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SUGER

AUTEUR D'UNE PARTE DE LA CHRONIQUE

DIYE

HISTORIA LUDOVICI VII

Moins heureux que son père Louis VI et que son fils PhilippeAuguste, Louis VII n'a trouvé de son temps ni biographe, ni historien. Sous ce règne, semble-t-il, l'activité littéraire de l'abbaye de Saint-Denis se ralentit, et pour les quarante-cinq ans qu'il embrasse nous ne possédons que deux chroniques de faible étendue. La première, désignée généralement sous le nom d'Historia regis Ludovici VII, embrasse les événements compris entre 1137 et 1165; l'autre, à la fois moins longue et plus détaillée, intitulée Gesta regis Ludovici, s'arrête à l'an 1152. Cette seconde source est visiblement sans valeur; on est mal fixé sur le moment où elle a été composée; la seule copie ancienne qui en subsiste (Bibl. nat., ms. lat. 5925) est du commencement du XIV" siècle, et on a pu sans invraisemblance y voir une version latine des chapitres des Grandes chroniques de Saint-Denis, consacrés au règne de Louis VII. Cette opinion, emise autrefois par Paulin Paris, a été reprise et soutenue de nos jours. Au surplus, les Gesta se réduisent à un court résumé des premiers événements du règne de Louis VII, résumé emprunté à l'Historia et auquel on a soudé plus tard un long récit de la deuxième croisade, peu original et plein d'erreurs.

L'Historia, au contraire, malgré sa brièveté, est une source évidemment contemporaine; l'examen attentif de cette chronique prouve qu'elle se compose de morceaux de provenance très différente, réunis vers 1175 et disposés sous forme d'annales. N'y a-t-il pas moyen de déterminer l'auteur d'une partie de ces notes?

Divers témoignages contemporains, dont le plus péremptoire est celui d'Odon de Deuil, dans la préface de son histoire de la croisade de Louis VII, nous apprennent que l'illustre Suger, la rédaction de la vie de Louis VI achevée, s'occupait, vers 1148 ou 1149, de réunir les éléments d'une vie de Louis VII, que la mort l'empêcha vraisemblablement de terminer. En 1873, M. Lair a retrouvé dans un curieux manuscrit de la Bibliothèque nationale (lat. 12710), recueil d'extraits formé au début du XIIe siècle, un fragment de cet ouvrage inachevé; le style, la forme du morceau, tout se réunit pour le donner sans conteste à l'abbé de Saint-Denis. Un nouvel examen de ce même manuscrit nous a fourni un autre fragment de cette œuvre historique. Le morceau publié par M. Lair dans la Bibliothèque de l'École des chartes est précédé dans le manuscrit d'un exposé de la situation respective de l'Empire, de l'Angleterre et de la France, au moment où Louis VII succédait à son père. Ce fragment est le début même de l'Historia et occupe dans les Historiens de France les pages 124 et 125 du tome XII. Il a été négligé par M. Lair comme publié depuis longtemps, mais le texte fourni par le ms. 12710 renferme quatre mots très importants, qui manquent dans les éditions2 et qui méritent d'être signalés à l'attention de nos lecteurs.

Le compilateur anonyme de l'Historia commence par tracer un tableau imagé, composé et écrit avec grand soin, de la situation intérieure de l'Allemagne en 1137. Revenant sur les événements antérieurs, il parle de la fin de la maison de Franconie dans la personne de Henri V, en 1125, de la diète de Mayence, où fut élu le successeur de ce prince, Lothaire, duc de Saxe, et des luttes entre ce dernier et Frédéric de Souabe. Dans l'imprimé, le récit de la diète de Mayence ne présente rien de particulier, mais le manuscrit 12710 ajoute les quatre mots suivants : Cui et nos interfuimus. L'auteur de ce fragment est donc un Français qui résidait à Mayence en 1125. Or, nous savons que Suger se rendit cette année dans cette ville, pendant la diète, pour y régler une contestation entre l'abbaye de Saint-Denis et le comte de Mosbach. Une charte originale de ce seigneur en faveur de l'ab

1. Et publié dans la Bibliothèque de l'École des chartes, année 1873, pp. 89-96. 2. Ils sont omis aussi dans la seule copie manuscrite connue de l'Historia (Bibl. nat., ms. lat. 6265).

baye existe aux Archives nationales (Tardif, Monuments historiques, no 397), elle est datée de Mayence, 1125, et Suger fait plusieurs fois dans ses actes allusion à ce voyage (Euvres, édition Lecoy de la Marche, 323, 339).

Ce fragment de l'Historia faisant dans le manuscrit 12710 corps avec le morceau publié par M. Lair en 1873, on peut en conclure que la majeure partie de cette chronique est l'œuvre de Suger. Dans l'état actuel de nos connaissances, on ne saurait marquer le point exact où finit l'œuvre personnelle du biographe de Louis VI et où commence celle de son continuateur. Toutefois, nous estimons qu'on peut sans crainte attribuer à l'abbé de SaintDenis le récit de tous les événements antérieurs à 1152, date de sa mort. La croisade de Louis VII est, il est vrai, à peine mentionnée dans l'Historia, mais Odon de Deuil nous apprend qu'il avait rédigé son ouvrage pour entrer dans la chronique projetée par Suger; le temps aura manqué à celui-ci pour mettre ces matériaux en œuvre. Conclusion : l'Historia n'a été, il est vrai, définitivement rédigée que vers l'an 1175; la première partie n'en est pas moins une œuvre contemporaine, digne de toute confiance'. Auguste MOLINIER.

1. On pourrait s'étonner que le fragment publié par M. Lair ait été négligé par le compilateur de l'Historia. Nous estimons, comme notre confrère, que la sévérité avec laquelle Suger, dans ce fragment, juge la conduite de la reine mère, Adélaïde de Savoie, a pu déterminer le compilateur anonyme à le supprimer.

BIBLIOGRAPHIE.

Biblioteca dell' Accademia storico-giuridica. Vol. IV. Sancti Hilarii tractatus de mysteriis et hymni, et sanctæ Silviæ Aquitanæ peregrinatio ad loca sancta, quæ inedita ex codice Arretino deprompsit Joh. Franciscus GAMURRINI. Accedit Petri diaconi liber de locis sanctis. Romæ, ex typographia Pacis Philippi Cuggiani, 1887. Gr. in-8°, xxxix-154 pages, 4 planches.

Une substantielle notice de notre confrère M. Kohler a fait connaître, en 1884, aux lecteurs de la Bibliothèque de l'École des chartes', une importante découverte faite à Arezzo par M. le chevalier Gamurrini. Il s'agissait d'un manuscrit du xre siècle, fort mutilé, mais infiniment précieux puisqu'il nous a conservé des morceaux inédits de saint Hilaire et la relation, également inédite, d'un pèlerinage accompli à une époque très ancienne par une femme d'une haute piété.

C'est le contenu de ce manuscrit que le chevalier Gamurrini met aujourd'hui en lumière, dans un volume publié par l'Académie historico-juridique de Rome et dédié au commandeur J.-B. de Rossi, que l'éditeur a si justement qualifié de Archeologiæ christianæ lumen. M. Gamurrini a résolu avec un véritable bonheur les difficiles questions que soulevait le manuscrit dont il avait à s'occuper.

Avant tout, il fallait déterminer l'origine du manuscrit, actuellement possédé par la confrérie laïque de Notre-Dame d'Arezzo. M. Gamurrini établit que le volume a dû être copié dans le cours du xre siècle, au monastère du Mont-Cassin, où la présence en est signalée par un catalogue envoyé en 1532 au pape Clément VII. Il passa, probablement à la fin du xvre siècle, dans l'abbaye de Sainte-Flore-et-Sainte-Lucille d'Arezzo, où il fut entrevu en 1788 par Angelo di Costanzo. En 1810, après la dispersion des religieux, il échut à la confrérie de Notre-Dame.

La première partie du manuscrit est remplie par les débris de deux ouvrages dont les titres sont indiqués par les rubriques copiées sur la p. 27: Finit tractatus mysteriorum sancti Hylarii episcopi, ab Adam

1. T. XLV, p. 141.

usque ad Noe, deinde Abraæ, Ysaac, Jacob, Moysi et Oseæ prophetæ et Heliæ. Incipiunt hymni ejusdem. Ce sont là, à coup sûr, les écrits de saint Hilaire que saint Jérôme avait en vue quand il citait parmi les ouvrages du célèbre évêque de Poitiers: Liber hymnorum et mysteriorum alius. Tout en déplorant les mutilations du manuscrit d'Arezzo, nous devons nous féliciter d'avoir ainsi recouvré des pages d'une aussi respectable antiquité, qui prendront place à l'avenir dans les œuvres de saint Hilaire. Du recueil d'hymnes, il ne reste que la première et la dernière pièce, l'une incomplète du commencement et l'autre de la fin. Celle-ci parait être la prière d'une néophyte :

Renata sum (o vitæ
Lætæ exordia!)
Novis quæ vivo
Christiana legibus.

M. Gamurrini est porté à voir dans cette néophyte la dame nommée Florence que saint Hilaire convertit au christianisme et dont Fortunat parle en ces termes : « Florentia, relictis parentibus, vestigiis ejus « inhærens, usque Pictavos perducta est; patrem vero se habere, non « a quo generata est, sed per quem regenerata est, prædicabat. »

Malgré tout l'intérêt de deux écrits que le nom de saint Hilaire recommande surabondamment, je crois que le monde savant appréciera encore davantage la relation d'un pèlerinage aux lieux saints qui occupe les 44 dernières pages du manuscrit d'Arezzo. A l'aide d'ingénieux rapprochements, l'éditeur a cru pouvoir en rapporter la composition à la période comprise entre les années 381 et 388. On sait d'ailleurs que la relation est l'œuvre d'une dame de la Gaule, très pieuse et très instruite, qui occupait un rang distingué dans la société romaine et qui avait dù séjourner assez longtemps en Orient. M. Gamurrini est convaincu que c'était Silvie, fille de Rufin, dont Palladius parle au chap. 143 de l'Historia Lausiaca, et qui est mentionnée par Rufin dans la préface des Récognitions de saint Clément. C'est donc sous le nom de sainte Silvie que nous est présentée la relation du pèlerinage contenue dans le manuscrit d'Arezzo. Elle est malheureusement mutilée en plus d'un endroit. Mais, au xir siècle, Pierre Diacre en avait sous les yeux un texte complet, auquel il a fait de nombreux emprunts pour composer son Liber de locis sanctis. M. Gamurrini a été ainsi amené à insérer dans son volume une nouvelle édition du traité de Pierre Diacre, dont il a revu le texte sur le manuscrit du Mont-Cassin.

Le volume que nous annonçons était impatiemment attendu par tous les amis de l'histoire et de la littérature ecclésiastique; il sera accueilli avec une vive reconnaissance. Il renferme, en effet, tout ce qui peut servir à faire apprécier et comprendre les morceaux copiés dans le manuscrit d'Arezzo. Deux cartes permettent de suivre les

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