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mérovingienne, y abondent. Il suffit d'en indiquer quelques-uns. Tout diplôme mérovingien est expédié dans la forme d'une lettre aux fonctionnaires royaux, viris inlustribus. Le roi s'adresse à ces fonctionnaires et leur parle à la seconde personne. Il leur notifie sa volonté par des formules telles que celles-ci : << Cognuscat magnetudo seu utilitas vestra », « Vestra cognuscat industria», etc.1. En tête de la donation de Childebert Ier, on lit bien la suscription: « Childebertus rex Francorum, vir inluster », ce qui, dans un diplôme merovingien, peut être accepté, à la condition d'y voir une faute de copie pour : « Childebertus rex Francorum, viris inlustribus », et par conséquent une adresse aux fonctionnaires royaux. Néanmoins, quelques lignes plus loin, la notification de la pensée royale est tournée à la troisième personne, et elle n'est pas adressée aux fonctionnaires seuls, mais à tous les sujets du roi : « Noverint igitur omnes fideles nostri praesentes atque futuri », etc. C'est là un usage propre à la diplomatique de Charlemagne et de ses successeurs. La faute se renouvelle vers la fin de la pièce : « Omnium fidelium nostrorum comperiat magnitudo »; au temps de la première race, on ne prodigue pas ce titre de magnitudo à la foule des sujets, on le réserve pour les personnages du rang des viri inlustres. Enfin, par une nouvelle incohérence, le discours reprend ensuite à la seconde personne et s'adresse de nouveau aux fonctionnaires seuls : « Jubemus ut neque vos neque successores vestri nec aliquis de fidelibus nostris in causas aut in rebus ipsius sancti viri ingredere non praesumatis. »

Childebert exprime sa donation par le mot dedimus : « Dedimus ergo ei de fisco nostro », etc. Sous les Mérovingiens, le terme consacré pour les donations royales n'est pas dare, mais concedere; et un usage constant veut qu'on enveloppe ce terme dans une circonlocution particulièrement à la mode à cette époque « Visi fuimus concessisse 3. »

Les diplômes mérovingiens se terminent régulièrement par l'annonce de la souscription royale, pour laquelle il y a une formule à peu près invariable: «Manus nostrae subscriptionibus subter eam decrevimus roborare » ou « adfirmare. » Les Caro

1. Questions merovingiennes, I (Bibliothèque de l'École des chartes, XLVI, 138). 2. Sickel, Acta regum et imperatorum Karolinorum, I, 172, 173. 3. Krusch, dans les Forschungen zur deutschen Geschichte, XXVI, 173.

lingiens, les premiers, ont ajouté à cette mention celle du sceau du roi. Ici, contrairement à l'usage de la première race et conformément à l'usage de la seconde, on lit : « Manu propria confirmavimus et de anulo nostro subter sigillare jussimus. » On pourrait à la rigueur supposer que le membre de phrase relatif au sceau du prince a été ajouté par le copiste; mais ceci n'expliquerait pas, dans la première partie de la même phrase, l'emploi insolite des mots manu propria au lieu de manus nostrae subscriptionibus et de confirmavimus au lieu de decrevimus roborare. Dans les actes mérovingiens, la date de temps et la date de lieu sont exprimées au moyen d'une seule et même phrase, qui commence par le mot datum : « Datum sub die segundo kalendas julias annum VII rigni nostri Lusareca in Dei nomen feliciter1. » Sous la seconde race, ces deux dates sont séparées : celle du temps est annoncée, dans un premier membre de phrase, par le mot data; celle du lieu est exprimée ensuite, dans une phrase qui commence par le mot actum : « Data nono kal. octobris anno XVII regni nostri. Actum in ipso monasterio sancti Dionisii3. Dans la prétendue donation à saint Calais, les deux dates sont séparées, comme dans les diplômes carolingiens, et annoncées par les mêmes mots que dans ces diplômes; seulement elles sont interverties : « Actum Madoallo fisco dominico. Data XIII calendas februarii anno IIII regni nostri1. » On lit ensuite : « In Domino feliciter. Amen. » Cet amen est encore un trait qui n'appartient qu'à la diplomatique de la seconde race 5.

1. Tardif, 18, n° 22; K. Pertz, 45, n° 49; the Palaeographical Society, planche 119.

2. Sickel, Acta, I, 219.

3. Bouquet, V, 709; Tardif, 50, n° 60; Mühlbacher, no 106.

4. On a soulevé, à propos de cette date, une autre difficulté. On a dit qu'en l'an 4 de son règne (515), Childebert Ier ne régnait pas encore sur le Maine; que cette province appartenait à son frère Clodomir et n'avait pu revenir à Childebert qu'après la mort de ce frère (524). Selon Mabillon, il faut lire, au lien de anno IIII, anno XIIII, soit 525 (Annales O. S. B., I, 78). Selon Martène, il faut compter les quatre ans à partir de l'avènement de Childebert dans les États de Clodomir, ce qui donne 528 (Amplissima Collectio, I, 4, note): on sait aujourd'hui que ce système n'est pas admissible pour l'époque mérovingienne (Questions merovingiennes, III, 4; Bibliothèque de l'École des chartes, XLVI, 433). M. Longnon a montré que la difficulté est chimérique, car rien ne prouve que le Maine fût compris dans la part de Clodomir (Géogr. de la Gaule au VIe s., 96). Le diplôme étant reconnu faux, la question devient sans objet. 5. Sickel, Acta, 1, 238, § 78.

La forme de l'acte est carolingienne. Le fond l'est également; c'est la légende de saint Calais, telle qu'elle est racontée dans la Vie publiée par Mabillon et par les Bollandistes. On y retrouve la mention des pérégrinations de Calais, errant depuis l'Auvergne jusque dans le Maine à la recherche d'un lieu de retraite « Monachus quidam peregrinus Carilephus nomine, de Aquitaniae partibus, de pago scilicet Alvernio, veniens, nobis postulavit ut ei locum, ubi habitare... potuisset, donaremus. » On y retrouve le domaine royal énigmatique de Madualis, ici Maddoallum, et le lieu plus ou moins fabuleux de Casa Gaiani, ici Casa Caiani. On y retrouve jusqu'aux miracles qui ont convaincu Childebert de la sainteté du héros, et dont le roi lui rend, dans l'acte même, un témoignage officiel : « Cujus petitionem, quia bonam esse cognovimus, et ipsum Domini servum miraculis declarantibus veraciter perspeximus, libenti animo adimplere studuimus. » Pareil trait ne se rencontre jamais, cela va sans dire, dans un diplôme authentique.

Il est question d'un lieu des environs de Saint-Calais, où réside le juge, judex, du domaine royal de Maddoal : « Ad eum locum ubi Maurus ipsius Maddoallo judex manere videtur. » Le mot judex, sous les Mérovingiens, est synonyme de comte1, et il ne pouvait y avoir en ce temps-là dans le pays d'autre juge que le comte du Maine, qui résidait au Mans.

Enfin, dans la dernière clause de la pièce, le monastère reçoit du roi Childebert Ier, dès l'année 515, le privilège d'immunité : << Sed liceat eis per hanc auctoritatem a nobis firmatam sub immunitatis nostrae tuitione vel mundeburde quietos residere. » On verra, par plusieurs des pièces suivantes (n° 5, 6, 7), que ce privilège lui fut concédé pour la première fois par Gontran, entre les années 585 et 593.

Ce diplôme est faux de tout point; il n'est pas pour cela sans valeur. S'il doit être rayé de la liste des sources de l'histoire mérovingienne, il reste utile à consulter pour la connaissance de l'époque à laquelle il a été réellement composé, et cette époque est facile à déterminer. Il est antérieur à 863, puisqu'il se trouve dans le cartulaire envoyé au pape Nicolas Ier. D'autre part, celui qui l'a fait avait lu la Vie de saint Calais, et cette Vie ne

1. J. Tardif, Études sur les institutions politiques et administratives de la France (1881, in-8°), 112.

paraît pas avoir été écrite avant le IXe siècle. On peut encore, sinon avec certitude, du moins avec beaucoup de vraisemblance, préciser davantage : le diplôme a dû être fabriqué, selon la conjecture de Stumpf, pour fournir au monastère une arme contre les prétentions de l'évêque du Mans; or, ces prétentions ne se sont manifestées qu'après la mort de Louis le Pieux. Le plus probable est que les religieux l'ont composé à l'époque où ils se sont occupés d'explorer leurs archives et de recueillir leurs titres, c'est-à-dire vers les années 850 à 855. Dans tous les cas, c'est une œuvre du milieu du Ixe siècle.

Ce qui en fait l'intérêt, ce sont les indications très détaillées qu'il contient sur les limites des terrains compris dans la prétendue donation de Childebert : il est clair que ces limites sont celles du territoire que possédait ou prétendait posséder l'abbaye, au temps de Charles le Chauve. Malheureusement, le texte se réfère souvent à des bornes de pierre ou à des arbres, qui ont disparu et dont il est impossible de retrouver l'emplacement; il y a aussi un assez grand nombre de noms de lieu qu'on ne réussit pas à identifier sûrement1. Autant qu'on peut en juger, le domaine de l'abbaye englobait au moins les territoires de cinq communes actuelles: Saint-Calais, Conflans, Marolles, Montaillé, Rahay. Au nord, à l'est et au sud-est, les limites du domaine étaient à peu près les mêmes que celles du canton de Saint-Calais, et, en partie, celles du département de la Sarthe.

Les trois diplômes suivants (appendice, nos 2, 3, 4), qui portent les noms de Childebert Ier2, de Chilpéric Ier 3 et de Thierry (III?), sont rédigés sur un même modèle et ont un même objet, celui de placer le monastère de Saint-Calais sous la protection du roi.

On a déjà signalé dans le premier (n° 2) une double irrégularité de forme, qui ne permet pas de le croire rédigé avant l'époque carolingienne. Le roi, comme dans la fausse donation précédemment étudiée, annonce son sceau en même temps que sa signature, et la date est divisée en deux parties, actum et data:

1. Une plaquette spéciale a été consacrée à l'étude de ces questions: Mémoire sur les recherches des limites indiquées dans la charte de Childebert Io, etc., par MM. Diard et Heurtebise (Saint-Calais, 1843, in-8°).

2. Ampl. Coll., I, 5; Bouquet, IV, 621; Pardessus, I, 109; K. Pertz, 6, no 4. 3. Ampl. Coll., I, 6; Bouquet, IV, 623; Pardessus, I, 124; K. Pertz, 12, no 9. 4. Ampl. Coll., I, 7; Bouquet, IV, 654; Pardessus, II, 161; K. Pertz, 45, no 50.

<< Manu propria confirmavimus et de sigillo nostro subter sigillare decrevimus. Actum Compendio palatio, anno XII regni nostri. Data quarto calendas maii. » Mais on peut s'étonner que les savants qui ont relevé cette erreur de rédaction1 aient laissé passer inaperçus, dans les trois actes également, d'autres indices évidents d'une rédaction postérieure aux siècles mérovingiens.

Nous ne possédons pas, il est vrai, d'autre spécimen des diplômes par lesquels les rois de la première race accordaient leur protection à des monastères; mais le livre de Marculfe nous en a conservé la formule. On y voit que la faveur accordée en pareil cas à l'établissement religieux impliquait, en même temps qu'une promesse vague et générale de protection, certains soins positifs, dont le prince n'aurait pu se charger lui-même; il fallait, par exemple, prendre en main les procès du monastère et les suivre devant les divers tribunaux, soit dans les comtés, soit à la cour du roi, « tam in pago quam in palatio ». Ce rôle actif était le partage du maire du palais, et la formule le distingue nettement de celui du souverain; on dit que le monastère est placé sous le sermo ou la tuitio du roi, sous le mundeburdis ou la defensio du maire du palais : « Sub sermonem tuicionis nostre visi fuimus recipisse, ut sub mundeburde vel defensione inlustris vero illius majores domi nostri ... dibeat resedere... Sub nostro sermone et mundeburde antedicti viri quietus resedeat?. Sous les Carolingiens, au contraire, cette distinction s'efface. Le maire du palais, pour avoir changé ce nom contre celui de roi, n'en reste pas moins de fait à peu près ce qu'il était avant son avènement le double titre qu'il se donne, rex Francorum, vir inluster, accuse ce cumul de deux qualités inégales et disparates. On retranche alors du recueil l'ancienne formule et on en substitue une nouvelle, dans laquelle le roi carolingien, sans craindre de déroger, déclare prendre lui-même ses protégés sous son mundeburdis et sa defensio: « Sub nostro recepimus mundeburde vel defensione3. » Or, de ces deux

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1. Sickel, dans les Sitzungsberichte, XLVII, 188; Stumpf, dans la Historische Zeitschrift, XXIX, 368.

2. Marculfe, I, 24 Zeumer, Formulae (dans les Monumenta Germaniae, in-4°), 58; E. de Rozière, Recueil général des formules, no 9.

3. Additamenta e codicibus Marculfi, 2 : Zeumer, 111; Rozière, no 10. Sur l'âge de cette formule et de la précédente, voy. Sickel, dans les Sitzungsberichte, XLVII, 182.

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