Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

que celle de la partie contre laquelle fut rendu l'arrêt du 6 septembre 1719. Elle avait à soutenir, et elle soutenait effectivement, que l'ordonnance d'Orléans ne faisait pas loi dans le Barrois mouvant, parceque le duc de Bar avait sur ce pays un droit de souveraineté qui y excluait, de la part des rois de France, tout exercice du pouvoir législatif. Mais comment le prouvait-elle? Remontait-elle à l'ancien état du Barrois mouvant? Rapportaitelle, discutait-elle le traité de 1301? Concluait-elle de ce traité que jusqu'alors le duc de Bar avait tenu la chatellenie de Bar, et notamment son droit de suzeraineté sur le comté de Ligny, en franc-alleu ; que, par ce traité le duc de Bar n'avait pas même été soumis au ressort envers la couronne de France? Observait-elle que depuis, par des lettres-patentes de 1349 et 1389, les rois Philippe de Valois et Charles VI avaient solennellement reconnu les ducs de Bar pour souverains du Barrois mouvant; que depuis encore les rois Charles VII et Louis XI avaient confirmé cette reconnaissance, le premier par sa lettre de 1454, le second par celle de 1472 et par le serment de fidélité qu'il avait exigé des habitans de Bar en 1473? Faisait-elle valoir les argumens victorieux et irrefragables que fournissait, à l'appui de tous ces monumens, le traité encore récent, mais peut-être encore peu connu, du 21 janvier 1718? Ajoutait-elle, enfin, que la souveraineté du duc de Bar sur le comte de Ligny avait été consacrée, de la manière la moins équivoque, par l'arrêt du parlement de Paris de 1508? Rien de tout cela. Elle commençait par mettre en fait que « nos » rois avaient cédé aux ducs de Lorraine les » droits de régale et de souveraineté dans le » Barrois, avec celui d'y faire toute sorte de »lois, et s'étaient (seulement) réservé les » droits d'hommage et de ressort (1) ». Et elle partait de là pour établir les ordonnanque ces générales du royaume ne pouvaient pas avoir d'autorité dans le Barrois mouvant.

» Son adversaire, profitant habilement du principe qu'elle adoptait pour base de sa défense, ne manquait pas d'en tirer une conséquence toute différente. « C'est une maxime » certaine en matière de concession de droits » régaliens (disait-il), que, quelque grace, » quelque largesse que le souverain fasse à » un de ses vassaux, il retient toujours le ca>>ractère et les droits de la souveraineté, dont » il ne peut jamais se dépouiller, et qu'il con» serve un droit plus fort, plus éminent que

[blocks in formation]

>> celui qu'il accorde: c'est ce qu'exprime » Sixtinus, dans son Traité des Régales, liv. » Ier, chap. 5, no 3: Quocumque modo prin» ceps alii regalia indulgeat, major tamen pe» nès principem relinquitur regaliorum potes» tas. C'est aussi un principe admis par » tous les auteurs qui ont traité de ces ma» tières, que, dans la concession des droits » régaliens, les droits non spécialement ex»pliqués n'y sont jamais compris; et que, » quelque générale que soit la concession de » ces droits, cette généralité n'est jamais assez >> puissante ni assez energique pour compren» dre un droit plus fort que celui qui est ex» prime: Nec tamen ea clausula tam efficax » est, ut propter eam extensio fieri debeat ad » majora expressis, vel potiùs restringenda » ad similia vel minora. Sixtinus, chap. 5, » no 75 ». Et comme, dans leur prétendue concession des droits régaliens aux ducs de Bar, les rois de France n'avaient pas compris nommément celui de soustraire le Barrois mouvant à l'empire des ordonnances générales du royaume, on en concluait tout naturellement que les ducs de Bar n'avaient pas ce droit; ce qui, tout naturellement encore, amenait la conséquence que l'ordonnance d'Orléans, de 1560, faisait loi dans le Barrois mouvant, comme dans les provinces proprement dites de France.

» Mais qu'aurait-on pu répondre, si la partie qui a succombé, eût fait ce que nous faisons dans la cause actuelle; si, en se reportant au premier état des choses, ou du moins à l'état dans lequel les avait fixées le traité de 1301, elle eût fait voir que ce n'était point par concession du roi que le duc de Bar exerçait les droits de souveraineté dans le Barrois mouvant; que c'était, au contraire, par concession du duc de Bar, que le roi de France exerçait sur le Barrois les droits d'hommage et de ressort? Qu'aurait-on pu répondre, si, de ce principe dont les preuves reposent sur des bases que nous osons dire inexpugnables, cette partie avait inféré que la doctrine de Sixtinus, dont se prévalait son adversaire, se rétorquait contre celui-ci ; qu'en effet, il en résultait évidemment que le duc de Bar avait retenu tout ce qu'il n'avait pas formellement aliéné; qu'il n'avait aliéné de sa souveraineté que l'indépendance féodale et le droit de ressort; qu'il avait conséquemment retenu la racine, le tronc de sa souveraineté même; qu'il avait bien grevé sa souveraineté d'une double servitude, mais que ce qu'il n'en avait pas aliéné, il le conservait comme souverain, ni plus ni moins que possède toujours comme propriétaire, celui qui a

grevé son fonds de deux ou trois servitudes réelles? Qu'aurait-on pu répondre surtout, si des assertions aussi évidemment fondées en droit avaient été appuyées de toute l'autorité des reconnaissances solennelles des rois Philippe de Valois, Charles VI, Charles VII et Louis XI, de l'arrêt du parlement de Paris de 1508, du traité du 21 janvier 1718, et du fait incontestable que les ducs de Bar avaient toujours exercé exclusivement le droit de guerre ? Nous ne craignons pas de le dire, on n'aurait fait, on n'aurait pu faire, à tout cela, aucune réponse qui fût digne de l'attention de la justice.

-

[ocr errors]

. On a

» 4°. Quand nous admettrions, avec l'arrêt du 6 septembre 1719, et contre ce qu'avait jugé celui du conseil du 9 septembre 1623, que les ordonnances générales du royaume avaient lieu dans le Barrois mouvant, seraitce une raison pour dire, avec cet arrêt, que le duc de Bar n'était pas souverain? vu plus haut que Philippe-le-Bel et ses successeurs les plus immédiats, regardaient leurs ordonnances générales comme faisant loi dans les duches de Bretagne, de Bourgogne, d'Aquitaine et dans le comté de Flandre; et cependant on a vu aussi qu'ils traitaient les comtes de Flandre, les ducs d'Aquitaine, de Bourgogne et de Bretagne en souverains; et cependant on a vu aussi que Beaumanoir écrivait alors que chaque baron, ou, comme il s'explique lui-même, chaque duc ou comte était souverain en sa baronnie, bien que le roi fût souverain par-dessus tous, bien que les établissemens, c'est-à-dire, les lois que le monarque faisait pour le commun profit, fussent obligatoires pour chaque baron; et cependant, tout à l'heure encore nous venons de voir le chef de l'état ordonner, par un décret du 30 mars 1806, que le Code civil, le système monétaire de l'empire français, et le concordat conclu entre S. M. et S. S. pour le royaume d'Italie, seront lois fondamentales des états de Lucques; et (qu') il ne pourra y être dé rogé sous que que prétexte que ce soit, quoique d'ailleurs il soit à la connaissance de tout le monde que c'est au prince de Piombino, vassal lige de l'empire, que le statut constitutionnel de la république de Lucques a déféré, le 26 juin 1805, le gouvernement souverain du peuple lucquois, sous la protection du gouvernement Français.

» 5o. Enfin, ce qui rend ici très-indiffé. rent ce qu'a jugé l'arrêt du parlement de Paris du 6 septembre 1719, c'est que, l'année suivante, il en est émané du conseil trois qui rendent l'hommage le plus éclatant à la sou

veraineté des dues de Bar. du premier.

[ocr errors][merged small]

» Le 9 décembre 1719, le duc de Châtillon, voulant exercer le retrait lignager sur la terre de Ligny, que le duc de Lorraine et de Bar venait d'acquérir du duc de Luxembourg, présente au parlement de Paris une requête, par laquelle il expose « qu'il ne peut procéder » à ce retrait contre M. le duc de Lorraine, » dans la juridiction où il est demeurant, » puisque cette juridiction est celle de Nancy » ou de Lunéville où il demeure, et que les » Français ne peuvent être obligés d'aller » plaider hors du royaume; qu'il ne pourrait » même, quand on supposerait, ce qui n'est » pas, à M. le duc de Lorraine, un domicile » dans le duché de Bar, procéder devant les » juges du bailliage de Bar, puisque, suivant » l'ordonnance de 1667, tit. 24, art. 4, les ju»ges des seigneurs ne peuvent connaitre des » actions en retrait exercées contre les sei» gneurs eux-mêmes ». En conséquence, il demande et obtient un arrêt qui lui permet de faire assigner le duc de Lorraine au parlement, pour y procéder sur le retrait qu'il a en vue.

>> En vertu de cet arrêt, le duc de Châtillon fait, par un exploit signifié au domicile du assigner le duc de Lorraine à comparaître deprocureur général du parlement de Paris,

vant cette cour.

» Le duc de Lorraine se pourvoit au conseil du roi, et représente que cet arrêt est un attentat à l'art. 41 du traité de Ryswich, confirmatif du concordat de 1571 et de la décla ration de 1575; que le duc de Chatillon s'est mal à propos fondé, pour l'obtenir, sur le prétendu fait que le duc de Lorraine est domicilié à Nancy ou à Lunéville; que personne ne doutera raisonnablement qu'un duc de Bar ne soit toujours réputé avoir son domicile dans son château de Bar, situé sous le ressort de la cour, où il peut être assigné à comparaitre pour un fait de la nature de celui-ci; ou en parlant à son procureur général au bailliage de Bar; que le duc de Châtillon n'a pas été plus heureux en invoquant la disposition de l'ordonnance de 1667, de laquelle il résulte que les juges seigneuriaux ne peuvent connaître des actions en retrait intentées par ou contre leurs commettans; que le duc de Chatillon doit savoir, et que le parlement de Paris n'ignore certainement pas, que la disposition d'aucun article de l'ordonnance de 1667 ne doit être proposée pour servir de décision dans l'étendue du Barrois mouvant ; et que, suivant les concordats, les seules coutumes et ordonnances faites de l'autorité des ducs de Lorraine et de Bar, doivent être

reçues, observées et suivies pour la conduite et gouvernement de leurs sujets; que le duc de Châtillon est encore tombé dans une grande erreur, quand il a voulu assimiler les officiers du bailliage de Bar à des juges seigneuriaux ; que le duc de Bar n'est point un simple seigneur; qu'il jouit, sous la mouvance du roi, de tous les droits de régale et de souveraineté ; que ces droits ne sont que le reste d'une souveraineté absolue et indépendante qui appartenait aux anciens comtes de Bar avant l'année 1301, etc.

» Ce mémoire communiqué au duc de Châtillon, celui-ci ne peut y répondre que par une offre d'aller plaider au bailliage de Bar, sauf l'appel au parlement de Paris. Mais cette offre ne satisfait pas le conseil du roi; il sent le besoin de réprimer, par une décision éclatante, l'infraction que le parlement de Paris s'est permise, par son arrêt du 9 décembre 1719, aux droits du duc de Bar et aux traités qui les consacrent. En conséquence, après avoir visé, ainsi qu'on l'a remarqué plus haut, le concordat de 1571, la déclaration de 1576 et le traité de Ryswich, il rend, le 7 mai 1720, un arrêt ainsi conçu : « Le roi, en son » conseil, de l'avis de M. le duc d'Orléans, » régent, ayant égard aux représentations du » duc de Lorraine et de Bar, et sans s'arrêter » audit arrêt du parlement de Paris du 9 dé»cembre dernier, a déchargé et décharge le» dit duc de Lorraine et de Bar de l'assigna» tion à lui donnée audit parlement, à la re» quête dudit duc de Châtillon: en consé»quence dudit arrêt....; fait défense audit » duc de Châtillon de faire aucune poursuite » en conséquence dudit arrêt, et audit parle»ment d'en connaître en première instance; » ce faisant, renvoie les parties au bailliage » de Bar, pour y proceder en première in» stance, sauf l'appel audit parlement ».

>> Cet arrêt juge bien nettement que l'ordonnance de 1667 n'a pas force de loi dans le Barrois mouvant.-En voici deux autres qui décident un point non moins caractéristique de la qualité de souverain dans les dues de Bar.

» Par contrat passé devant notaire, le 20 octobre 1588, Charles III, duc de Lorraine et de Bar, avait constitué à prix d'argent, au profit de Christophe de Bassompière, une rente de 927 écus, à prendre sur les salines de Lorraine; et il avait affecté à cette rente tous ses biens, terres et seigneuries, meubles et immeubles présens et à venir.

» Cette rente était parvenue par succession au maréchal de Bassompière, qui était mort à Paris sans enfans, laissant pour héritiers

des neveux domiciliés, l'un en France, les autres en Lorraine, et qui avaient accepté sa succession sous le bénéfice de lettres d'inventaire entérinées au châtelet.

» Le 2 janvier 1720, faute par eux de rendre compte de cette succession, la dame d'Armaillé, qui en est créancière, obtient au parle. ment de Paris, un arrêt qui les condamne personnellement à lui payer 1,500,000 liv.

» Munie de cet arrêt, la dame d'Armaillé (par exploit signifié au domicile du procureur général du parlement de Paris, le 3 février suivant) fait saisir entre les mains du duc de Lorraine et de Bar, les arrérages de la rente de 927 écus dont il était grevé envers les sieurs de Bassompière, et lui donne assi gnation devant la troisième chambre des enquêtes, pour déclarer le montant de sa dette, affirmer sa déclaration et vider ses mains.

» Le duc de Lorraine et de Bar, blessé d'un procédé si inouï et injurieux à un prince souverain, s'adresse au conseil du roi, qui, par arrêt du 8 avril 1720, ayant égard à sa représentation, le décharge de l'assignation, et fait défense, tant à la dame d'Armaillé de lui donner aucune suite, qu'au parlement d'en prendre connaissance, à peine de nullité.

» La dame d'Armaille forme opposition à » cet arrêt. Il n'est point ici question (dit» elle) de la souveraineté du duc de Lor>> raine; Charles III était duc de Bar, et cette » seigneurie est affectée, comme ses autres » biens, par le contrat du 20 octobre 1588: » cette terre est située en France et dans le » ressort du parlement de Paris; c'est en » qualité de duc de Bar, que le duc de Lor

raine a été assigné. Il ne peut donc pas op» poser pour moyen sa qualité de souverain, » parcequ'en sa qualité de duc de Bar, il est su»jet de sa majesté et justiciable du parlement » de Paris. Il ne peut point dire aussi que » c'est une dette qu'il doit à ses sujets, parce» qu'un des créanciers de la dette est un » Français; et quant aux sieurs de Bassom» pière qui sont demeurans en Lorraine, ils » doivent avec celui qui est en France, comme » héritiers bénéficiaires d'une succession échue >> en France acceptée en France, et par consé»quent sont tenus d'y rendre compte. Le duc de » Lorraine, leur débiteur, ne doit être regardé >> en cette affaire, que comme duc de Bar, sujet » du roi; et ne peut, étant débiteur et assigné » comme duc de Bar, demander, comme duc de » Lorraine, d'être déchargé de l'assignation; » c'est une contestation entre deux sujets de »sa majesté ». — Et d'après ces raisons, la dame d'Armaillé conclut à ce qu'il soit ordonné, en rapportant l'arrêt du 8 avril, que

le duc de Lorraine sera tenu de défendre, tant à l'assignation qui lui a été donnée devant le parlement de Paris le 3 février, qu'à celle qu'elle lui a encore fait donner depuis devant la même cour, en vertu d'un arrét qu'elle y a obtenu le 15 mars, et qui valide la première.

» Le duc de Lorraine et de Bar répond que, « si la dame d'Armaillé a prétendu avoir » droit de faire saisir les rentes pour le paie» ment desquelles elle prétend que les sieurs » de Bassompière sont employes sur l'état des » charges de ses domaines, la seule voie qu'elle » pouvait prendre était de les faire saisir à » Nancy, entre les mains de l'officier qui est » établi pour le paiement de ces rentes : c'est »(continue-t-il ) l'usage que les créanciers » des propriétaires de ces sortes de rentes ont » toujours suivi, sans qu'aucun ait jamais en»trepris de les faire saisir entre les mains du » duc. C'est le même usage qui a pareillement » toujours été pratiqué en France par les créan »ciers des propriétaires de quelques ren»tes sur l'hotel-de-ville, qu'il leur a été per» mis de faire saisir entre les mains des payeurs » des rentes, lorsqu'ils se sont crus en droit » d'empêcher qu'elles fussent délivrées à leurs » débiteurs... Il est absurde que, en vertu » de la clause du contrat du 20 octobre 1588, » par laquelle le duc Charles III a obligé tous » ses biens à la rente constituée par lui à Chris» tophe de Bassompière, la dame d'Armaillé »ose soutenir que le duc Charles III ayant » possédé le duché de Bar, dont S. A. R. jouit » aujourd'hui comme d'une terre et seigneu»rie ordinaire, située en France, sous le res» sort du parlement, elle a pu l'y faire as » signer legitimement. - Pour détruire la » prévention dont elle s'est sur cela mal à » propos préoccupée, et en même temps » l'idée qu'elle voudrait faire prendre de l'état » des terres du duché de Bar que le duc de » Lorraine possède sous la mouvance de sa » majesté, mais en tous droits de régale et de » souveraineté, et ne pas répéter ici les rai» sons qui ont tiré le sieur duc de Chatillon » de l'erreur dans laquelle il était, on offre » de lui communiquer l'arrêt que le duc de >> Lorraine a obtenu contre lui le ? mars der» nier (1). Il est vrai que, suivant.... le concordat du 25 janvier 1571 et la déclara» tion du 8 août 1575, le duc de Lorraine doit » reconnaître, comme il reconnait en effet, » le roi pour souverain seigneur féodal du » Barrois mouvant, et le ressort du parle

(1) Il est rapporté ci-dessus.

TOME II.

» ment sur les sentences et jugemens qui sont » rendus par ses baillis de Bar et de Bassigny, » dans les terres qu'il possède sous la mou»vance de sa majesté; mais on ne peut dis» convenir que ces mêmes concordats, que le » feu roi a promis, par l'art. 41 du traité de » Ryswich, de maintenir dans leur ancienne » force et vigueur, ayant conservé au duc de » Bar tous les droits régaliens et de souve» raineté qui lui appartenaient dans ces mê» mes terres, il ne peut entrer dans le bon » sens que le dame d'Armaillé ose ni puisse » prétendre que le roi doive l'autoriser à » pouvoir faire saisir les revenus ni les terres » que S. A. R. possède incontestablement » avec tous ces droits éminens, sous sa mou»vance, puisque de pareilles poursuites dé» truiraient évidemment ces mêmes droits » régaliens et de souveraineté, avec lesquels » elles lui appartiennent d'une manière qui » ne peut lui ètre contestée ». — Le duc de Lorraine ajoute que la question a été jugée en sa faveur par un arrêt du conseil du 4 octobre 1667, contre un sieur Patrix, qui, se prétendant créancier du duc Charles IV, avait fait saisir entre les mains du fermier de ses salines, demeurant à Paris, tout ce que celui-ci pouvait devoir à ce prince.

» La dame d'Armaille réplique « qu'elle » n'attaque point le duc de Lorraine comme » duc de Lorraine, mais comme duc de Bar » et comte de Ligny, ésquelles qualités il est » sujet et justiciable du roi, comme elle; et » qu'on doit distinguer ces qualités en sa » personne, de même qu'on les a distinguées » dans le traité de paix conclu à Osnabruck » entre l'empereur et le roi de Suède, le 24 » octobre 1646, par lequel il a été convenu, » art. 10 et 14, que le roi de Suède procédant » activement et passivement comme duc de » Pomeranie, serait tenu de procéder devant » les juges d'Allemagne. Le roi d'Angle» terre, comme duc de Hanovre (ajoute-t» elle), et le roi de Pologne, comme duc de » Saxe, doivent de même répondre à la diete » de Ratisbonne; ils n'ont jamais prétendu » attirer en Angleterre les affaires de Hano» vre, ni en Pologne les affaires de Saxe : » ainsi il en doit être de même du duc de » Lorraine tant qu'il sera assigné comme » duc de Bar, il ne peut pas évoquer en Lor» raine; il faut qu'il réponde devant les juges » de France, parcequ'en qualité de duc de » Bar, il est sujet de sa majesté, comme les » rois de Pologne, de Suède et d'Angleterre, » le sont de l'Empire, à cause de leurs duches » de Saxe, de Hanovre et de Pomeranie ».

:

» A cette comparaison le duc de Lorraine 64

"

›› répond qu'il n'ignore pas ce qui se prati» que en Allemagne à l'égard du roi de Suède, » du roi d'Angleterre et du roi de Pologne, » pour les états qu'ils possèdent dans l'Empire; mais qu'on ne trouvera pas que ces princes » aient jamais été assignés à la chambre impé-, » riale de Wetzlaer, pour se voir condamner à > faire les déclarations de ce qu'ils peuvent de » voir à quelques-uns des sujets de l'Empire; et » qu'on ne doit pas penser que, si le roi de » Suede avait contracté une dette envers des » sujets de l'Empire, avec une affectation » générale de tous ses biens, un créancier » pût faire saisir cette dette dans l'Empire, » ni le faire assigner, comme duc de Pomé»ranie, par-devant les tribunaux de l'Empire; » joint à ce qu'il y a une grande différence à "faire entre ces duchés et celui de Bar, en » ce que les premiers font partie de l'Empire, » et sont obligés de contribuer à toutes ses > charges; au lieu que le roi n'a jamais pré» tendu, sur les terres du Barrois mouvant, » d'autres droits que de féodalité et connaissance des appels tant seulement, et non » autre chose, ainsi qu'il est porté par la dé» claration de 1575, confirmée, comme il a » été dit, par le traité de Ryswich; et que » d'ailleurs le duché de Bar n'est sujet à au>> cune des charges et impositions du royaume, » ce qui en fait voir la différence ».

» D'après cette discussion bien contradictoire, comme l'on voit, arrêt du 6 août 1720, par lequel, «vu l'arrêt du conseil-d'état du 4 » octobre 1667..., le roi en son conseil, de » l'avis de M. le duc d'Orléans, régent, dé» boute la dame d'Armaillé de l'opposition » par elle formée à l'exécution dudit arrêt » du 8 avril dernier, lequel sa majesté veut » être exécuté selon sa forme et teneur; et, >> en conséquence, décharge ledit duc de » Lorraine et de Bar, de la nouvelle assigna» tion à lui donnée en la troisième chambre » des enquêtes du parlement de Paris, à la » requête de ladite dame d'Armaillé, par » exploit du 15 mars dernier, et des saisies » faites par elle entre les mains dudit duc de » Lorraine; lui fait défense d'en donner de » semblables à l'avenir, et à ladite cour d'en » connaître, à peine de nullité, cassation de » procédures et de tous dépens, dommages » et intérêts; sauf à ladite dame d'Armaillé » à continuer ses poursuites en ladite cham»bre contre lesdits sieurs de Bassompière, et » à poursuivre l'exécution des arrêts qu'elle >> y aura obtenus, par-devant les juges de » Lorraine, à qui la connaissance en peut » appartenir ».

» Le point jugé par cet arrêt, est aussi in

téressant que palpable. Le duc de Lorraine, assigné, en sa qualité de duc de Bar, comme tiers saisi et possesseur de biens hypothé qués à la créance du saisissant, soutient qu'en qualité de duc de Bar, il est souverain; qu'on ne peut pas procéder contre un souverain personnellement par saisie-arrêt, ni le traduire lui-même en justice pour déclarer et affirmer sa dette; qu'on ne peut que former opposition entre les mains du garde de son trésor public, au paiement des sommes qu'il doit et le conseil le juge ainsi, avec défense de faire, à l'avenir, de semblables poursuites. Le conseil juge donc que le duc de Lorraine doit, en sa qualité de duc de Bar, jouir, en cette matière, de la même prérogative dont jouit le roi en France; il juge donc que cette prérogative, quoique non écrite nommément dans le concordat de 1571, appartient au duc de Bar, par cela que ce concordat lui assure tous les droits de souveraineté, sous la mouvance du roi et le ressort du parlement de Paris; il juge donc que, nonobstant cette mouvance et ce ressort, le duc de Bar est véritablement souverain.

» Ainsi, bien loin d'adopter le système que le parlement de Paris s'était forgé sur la nature des droits des ducs de Bar dans le Barrois mouvant, l'ancien gouvernement français l'a formellement condamné.

» Et non-seulement il n'est jamais revenu sur ceux de ses actes des quatorzième et quinzième siècles, qui reconnaissaient, dans les termes les plus précis, les ducs de Bar pour souverains ; non seulement il les a de nouveau reconnus pour tels par le traité de 1718 et par les trois arrêts de 1720 que nous venons de retracer; mais nous voyons encore que jamais il n'a réclamé contre le serment de fidélité, qui, en vertu d'un édit du roi Stanislas, fut prêté à ce prince en qualité de souverain actuel, le 8 février 1737, par ses officiers du Barrois tant mouvant que non mouvant, et cela, dans la ville de Bar elle-même, capitale de cette dernière partie du Barrois : nous voyons même qu'au contraire, ce serment fut ainsi prêté du consentement et même avec le concours du roi de France, puisque, le même jour et au même instant, le commissaire qui en avait reçu la prestation au nom de Stanislas, la reçut aussi des officiers du Barrois mouvant, comme ceux du Barrois non mouvant, au nom de Louis XV, comme souverain éventuel du duché de Bar, et qu'il la reçut en vertu d'un pouvoir spécial que ce monarque lui en avait donné le 13 janvier précédent (1).

(1) Dom Calmet, tome 7, page 308.

« VorigeDoorgaan »