Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

dirigé tout le travail, et la satisfaction d'avoir produit avec le concours de tant de talents l'un des plus beaux livres illustrés qui aient encore paru à notre époque si amoureuse de publications luxueuses et de splendides illustrations.

BIBLIOGRAPHIE.

TRADUCTIONS.

PHILOLOGIE.

1

Les éditions authentiques des grands écrivains. Corneille
et ses dernières œuvres.

M. Marty-Laveaux a presque achevé cette année, dans la collection des Grands écrivains de la France, cette belle édition des OEuvres de Corneille, dont je me suis plu à entretenir mes lecteurs dans un de mes précédents volumes'. L'éditeur est loin de ne nous donner de Corneille que des chefs-d'œuvre dans ces dix tomes compacts d'environ six cents pages. C'est une chose curieuse, instructive et triste à la fois que de voir au milieu de quel fatras de productions languissantes s'est éteint le plus puissant génie de

1. Voyez tome VI de l'Année littéraire, pages 316-325.

2. Hachette et Cie, 1862-1865, tomes I-X, in-8.- Voici le degré d'avancement de chacune des éditions de cette belle collection en 1865. Celle de Corneille, par M. Marty-Laveaux, comptait 10 volumes sur 12; celle de Malherbe, par M. Lud. Lalanne, 4 vol. sur 5; celle de Racine, par M. P. Mesnard, 1 vol. sur 7; celle de Mme de Sévigné, par M. Regnier, 10 1/2 sur 12.

On annonçait comme sous presse ou en préparation : Boileau, par M. Caboche; la Bruyère, par M. G. Servois; la Fontaine, par M. Julien Girard; la Rochefoucauld, par M. D. L. Gilbert; Molière, par M. E. Soulié; Regnard, par M. V. Fournel; Retz (Mémoires du cardinal de), par M. Sommer.

notre littérature dramatique. Les quelques ouvrages où il s'élève au-dessus de tous les autres, au-dessus de lui-même, tiennent en un seul volume, le troisième de l'édition de M. Marty-Laveaux. Le Cid, Horace, Cinna et Polycete se succèdent, sans intervalles, de l'année 1636 à 1640. A partir de là, Corneille atteindra plus d'une fois encore à toute la hanteur du sublime, mais par élans, sans s'y tenir, et pour retomber dans des imperfections de composition et de langage tout à fait indignes de lui. Reprenons la suite de ces efforts et de ces chutes avec l'édition nouvelle pour guide.

Pompée (1641) nous représente, en la voilant, une grande ombre, si ce n'est une grande figure; le Menteur (1642) crée la langue comique; Rodogune (1644) rachète la confusion et l'invraisemblance des premiers actes par la saisissante horreur du dénoûment'; Théodore (1645) essaye en vain d'être le pendant de Polyeucte; Heraclius (1647) étonne par ses complications d'intrigues illuminées de quelques éclairs; Andromède (1650) est une tragédie déguisée en ballet: Don Sanche (1650), comédie héroïque, montre une fois de plus l'influence acceptée de l'Espagne; Nicomède (1651), enfin, dernier effort d'un souffle puissant, est la mise en œuvre trop exclusive du ressort particulier du théâtre cornélien, l'admiration.

On ne peut guère que nommer les autres: Pertharite (1652), Edipe (1659), la Toison d'or (1660), Sertorius (1662), où vibrent de nouveau quelques accents romains; Sophonisbe (1663), Othon (1664)3, Agésilas (1666), en vers mêlés, malheureuse application d'une heureuse idée; Attila (1667), Tite et Bérénice (1670), Psyché (1671), tragédie-ballet ou tragi-comédie en collaboration avec Molière; Pulchérie

1. Tome IV 2. Tome V. 3. Tome VI.

(1672), Suréna (1674): toutes pièces que personne ne lit plus, et dont on dit du mal de confiance.

Le nom de Corneille faisait à l'éditeur un devoir de les recueillir, et l'estime où l'auteur tenait ces malheureux enfants de sa muse, nous impose celui de ne pas les condamner sans les connaître. N'oublions pas ces vers de l'Epître

au roi :

.... Les derniers n'ont rien qui dégénère,

Rien qui les fasse croire enfants d'un autre père :
Ce sont des malheureux étouffés au berceau,
Qu'un seul de tes regards tirerait du tombeau.
On voit Sertorius, OEdipe et Rodogune
Rétablis par ton choix dans toute leur fortune;
Et ce choix montrerait qu'Othon et Suréna
Ne sont pas des cadets indignes de Cinna.
Sophonisbe à son tour, Attila, Pulchérie,
Reprendraient, pour te plaire, une seconde vie;
Agésilas en foule aurait des spectateurs,

Et Bérénice enfin trouverait des acteurs.

Le peuple, je l'avoue, et la cour les dégradent....

Autour de ces œuvres de décadence, l'éditeur de Corneille a groupé, avec le même soin pieux, tous les documents propres à en éclairer l'histoire : les avis au lecteur, les variantes de textes, les pièces justificatives, les extraits des auteurs auxquels le sujet a été emprunté, les examens où Corneille expose naïvement ce qu'il a fait pour réussir auprès du public, et comment son attente a été trompée. On trouve dans ces examens des lignes navrantes comme celles-ci Le succès de cette tragédie (Pertharite) a été si malheureux que pour m'épargner le chagrin de m'en souvenir, je n'en dirai presque rien. » Ailleurs, il rappelle comment la protection de Fouquet et les bontés du roi le ramenèrent au travail, lorsque la mauvaise fortune de certaines pièces l'avait assez dégoûté du théâtre pour l'obliger à faire retraite et lui imposer silence. » L'étude atten

:

1. Tome VII.

[ocr errors]

tive des dernières œuvres de Corneille n'ajoutera rien à l'admiration pour son génie, mais elle nous fait mieux con. naître l'homme dans l'écrivain; elle le fait plaindre et aimer; par l'intelligence de toutes les causes de décadence auxquelles il finit par succomber, nous apprécions mieux ce qu'il déploya de grandeur, dans des temps plus heureux, pour lutter contre elles.

Trois énormes volumes des OEuvres de Corneille sont consacrés à des poésies pieuses et à des poésies diverses. Corneille n'a pas seulement traduit en vers, comme chacun sait, les quatres livres entiers de l'Imitation de Jésus-Christ, et cette traduction remplit un volume de près de sept cents pages; il a également astreint son génie à rendre presque toutes les hymnes et proses latines de l'Église passe encore pour les hymnes de Santeuil, qui ne manquaient ni de mouvement, ni d'éclat, mais il s'est fait l'interprète des élucubrations anonymes les moins poétiques pour les idées, les plus plates pour le langage. Les antiennes, les répons, les vêpres et les complies, les nones, les matines et les laudes de l'office de la sainte Vierge, et les sept psaumes pénitenciaux, et les instructions chrétiennes tirées de l'Imitation de Jésus-Christ, comme si l'Imitation ne suffisait pas! et les prières chrétiennes tirées du même livre, et tout le formulaire pieux de chaque jour de la semaine, et les propres de chaque saint et de chaque sainte, etc., il a tout mis en vers, le malheureux! il a fait jusqu'au bout sa pénitence.

Car c'en était une que son confesseur et que ses amis les jésuites lui imposaient. Écrire pour le théâtre, c'était sacrifier au diable; il fallait, comme compensation, écrire en l'honneur de Dieu; il fallait racheter l'œuvre de damnation par une œuvre de salut. Corneille a rimé deux ou trois fois autant de platitudes dévotes qu'il a écrit de scènes remarquables. Qui sait jusqu'à quel point le latin d'Église a déteint sur son français de théâtre, et si les défaillances de

« VorigeDoorgaan »