l'avons vu plus haut) elle est visée dans un arrêt de cette année; elle est de plus antérieure à 1259, car, à cette date, nous trouvons mentionné dans un autre arrêt le serment de calomnie1; enfin elle est antérieure à 1258, car un arrêt rendu cette année nous montre très clairement que la nouvelle procédure était alors pleinement organisée au Parlement : « Hominibus de Gisiaco (les défendeurs) contradicentibus istam inquestam, nec volentibus producere testes pro parte sua, vel videre jurare testes comitisse (la demanderesse), peroptime probata est intencio comitisse3...; » la nouvelle procédure avait en effet adopté la règle canonique que les témoins devaient prêter serment presente parte contra quam producuntur, vel se contumaciter absentantes, à peine de nullité de l'enquête. Si donc l'ordonnance sur la procédure au Châtelet est bien celle qui a introduit dans les cours royales des pays coutumiers la procédure canonique de l'enquête, il faut en chercher la date avant 12585, et dès lors la sup 1. Olim, t. I, p. 97, no 13. - Un arrêt un peu postérieur (1261 n. st., Olim, t. I, p. 129, no 7) nous montre le serment de calomnie suivi des réponses de vérité. Nous trouvons ces deux mêmes formalités dans un acte, il est vrai, bien antérieur, dans le procès-verbal d'une enquête faite par des commissaires du Parlement, pendant que le Roi était encore outre mer, en 1253 (Boutaric, Actes du Parlement, t. I, p. cccxxiv, no 36); mais cette enquête, ayant été faite en pays de droit écrit, ne peut nous servir pour déterminer la date que nous cherchons. Il en ressort toutefois un point intéressant, à savoir que saint Louis n'a pas eu à aller chercher bien loin la procédure d'enquête non seulement, en effet, c'était celle que suivaient à côté de lui les officialités, mais encore ce procès-verbal nous montre que, pour les causes des sujets des pays de droit écrit, elle était complètement organisée à la cour même du Roi, dès avant le retour de saint Louis de sa première croisade, et par suite bien certainement dès avant son départ. 2. Olim, I, p. 56, no 9. De 3. G. Durand, Speculum, lib. I, De teste, 87, in principio. 4. Beaumanoir, ch. x, 18 (t. II, p. 138). · Olim, III, p. 739, n° 23. modo conficiendi processus commissariorum (texte qui est en réalité de 1336), dans Dumoulin, Opera, éd. de 1681, t. II, p. 482. Cf. les ordonnances de juin 1510, art. 37; d'octobre 1535, ch. vii, art. 3; de 1667, tit. xxi, art. 5. 5. On peut encore faire à ce sujet la remarque suivante si on accepte les observations présentées au début de cette dissertation, il faut admettre que l'adoption de la nouvelle procédure est antérieure à l'ordonnance contre les gages de bataille; en effet, pour que saint Louis, dans une ordonnance où il déclare interdire les batailles en toutes quereles, ait pu néanmoins ne s'occuper que des causes criminelles, il faut évidemment qu'à l'époque où elle a été rendue, les gages fussent déjà supprimés dans les causes civiles; or Laurière a rapporté l'ordonnance contre les batailles à 1260, c'est-à-dire à l'année même où on la position la plus vraisemblable est qu'elle a été l'un des éléments de la grande réforme de la prévôté de Paris dont Joinville1 et les Grandes Chroniques nous ont laissé un récit célèbre, réforme dont Étienne Boileau fut l'instrument et que saint Louis semble avoir opérée l'année même de son retour de la croisade (1254)3. Mais une question se pose: faut-il croire qu'une modification aussi grave de la procédure, et dont les conséquences ont été si considérables, a eu pour point de départ une ordonnance dont l'objet était restreint au Châtelet de Paris, une ordonnance si humble dans sa forme que M. Viollet, en lui donnant ce nom d'ordonnance, s'est demandé si le nom plus modeste de règlement ne lui conviendrait pas mieux4? En un mot, l'ordonnance sur la procédure au Châtelet est-elle bien l'établissement le Roi dont parle Beaumanoir? - J'ai signalé plusieurs des nombreuses et étroites ressemblances qui existent entre le système de procédure prescrit par l'ordonnance et celui décrit par les Coutumes de Beauvaisis; il y a pourtant sur un point une différence importante, c'est que l'ordonnance prescrit la publication d'enquête et que Beaumanoir la repousse. Mais cette raison ne saurait nous arrêter, car la publication d'enquête fut d'abord reçue par le Parlement comme les autres parties de la nouvelle procédure, et ce fut trouve visée pour la première fois dans les Olim (t. I, p. 491, n. 7, et p. 494, n° 12), mais M. Beugnot a déjà fait observer (ibid., p. 1034, note 31) qu'elle devait être quelque peu antérieure à ces arrêts, et je crois qu'on devrait plutôt la placer en 1258; il semble en effet résulter d'une note, malheureusement très brève et peu précise, de l'Anonyme de Coutances qu'elle a été publiée dans l'échiquier de Normandie tenu à la Saint-Michel 1258 Item actum fuit ut duella cessarent coram Rege. (L. Delisle, Recueil de jugements de l'échiquier de Normandie, n° 803. Recueil des hist. de Fr., t. XXIII, p. 543.) 1. Ed. N. de Wailly, 1874, p. 388, ch. CXLI. 2. Éd. P. Paris, t. IV, p. 347. Recueil des hist. de Fr., t. XXI, p. 117h. 3. Cf., pour la date de l'entrée en charge d'Étienne Boileau comme prévôt de Paris, la mention rapportée par MM. de Lespinasse et Bonnardot dans leur édition du Livre des métiers, Introduction, p. ix, note 6. Cf. aussi le passage, cité par Du Cange (Observations sur l'Histoire de saint Louis, p. 107), du Livre des faiz monseigneur saint Loys (Bibl. nat., ms. fr. 2829, fol. 58), où seulement le retour du Roi est placé par erreur en 1258. On sait que dans Joinville le récit de la réforme de la prévôté de Paris est intercalé, d'une façon assez bizarre du reste, dans le chapitre consacré à l'ordonnance de déc. 1254 (voy. à ce sujet les observations de MM. Viollet et de Wailly dans la Bibl, de l'École des chartes, t. XXXV, 1874, p. 37 et 220). 4. Établissements, t. I, p. 483, note 1. 5. Établissements, t. I, p. 486. 6. Ch. xxxix, & 77 (t. II, p. 125). seulement en 1276 qu'un arrêt de règlement l'y supprima, tout en la laissant subsister dans les cours inférieures. Par conséquent, tout ce qu'on pourrait peut-être inférer du fait que Beaumanoir repousse la publication, c'est que la nouvelle procédure n'avait été introduite dans la cour du comte de Clermont qu'après 1276 et qu'elle y avait été adoptée telle qu'elle était alors suivie au Parlement. La seule difficulté qui reste donc contre l'identification de l'ordonnance sur la procédure au Châtelet et de celle qui a inauguré la nouvelle procédure, c'est que celle-ci fut de très bonne heure suivie au Parlement, comme le prouvent les arrêts cités plus haut. Mais je crois que la supposition la plus simple est que saint Louis a d'abord établi la nouvelle procédure à la cour de son prévôt de Paris et qu'il en a ensuite étendu l'application au Parlement et aux autres cours royales, sans avoir eu besoin pour cela de refaire une nouvelle ordonnance, identique quant au fond, mais d'une portée plus générale. En effet, il ne nous reste aucune trace d'un texte semblable et tout nous prouve au contraire que l'ordonnance sur la procédure au Châtelet a été considérée comme un document d'une grande importance. D'abord elle avait été copiée dans un des registres du Trésor des chartes, le registre, perdu depuis cinq siècles, de Jean de Caux, ainsi que le constate une mention de l'inventaire de Pierre d'Etampes 3. Ensuite, nous voyons que les compilateurs juridiques de la seconde moitié du XIIe siècle se trouvaient presque forcément amenés à l'insérer dans leurs compilations : c'est ainsi que nous la trouvons dans plusieurs des manuscrits qui contiennent le Livre 1. Olim, t. II, p. 74, no 9. Voy. les observations faites à ce sujet par M. Tanon, l'Ordre, etc., p. 48, note 3. - Au XIVe siècle, le Parlement abandonna de même le système des deux productions: en 1314, celui-ci y existait encore et même il fut alors l'objet d'un arrêt de règlement rendu en présence du Roi (Olim, t. II, p. 613, no 2), mais, en 1326, il était abandonné (voy. les raisons baillées à ce sujet par les échevins de Reims, dans Varin, Archives administratives de Reims, t. II, p. 425. Cf. G. du Brueil, Stilus Parlamenti, éd. de Dumoulin, ch. xxvii, 29). Les juridictions inférieures conservèrent les deux productions, comme elles avaient conservé la publication d'enquête. 2. Il est juste toutefois de faire observer, premièrement, que les actes législatifs des rois du XIIe siècle sont assez mal arrivés jusqu'à nous, et, en second lieu, qu'une même ordonnance pouvait recevoir plusieurs rédactions, suivant les juridictions différentes auxquelles elle était adressée : c'est ainsi que l'ordonnance de décembre 1254 reçut deux rédactions, l'une pour les bailliages du Nord, l'autre pour les sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne. 3. Voy. Viollet, Établissements, t. I, p. 6. à la Roine ou le Conseil de P. de Fontaines1; c'est ainsi qu'elle figure en tête du Livre de jostice et de plet2, et enfin et surtout en tête de la célèbre compilation connue sous le nom d'Établissements de saint Louis3. - J'ajouterai encore une observation à ce sujet un chroniqueur anonyme de la fin du XIIe siècle nous dit en parlant de saint Louis : « Et sachiés que tant com il vesqui, ne volt souffrir que batailles fussent faites de championz ne de chevaliers ou roiaume de France, pour murtre, ne pour traison, ne pour heritage, ne pour dette; ainz faisoit tout faire par enqueste de preudes hommes et de loiaus a son essient'. » D'après la thèse que j'ai essayé de soutenir dans les lignes qui précèdent, pour établir la vérité de cette affirmation, il faut joindre l'ordonnance sur la procédure au Châtelet et l'ordonnance contre les gages de bataille; or c'est justement ce qu'ont fait les compilateurs dont je parlais tout à l'heure, et pour lesquels ces deux actes ne vont pas l'un sans l'autre. Je ne crois donc pas qu'il y ait de raison pour refuser l'identification de l'ordonnance sur la procédure au Châtelet avec celle dont les Coutumes de Beauvaisis nous ont signalé l'existence. Par conséquent, en résumé, il me paraît possible de tirer des différentes observations qui précèdent les conclusions suivantes : l'établissement le Roi, qui, au témoignage de Beaumanoir, a introduit dans la procédure laïque des pays coutumiers l'enquête du droit canonique et exclu les gages de bataille des causes civiles, n'est sûrement pas l'ordonnance contre les gages de bataille, mais est très probablement l'ordonnance sur la procédure au Châtelet; il est certainement antérieur à 1258 et peut avec vraisemblance être placé en 1254. Paul GUILHIERMOZ. 1. Mss. a et à de M. Viollet (Établissements, t. I, p. 422-425); le ms. è le contenait aussi certainement, mais il est mutilé et ne commence qu'au ? 3 de l'ordonnance contre les gages de bataille, qui dans a et à suit l'ordonnance sur la procédure au Châtelet. 2. Éd. Rapetti, p. 345. Là encore, il est suivi de l'ordonnance dite de 1260. 3. Éd. Viollet, t. II, p. 2. Il en forme les ch. 1 et 1 du livre I, et l'ordonnance dite de 1260 en forme les ch. III-IX (voy. là-dessus Viollet, t. I, p. 5 et ss.). 4. Recueil des hist. de Fr., t. XXI, p. 848. 5. Sous le bénéfice toutefois des observations faites dans la note 2 de la page précédente. 6. Il n'y a pas, en réalité, dans les Coutumes de Beauvaisis, l'ombre d'une allusion à ce texte fameux. FORME DES ABRÉVIATIONS ET DES LIAISONS DANS LES LETTRES DES PAPES AU XIII SIÈCLE. Il est maintenant reconnu que les lettres expédiées au xm° siècle par la chancellerie pontificale se divisent en deux grandes catégories d'une part, les lettres scellées sur soie; d'autre part, les lettres scellées sur chanvre. Les premières constituaient des titres absolus et perpétuels; les autres étaient de simples mandements, dont la valeur était essentiellement temporaire. Suivant qu'une pièce appartenait à l'une ou à l'autre catégorie, des précautions particulières étaient prises pour qu'on pût en distinguer le caractère à la simple vue de l'écriture, sans avoir besoin d'examiner les attaches du sceau. Ainsi, comme nous en avertit un article de formulaire que j'ai publié en 1857, dans les lettres scellées sur soie les traits abréviatifs sont en forme de 8 ouvert par le bas, et les groupes st et ct sont figurés par deux lettres écartées l'une de l'autre et réunies par une grande ligature s'élevant au-dessus des lignes, tandis que, dans les lettres scellées sur chanvre, les abréviations sont indiquées par de simples traits et les groupes st et ct sont figurés sans ligature supérieure. On a constaté sur un grand nombre de lettres pontificales du XIII° siècle que la règle relative aux traits abréviatifs et à l'écriture des groupes st et ct était fidèlement observée à la chancel 1. Mémoire sur les actes d'Innocent III, dans la Bibl. de l'École des chartes, 4a série, t. IV, p. 23 et 25. |