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tribue au roi seul ce qu'il dit du souverain en général, il se croit obligé d'avertir que par ce terme on doit entendre, non seulement leroi, mais encore les ducs et les comtes, qui alors, bien différens des seigneurs ordinaires, exerçaient tous les droits de la souveraineté, sous l'hommage et le ressort du monarque. » Et à qui persuadera-t-on que les dues de Bar eussent confondu, dans leurs lettres-patentes de 1598 et de 1711, la souveraineté avec la seigneurie féodale, eux qui trouvaient dans le concordat de 1571 et dans la déclaration de 1575, une distinction si fortement prononcée entre l'une et l'autre; eux qui, dans ces lettres-patentes mêmes, rappelaient si nettement cette distinction?-En effet, pár le concordat de 1571 et par la déclaration de 1575, Charles IX et Henri III avaient déclaré ne prétendre sur le Barrois mouvant autres droits que féodalité et reconnaissance d'appel tant seulement, tandis que, par les mêmes actes, ils renonçaient, en faveur des ducs de Bar, à tous les droits de régale et de souve raineté. — D'un autre côté, par les lettres patentes de 1598 et de 1711, les ducs de Bar ne se réservent pas seulement la souveraineté sur la terre de Morley, ils s'y réservent encore la foi-hommage et tous les droits féodaux auxquels un vassal est tenu envers son seigneur.....

» Ainsi, en contestant aujourd'hui la souveraineté du duc de Bar sur le Barrois mouvant, la demanderesse ne s'élève pas seulement contre les reconnaissances les plus solennelles et les plus précises de Philippe de Valois, de Charles VI, de Charles VII, de Louis XI, du parlement de Paris sous Louis XII, de Charles IX, de Henri III, du régent de France Philippe d'Orléans, et de Louis XV, elle s'élève encore contre l'hommage que sa famille elle-même a rendu à cette souveraineté en ́1736(1); elle s'élève encore contre ses propres titres, qui contiennent en faveur du duc de Bar une réserve expresse de cette souveraineté sur la terre de Morley. Et elle compterait sérieusement sur la cassation d'un arrêt que justifient des preuves aussi directes, et qui lui sont, pour ainsi dire, aussi personnelles, de la souveraineté du duc de Bar! Non, elle ne peut pas se livrer de bonne foi à une pareille illusion.

» Mais si les ducs de Bar étaient souverains

y possédaient, auraient-ils pu ne pas former un domaine public? Comment auraient-ils pu n'être pas considérés comme le patrimoine de la souveraineté de ce prince?

» La demanderesse prétend néanmoins que de ces deux données, la seconde n'est pas cessairement renfermée dans la première. Suivant elle, les biens que les ducs de Bar possédaient dans le Barrois mouvant, pouvaient n'être que leur patrimoine personnel; ils pouvaient ne pas appartenir à leur souveraineté, et ces étranges assertions, elle croit les prouver, 1o en faisant valoir la prétendue nécessité où l'on se serait trouvé, dans notre système, d'admettre dans le Barrois mouvant deux sortes de domaines publics, l'un qui eût appartenu au roi de France, l'autre qui eût appartenu au duc de Bar; 2o en alléguant que, dans le ci-devant empire d'Allemagne, les électeurs et les princes qui jouissaient de la souveraineté, pouvaient aliéner leurs domaines et même leurs états.

» Mais c'est confondre toutes les notions que de raisonner ainsi. Chez tous les peuples qui ont quelque idée de la souveraineté, le prince est, suivant l'expression de l'édit du bon Henri IV, du mois de juillet 1607, dédié et consacré au public; il n'existe point comme particulier, il n'existe que comme premier magistrat de la nation qu'il gouverne; en montant sur le trône, il a contracté avec elle, suivant une autre expression de la même loi, un mariage saint et politique, par le moyen duquel tous les biens nationaux sont confondus avec les siens propres, pour former la dot de sa couronne : et de là, la nécessité de reconnaître pour domaine public, pour domaine de l'état, tout ce que le prince a hérité de ses prédécesseurs, comme tout ce qu'il possédait patrimonialement avant son avénement à la souveraineté.

>> Comment donc les dues de Bar auraientils pu posséder en hommes privés, les domaines qui leur appartenaient en leur qualité de princes? La nature des choses y répugnait visiblement.

> En vain la demanderesse se récrie-t-elle sur la bizarrerie qu'elle aperçoit dans le cas où un roi de France aurait acquis dans le Barrois mouvant, des biens qu'il eût unis au domaine de sa couronne; en vain prétend-elle que, dans ce cas, il y aurait eu dans le Bar

slu Barrois mouvant, comment les biens qu'ils rois mouvant deux sortes de domaines publics,

(1) V. le préambule des lettres-patentes du 23 avril 1736, rapporté dans l'exposé des faits.

un domaine royal et un domaine ducal.

>> Sans examiner si ce concours de deux domaines publics dans un même pays serait en soi aussi bizarre qu'il le paraît à la demanderesse, nous dirons que ce concours n'aurait

jamais pu avoir lieu, et la raison en est simple. Le roi de France n'aurait pu acquérir dans le Barrois mouvant que des biens relevant immédiatement du duc de Bar, ou, en d'autres termes, que des arrières-fiefs de sa couronne. Or, quel eût été l'effet de pareilles acquisitions? Auraient-elles rendu le roi de France vassal du duc de Bar? Non : elles auraient, de plein droit, distrait de la mouvance du duc de Bar, les biens acquis par le roi de France, et, par-là, ces biens auraient cessé de faire partie du Barrois mouvant, sauf au duc à se faire indemniser par le roi.

Cette règle, qu'on voit observée par Philippe-Auguste, en 1213, à l'égard de l'évêque de Noyon; par St-Louis, en 1229, à l'égard de l'archevêque de Narbonne; par Philippele-Bel, en 1293, à l'égard de l'évêque du Puy, a encore été confirmée par un arrêt du parlement de Toulouse du 27 novembre 1671, rapporté dans le Recueil de Catellan, liv. 3, chap. 42; par un autre du parlement de Paris du 9 janvier 1679, rapporté au Journal du Palais; et par un troisième du conseil-d'etat du 8 juillet 1726, rapporté dans le Dictionnaire de Brillon, au mot Romans. - Il est d'ailleurs à remarquer qu'à suivre exactement l'ordonnance de Philippe-le-Bel, de 1302, art. 4, le roi n'aurait pu rien acquérir dans la mouvance du duc de Bar, sans le consentement exprés de celui-ci : Item in eorum foedis (dans les fiefs des seigneurs), nihil de cætero acquiremus, nisi de eorum procedat

consensu.

» Ce n'est pas avec plus de raison que la demanderesse cherche ici à se prévaloir de ce que, suivant elle, dans le ci-devant empire d'Allemagne, les princes souverains avaient la libre disposition des domaines de leurs états.

» Si telle était effectivement, au moins dans ces derniers temps, la jurisprudence des tribunaux d'Allemagne, c'était une exception au droit commun; et elle peut ici d'autant moins faire impression, qu'elle n'a été ni toujours ni uniformément admise dans ce pays.

» Nous trouvons dans Guillimannus, lib. 6, Habsb, cap. 2, une charte de 1259, par laquelle Rodolphe, comte d'Habsbourg, et le landgrave d'Alsace, pour vendre deux villages, Dicticum et Slierum vicos, s'assurent du consentement de leurs vassaux et officiers, vassallorum et ministerialiam concilio et accensu. Nous lisons dans Hertius, traité de Superioritate territoriali, §. 65, note 31, qu'en 1348, les comtes de Waldeck, avant de ven. dre leur comté à la maison de Hesse, traitėrent avec leurs sujets pour en obtenir l'agréTOME II,

ment, priùs egerunt cum subditis suis. - Et Sleidanus, lib. 18, Commentar., page 563, rapporte un traite de 1547, par lequel le duc de Wurtemberg, faisant quelques cessions à l'empereur d'Allemagne, s'oblige de les faire approuver dans six semaines, non-seulement par son fils, mais encore par son peuple : ut intra sextam hebdomadem filius hujus Christophorus et populus illa confirment et habeant rata.

» Aussi, dans le grand nombre de jurisconsultes allemands qui ont écrit avant la dissolution de l'empire d'Allemagne, en remarque-t-on plusieurs qui soutiennent que toute alienation faite par un prince souverain, sans le consentement de sa nation, est nulle. Tels sont notamment Klock, Concil. 3, 4 et 55; Rhetius, lib. 2, juris publici, tit. 32, §. 7; Stryckius, de Successionibus ab intestato, disc. 8, cap. 7, S. 27, etc.

» Au surplus, si le dernier état de la jurisprudence germanique autorisait les princes à aliener les domaines de leurs souverainetés, cela ne prouve nullement que ces domaines n'existassent dans leurs mains avec le caractère de domaines publics; cela prouve seulement que ces domaines publics n'étaient pas inalienables...... ».

pas

pu

Tels sont les développemens dans lesquels je suis entré sur cette importante question. J'y ai joint, en traitant celle de l'inaliénabilité des biens des ducs de Bar, l'autorité de deux arrêts du conseil qui avaient, comme on le verra au mot Inaliénabilité, formellement jugé que ces biens formaient un domaine blic et inalienable. Cependant l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 19 nivôse an 12 a été cassé, le 27 janvier 1807, au rapport de M. Cochard; mais en le cassant, la cour de cassation ne s'est point expliquée sur ce point fondamental: elle a seulement jugé en faveur de la dame de Poix, ainsi qu'on le à l'article Domaine public, §. 3, no 9, la question particulière que faisait naître ce grand procès, le traité de réunion de la Lorraine et du Barrois à la France.

verra

Je dois cependant dire que la question principale s'étant représentée depuis, relativement à la terre de Sandrupt, située dans le ci-devant Barrois mouvant, et vendue en 1600 par un duc de Lorraine et de Bar aux auteurs des sieurs et demoiselle de Bourlon, reconnue comme domaniale par un arrêt de la chambre des comptes de Bar, du 4 février 1782, et revendiquée comme telle en 1812 par le préfet du département de la Meuse et l'administration des domaines, il est intervenu,

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à la cour royale de Nancy, le 22 novembre 1819, un arrêt qui a jugé cette terre patrimoniale; et que le recours en cassation exercé contre cet arrêt a été rejeté par la section des requêtes le 30 janvier 1821, sous la présidence du savant auteur de l'article Barrois de l'Encyclopédie méthodique.

« Attendu que le droit naturel et la loi ci vile se réunissent pour rendre tous les biens patrimoniaux et les mettre tous dans cette grande communauté qui compose la société; qu'ainsi, la prohibition d'aliener est une exception au droit commun qui, comme toutes les exceptions, ne peut être établie que par une loi très-positive, ou une disposition de l'homme autorisée par la loi ;

» Attendu que de ces notions très-simples, il résulte que celui-là seul peut conférer à un domaine le privilege de l'inalienabilité, qui a le droit de donner des lois au pays dans lequel ce domaine est situé;

» Attendu que le pouvoir de donner des lois et celui de les faire exécuter, sont deux corrélatifs inséparables;

» Attendu que l'exécution des lois ne peut être légalement assurée que par le dernier ressort de la justice, puisque celui qui n'aurait pas ce dernier ressort, serait obligé de déférer à des tribunaux étrangers les infractions aux actes qu'il appellerait des lois; et que ces tribunaux sur lesquels il n'aurait aucune supériorité, ne statueraient que quand et comme ils le jugeraient à propos ; et de là cet axiome si connu: Point de souverain sans cour souveraine;

» Attendu qu'il est si constant, particulière ment en France, que le dernier ressort de la justice est le signe caractéristique de la souveraineté, que, même dans ces temps à peine séparés de nous par un intervalle de quatre siècles où les hauts barons jouissaient, dans leurs terres, des droits régaliens les plus éminens, comme battre monnaie, imposer des taxes, faire la paix ou la guerre, on reconnaissait généralement que la souveraineté du royaume était attachée à la couronne, parceque là était le dernier ressort de la justice; que c'est sous le poids des jugemens en dernier ressort que l'on a vu s'affaisser l'énorme puissance des grands feudataires ; et, s'il en est, tels que les ducs de Bar, qui se soient maintenus plus long-temps dans l'exercice de ces grandes régales dont on vient de parler, cela prouve moins un droit reconnu, qu'un plus haut degré de faveur, ou des ménagemens conseillés par la politique ;

» Attendu que cette théorie subordonnait la difficulté qui s'était élevée entre le préfet

du département de la Meuse et le sieur Bourlon, à la question de savoir à qui du roi, ou du duc de Lorraine, appartenait le dernier ressort de la justice, et par conséquent la souveraineté du duché de Bar; que cette question, purement de fait, était résolue par un grand nombre de pièces du procès dont la série embrasse le laps de temps de plus de cinq siècles; que, dans la plupart de ces actes, dont le premier est sous la date de l'an 1301, il est dit formellement que les ducs de Bar tiennent leur duché sous l'hommage lige du roi, et que les jugemens des tribunaux du Barrois ressortissaient au bailliage de Sens pour les cas présidiaux, et pour tous les autres cas, au parlement de Paris; que le chancelier d'Aguesseau, dont l'autorité est si grave dans les questions de droit public, reprochant aux juges du bailliage de Bar d'avoir méconnu la souveraineté du roi, disait en parlant des mêmes actes, que, si ces officiers les avaient mieux consultés, ils auraient aisément reconnu, dans la réserve expresse de l'hommage lige et du ressort, ce double caractère de supériorité d'un côté et de dépendance de l'autre, qui constitue toute l'essence de la souveraineté ;

» Attendu que cette souveraineté du roi sur le duché de Bar, était si généralement reconnue, que la coutume de Bar, rédigée pour la première fois en l'année 1579, fut homologuée au parlement de Paris, et que cette cour, informée que les officiers du bailliage de Bar affectaient, dans leurs jugemens, de donner au roi la qualification de roi trèschrétien, rendit le célèbre arrêt du 27 mars 1699, qui fait défense au bailli de Bar et à tous juges d'ajouter dans leurs jugemens le surnom de très-chrétien, ni de souffrir que les avocats et procurcurs qui plaident devant eux, s'expriment de cette manière en parlant du roi; leur enjoint d'en parler dans les ter mes qui conviennent à des sujets qui parlent de leur souverain seigneur, à peine d'interdiction; et ordonne que le présent arrêt sera lu et publié à l'audience du bailliage, et afin que personne n'en ignore, affiché partout où besoin sera;

>> Attendu que de ces développemens, il résulte, en droit, que l'inaliénabilité ne peut être conférée que par une loi formelle, et que, par conséquent, pour rendre un do maine inalienable, il faut en avoir la souveraineté; et, en fait que les dues de Lorraine, simples vassaux du roi à raison de leur duche de Bar, tenaient ce duché, comme tous les autres feudataires du royaume, sous la mouvance, sous le ressort et sous la souveraineté

de la couronne de France; qu'ainsi, tout ce qu'ils possédaient dans la circonscription de cette seigneurie, n'était et ne pouvait être dans leurs mains que des propriétés privées et aliénables à perpétuité, comme toutes les autres propriétés patrimoniales; ce qui conduit à cette dernière conséquence, que la cour royale de Nancy, non-sculement n'a viole aucune loi, mais a fait une juste application des principes de notre droit public, en jugeant que le domaine de Sandrupt, quoique anciennement

possédé par les ducs de Lorraine, n'en appartenait pas moins au sieur Bourlon à titre patrimonial et perpétuel, et ce nonobstant l'arrêt de la cour des comptes de Bar qui n'avait rien préjugé sur une question de domanialité qu'on n'élevait pas devant elle ».

Peut-être me fais-je illusion; mais il me semble que, de tous ces motifs, il n'en est pas un seul qui ne soit réfuté complétement par les développemens qui précèdent et par ceux qu'on trouve à l'article Inaliénabilité.]]

FIN DU DEUXIÈME VOLUME.

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