souveraineté ». (Mably, Observations sur l'Histoire de France, tome 1, page 283.)

» Quant au titre en vertu duquel HuguesCapet parvint au trône, « ne cherchons point » à nous tromper; ce ne furent ni les lois, » qui ne subsistaient plus, ni la nation di» visée, qui décidèrent entre Charles (der» nier rejeton des Carlovingiens) et Hugues» Capet: la force seule fit le droit de celui-ci. » Il était, par ses possessions et ses alliances, » le plus puissant du royaume, et Charles » n'y possédait rien.... La nation française ne » déféra pas la couronne à Hugues-Capet, » comme elle l'avait donnée à Pépin. Les » historiens contemporains ne disent point » qu'il se tint à ce sujet une assemblée géné» rale des grands; et quand ils le diraient, il >> ne faudrait pas le croire. Ces assemblées » étaient déjà fort rares sous le fils de Louis» le-Débonnaire. Qui ne voit qu'elles étaient » impraticables, depuis que les comtes s'étaient » rendus souverains dans leurs gouvernemens? » L'anarchie où le royaume était plongé, » prouve évidemment que toute puissance » publique y était détruite. Par quel prodige » se serait-il formé presqu'autant de coutu» mes différentes qu'il y avait de seigneuries, » si la nation eût toujours tenu ses assem» blees? Comment toutes les lois auraient» elles été oubliées? Pourquoi le gouverne»ment féodal aurait-il été si long-temps à » prendre une forme constante?— D'ailleurs, » je demande en vertu de quel titre Hugues» Capet, simple vassal de la couronne, aurait

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