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ABRÉVIATIONS ET LIAISONS DANS LES LETTRES DES PAPES.

en chanvre. Cette note a été écrite par un officier de la chancellerie chargé de surveiller l'expédition des actes. On la biffa après que les fautes signalées eurent été plus ou moins adroitement réparées.

Des observations qui précèdent nous pouvons tirer une double conclusion: au XIIIe siècle, les règles posées dans les anciens formulaires sur la forme des abréviations étaient strictement suivies à la chancellerie romaine. Il peut y avoir des grattages et des surcharges dans des lettres pontificales dont l'authenticité est audessus de tout soupçon.

L. DELISLE.

BIBLIOGRAPHIE.

Bibliotheca mythica. I. La Rage et saint Hubert, par Henri GAIDOZ. Paris, Alphonse Picard, 1887. In-8°, 224 pages.

Le livre que vient de publier M. H. Gaidoz est d'une actualité trop incontestable pour que nous ne nous empressions pas de le faire connaitre à nos lecteurs. C'est une histoire de la rage, depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, au point de vue des moyens curatifs employés à différentes époques, empruntés au surnaturel, aux tâtonnements populaires, en un mot à tout ce qui pouvait être essayé pour suppléer à l'impuissance de la science médicale. Du moment où l'homme ne peut pas combattre la mort physique par un traitement naturel, à sa portée, il cherche des remèdes surnaturels : les anciens avaient recours à Artémis; les chrétiens placèrent leur confiance dans saint Hubert, dans saint Pierre, saint Denis, saint Benoît, saint Mammès, saint Gildas, saint Tujean et bien d'autres; mais c'est de saint Hubert que l'intercession était la plus populaire.

M. Gaidoz a recueilli une riche moisson de notes, et on doit lui savoir gré de les avoir coordonnées et mises à la disposition de ses lecteurs; de plus, il a été de sa personne à l'abbaye de Saint-Hubert, il a assisté aux pèlerinages, il a fait une véritable enquête; néanmoins, au point de vue de la critique historique, son livre a une lacune dont je parlerai plus loin.

D'après les renseignements recueillis dans le livre que nous examinons, la plus ancienne légende (1x siècle) nous représente saint Hubert comme disciple et successeur de saint Lambert à Liège, sans faire allusion à son origine, non plus qu'à son titre de patron des chasseurs. Au XIIe siècle, la légende se développe; saint Hubert est présenté comme issu des ducs d'Aquitaine, paraît à la cour de Thierry Ier et de Pépin de Herstal, se convertit à la suite de l'apparition d'un cerf; puis viennent un voyage à Rome, l'étole envoyée par la sainte Vierge, la clef d'or donnée par saint Pierre. A ce moment, nous voyons se multiplier les faits miraculeux analogues à ceux que, vers cette époque, nous remarquons dans des légendes de saints qu'ornait la pieuse érudition des panegyristes. M. Gaidoz pense que saint Hubert, évêque et mis

sionnaire dans l'Ardenne d'après sa vie la plus ancienne, succéda dans les croyances populaires au dieu indigène de cette région silvestre, peut-être Wodan, devint ainsi le patron des chasseurs et, tout naturellement, eut le privilège de guérir la rage de leurs chiens. Il place à la fin du xve siècle l'apparition du miracle du cerf crucifère qu'il retrouve aussi, auparavant, dans la légende de saint Jean de Matha (xire s.), dans le traité de Jean de Damas (vine s.), à propos de saint Eustache. Un fait curieux, c'est que l'intervention bienfaisante de saint Hubert se manifeste par l'étole qui lui aurait appartenu. Ses reliques ont disparu depuis la fin du xvre siècle, sans que l'on sache si elles ont été brûlées en 1568 lors de l'incendie de l'abbaye par les protestants, ou si, à ce moment, elles ont été si bien cachées que l'on n'a pu encore les retrouver; les ossements conservés sous son nom à Maison-Roland (Somme) et à Limé (Aisne) ne sont pas d'une authenticité suffisamment reconnue jusqu'ici. — Il y aurait un grand intérêt à déterminer la date archéologique de l'étole actuelle, dont on parle dès le xre siècle, et je suis étonné que ce fait n'ait pas encore été précisé1.

Je disais plus haut qu'il y avait une lacune dans l'étude de mon savant confrère et ami; j'y arrive. Pourquoi, puisqu'il se rendait sur les lieux, n'a-t-il pas cherché à nous donner des détails inédits sur l'abbaye de Saint-Hubert? Les archives du monastère existent encore à Arlon, je crois, et il y aurait certainement recueilli des faits intéressants, peutêtre utiles aux recherches entreprises par lui. Il y avait, par exemple, à rappeler ce qui touche aux libéralités des rois de France en faveur de l'abbaye, aux dons de chiens et faucons que celle-ci leur envoyait, aux services diplomatiques que l'abbaye leur rendait et qui étaient peutêtre favorisés, jusqu'à un certain point, par l'affluence d'étrangers résultant des pèlerinages.

En terminant, je ne puis que constater l'utilité du livre de M. Gaidoz, la richesse d'informations mises par lui à la portée de ceux qui s'intéressent à l'histoire de la médecine et des croyances populaires; celles-ci sont respectables, à un certain point de vue, lorsque l'on pense qu'en exerçant une influence salutaire sur l'imagination terrifiée par une maladie horrible, elles ont pu sauver la vie et la raison à de nombreux infortunés, avant que l'on connût la grande découverte acquise récemment à la science.

Anatole DE BARTHÉLEMY.

1. M. Gaidoz établit d'une manière très probable que, dans le principe, les malheureux atteints de la rage étaient assimilés aux possédés; or, l'étole joue un rôle principal dans l'exorcisme, et, dans la plus ancienne Vie de saint Hubert, l'un des trois miracles qui lui sont attribués est l'expulsion du démon du corps d'une possédée. On voit de suite l'origine de l'intercession de l'apôtre des Ardennes dans les cas de rage.

La Formule N. rex Francorum v. inl., par M. PIRENNE. In-8°, 13 p. (Extrait du Compte rendu de la commission royale d'histoire de Belgique, 4o série, t. XIII.)

Der Titel der Merovingerkönige. Von H. BRESSLAU. In-8°, p. 353-360. (Extrait du Neues Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtskunde, t. XII.)

C'est pour moi un devoir, envers les lecteurs de la Bibliothèque de l'École des chartes, de rendre compte de ces deux articles. Ils ont l'un et l'autre pour objet de combattre la thèse que j'ai soutenue ici en 1885 sur le titre des rois de la première race'. Je me suis efforcé alors de prouver qu'il faut lire, au début des diplômes mérovingiens, après le nom du roi, non pas rex Francorum vir inluster, mais : rex Francorum viris inlustribus; que chaque diplôme est une lettre du roi à ses agents, les fonctionnaires pourvus du titre d'hommes illustres », et que les mots viris inlustribus sont l'adresse de cette lettre. MM. Pirenne et Bresslau, sans attaquer dans le principe les arguments sur lesquels s'appuie cette théorie, soulèvent contre les conclusions une série d'objections de détail. Quel que soit l'art avec lequel ils les présentent, ils ne m'ont pas convaincu. Il est inutile de revenir sur les raisons que j'ai exposées il y a deux ans ; je n'ai rien à y changer. Je me bornerai à indiquer les difficultés proposées par les deux critiques et à formuler chaque fois ma réponse en peu de mots. J'avais cité, comme contenant expressément l'adresse dans la forme viris inlustribus, trois diplômes (Letronne, nos 4, 9 et 10) où on lit vir. inl., avec un signe d'abréviation au premier mot aussi bien qu'au second; ce signe d'abréviation indique que le premier mot n'est pas terminé, il faut donc lire viris et non vir. M. Pirenne conteste le fait : J'ai cherché vainement dans Letronne, je l'avoue, dit-il, ces signes abréviatifs. Bien plus, aux signatures du no 14, je rencontre vir inlu◄ster abrégé de la même manière que dans le protocole des trois diplômes en question et dans un cas où certainement il faut lire le singulier : e Signum + vir inluster Ermenrigo. » Alarmé d'une dénégation aussi formelle, j'ai recouru de nouveau au recueil de Letronne. Tout ce que je puis accorder au savant belge, après ce nouvel examen, c'est qu'au n° 10 l'existence du signe abréviatif est discutable. Mais, au no 4 et au no 9, les lettres vir sont suivies d'une boucle nettement formée, dans laquelle on ne peut pas voir autre chose qu'un signe d'abréviation. Au contraire, dans les signatures du n° 14, l'r de vir est liée directement à l'i du mot suivant. On observera la même différence en comparant dans la pièce no 4 les mots vir. inl. (lisez : viris inlustribus), à la première ligne, et vir inl. (lisez : vir inluster), à la seconde.

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1. Questions mérovingiennes, I (Bibl. de l'École des chartes, XLVI, p. 138).

Ces deux lignes sont d'une même main : si celui qui les a écrites avait voulu, comme M. Pirenne, qu'on lût deux fois les mêmes mots, vir inluster, il aurait apparemment pris soin de les tracer de la même façon. Les deux auteurs insistent sur cette remarque, que, dans la plupart des diplômes qui contiennent explicitement viris inlustribus, ces mots sont suivis de noms propres ou d'autres substantifs au datif pluriel. Ils constatent pourtant qu'il n'en est pas ainsi dans le n° 39 de Letronne, où on lit clairement: Chilperichus rex Francorum v. inlustribus, et rien de plus. Mais, disent-ils, c'est un cas isolé : « il fait exception à une << règle constante et par là même me paraît perdre beaucoup de sa force « probante » (Pirenne); « inlustribus ne peut s'expliquer ici que par une «< erreur du scribe, qui aura mal interprété une abréviation de son « modèle » (Bresslau). Ceci est une hypothèse et non un fait. On doit chercher à accommoder les systèmes aux textes, plutôt que les textes aux systèmes. Quand même le no 39 serait en effet seul, il ne serait pas sans autorité. Sur trente-deux protocoles originaux en tout, on ne peut prétendre trouver un grand nombre d'exemples de chaque variété. Mais le nombre des exemples qu'on peut citer ici est au moins de trois, car au no 39 on peut ajouter sans crainte le n° 4 et le no 9, où il faut lire, quoi qu'en dise M. Pirenne, viris inlustribus, et où ces mots ne paraissent suivis d'aucun autre datif pluriel.

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« L'abréviation de viris inlustribus, dit M. Pirenne, n'est pas v. inl., « mais v. inlbus.» M. Bresslau allègue, de son côté, trois passages où, dans le texte des actes, le datif pluriel d'inluster est écrit en abrégé inlbus ou inlis et accompagné du mot viris en toutes lettres. Cela prouve en effet l'emploi de l'abréviation inlbus, mais il n'en résulte pas nécessairement qu'une autre abréviation n'ait pas pu être employée pour le même mot. Les scribes de la période mérovingienne ne paraissent pas avoir eu des principes aussi absolus. On voit, par le v. inlustribus du no 39 de Letronne, qu'un simple v. pouvait représenter aussi bien, dans leur pensée, le datif pluriel viris que le nominatif singulier vir. De même, il résulte du vir. (avec une boucle, donc : viris) inl. des nos 4 et 9 que les lettres inl. pouvaient représenter aussi bien le datif pluriel inlustribus que le nominatif singulier inluster.

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Vir inluster ou inluster vir, dit M. Bresslau, n'est pas un titre de <«< fonction, mais seulement une qualification honorifique, qui peut « accompagner le titre ou le nom, mais qui ne peut être employée « seule. >> Est-ce bien certain? Dans un titre du code théodosien, les mots illustres agentes, sans autre désignation, servent à indiquer certaines catégories de fonctionnaires: De comitibus qui illustribus < agentibus assiderunt'. » Le code théodosien n'est pas loin des temps

1. Code théodosien, XVI, xv. Un peu plus loin, danş la loi unique de ce titre, Haenel n'a pas hésité à rétablir, pour suppléer à une lacune du manuscrit,

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