des modèles de gravure délicate: ceux-ci doivent être placés dans des boîtes séparées. La charte est alors pliée et déposée dans une boîte faite exprès, et le sceau est protégé par une couche de ouate s'il est par trop fragile. Ces chartes de choix avec leurs sceaux sont déposées dans des tiroirs peu profonds, juste assez profonds pour les contenir et assez finement construits pour empêcher l'introduction de la poussière. Ce mode de rangement des chartes occupe un grand espace : les boîtes doivent être rangées dans des armoires et chaque rayon n'en peut contenir que deux rangs, afin de permettre de les atteindre. Là où l'espace est borné, on peut en gagner en faisant coudre les chartes dépourvues de sceaux en forme de volumes; mais le volume doit être un portefeuille à feuillets détachés, pouvant être sortis séparément, pour permettre de consulter commodément les pièces. Les rouleaux, dont une grande quantité proviennent de cours seigneuriales anglaises, sont garnis de chemises en parchemin cousues à l'entour. Dans une atmosphère plus pure que celle de Londres, ces enveloppes pourraient suffire; chez nous il a paru nécessaire de déposer les rouleaux dans des boîtes. Toutes les boîtes de chartes sont percées de petits trous de ventilation. S'il y a des chartes qui ont perdu leurs sceaux, il y a aussi des sceaux qui ont perdu leur charte. On les traite comme les sceaux fixés; chacun a sa boîte séparée et chaque boîte sa place dans un tiroir. On classe avec les sceaux détachés les matrices de sceaux, que le Musée possède en grand nombre. Au lieu de sceaux de cire, certains documents étaient pourvus de bulles de plomb, que l'on trouve naturellement dans les latitudes plus chaudes, en Espagne, en Italie, en Grèce; les plus communes sont les bulles papales. On supposerait que des sceaux métalliques de ce genre donneraient peu de souci à conserver et qu'ils dureraient presque éternellement. Le plomb cependant est un métal sensible, et l'atmosphère des grandes villes, surchargée de gaz, agit sur lui d'une façon déplorable. Les bulles se désagrègent et se gonflent de façon à augmenter dans la proportion de deux ou trois fois leurs dimensions primitives. Cette déplaisante découverte a été faite il y a quelque temps à l'ouverture d'une boîte de bulles papales qui n'avaient pas vu le jour depuis quelques années. On a appliqué un vernis sur les bulles attaquées pour les soustraire à l'action de l'air; le temps seul démontrera si ce remède est suffisant. Pour s'assurer contre des pertes, il a paru plus prudent de faire des doubles galvanoplastiques de la collection des bulles. Du rangement sur les rayons et du système de notation des armoires, je n'ai rien à dire devant des bibliothécaires. Remarquons seulement qu'un manuscrit a, pour les références, un avantage sur un imprimé ; on se réfère à lui toujours par son numéro. Chaque manuscrit, charte, rouleau ou cachet est numéroté et c'est par ce numéro qu'on le demande. Est-il nécessaire d'ajouter que les feuillets d'un manuscrit doivent être numérotés et le nombre total des feuillets rappelé à la fin du volume, enfin que chaque manuscrit doit porter le timbre de la bibliothèque? Il est hors de doute que les manuscrits souffrent de l'exposition à la lumière; mais il faut qu'il y ait une exposition dans des galeries publiques, si l'on veut que les collections deviennent instructives. Il va sans dire qu'on prendra toutes les précautions pour empêcher la lumière du soleil de frapper directement les objets exposés. Un volume est en meilleure situation qu'un document isolé; on peut de temps en temps l'ouvrir à des pages différentes; quand le volume est un manuscrit enluminé, ce changement est de la plus grande importance. Les couleurs sont plus fragiles que l'encre et il faut surveiller attentivement tout signe d'altération. Si on les retire à temps, les couleurs reviendront à l'abri de la lumière. Les documents isolés, tels que les autographes, n'ont pour ainsi dire qu'une vie. S'ils passent ou si l'exposition leur cause un autre dommage, quelques-uns peuvent être remplacés par des documents d'égal intérêt, mais d'autres sont uniques et aucun remplaçant ne peut tenir leur place aux yeux du public. La photographie, heureusement, vient à notre secours : ainsi, on a jugé nécessaire de retirer de l'exposition du Musée britannique la Grande Charte et l'acte d'hypothèque de Shakespeare et de les remplacer par des fac-similés photographiques. Quant à la communication des manuscrits au public, il faut établir certaines règles dont l'observation n'est pas nécessaire pour les imprimés. Dans la plupart des cas, un manuscrit, consulté pour être copié, soit en partie, soit en entier, est exposé à être plus souvent manié qu'un livre imprimé. Le premier objectif d'un bibliothécaire soigneux doit être d'écarter du manuscrit les mains du lecteur. Chacun connaît l'individu malpropre qui mouille son pouce chaque fois qu'il tourne une page et promène un doigt qui n'est pas d'une propreté irréprochable du haut en bas du texte pour saisir un passage, qu'il marque aussitôt d'un coup d'ongle impitoyable quand il l'a trouvé. Nous savons tous le traiter avec une sage sévérité. Mais l'habileté réelle est d'empêcher d'abîmer ceux qui le feraient involontairement. Les érudits ne sont après tout que des mortels et même les fidèles de l'art appliqueront leurs doigts sur une miniature dans un transport d'admiration, si le bibliothécaire avisé n'est prêt à parer l'attaque. Le fameux passage de Timothée, si souvent discuté, qui se trouve dans le Codex Alexandrinus, est marqué des traces des index de générations de savants et de théologiens d'une façon aussi sensible que l'ont été les marches de la châsse de Becket par les pieds et les genoux des pèlerins, et beaucoup d'autres volumes favoris portent la marque des pouces des admirateurs passés. Donc les manuscrits doivent être traités avec un respect cérémonieux et avec certaines formalités, qui ne sont nullement gênantes pour le travailleur. Partout où la chose est possible, il est bon de réserver aux lecteurs de manuscrits des tables particulières, ou, mieux encore, une salle spéciale, où les manuscrits communiqués seront directement sous la surveillance des employés. Le Musée britannique possède des boites vitrées, dans lesquelles on enferme les manuscrits enluminés que des artistes viennent copier. Les autres manuscrits sont placés sur des pupitres devant le lecteur; ceci l'empêche de placer le bras sur le manuscrit et de froisser les feuillets avec la manche de son habit. Pour guider son œil sur la ligne qu'il copie, son doigt se promène sur le texte : avant qu'il l'ait touché, le surveillant attentif lui apporte une bande de papier propre pour qu'il la mette sous sa main. Jamais le calque des manuscrits à miniatures n'est permis; pour les autres manuscrits, il n'est permis que sous certaines conditions. Comme dernière sauvegarde, nos manuscrits, sitôt que les lecteurs s'en sont servis, sont examinés par les employés. Si l'on découvre un dommage, le registre montre immédiatement qui en est l'auteur. Je suis heureux de dire qu'il est rare qu'un manuscrit soit détérioré; quand pareil accident arrive, c'est presque toujours, d'après ce que j'ai pu voir, l'œuvre d'un maniaque ou d'un ignorant. Un Allemand fut un jour découvert en train de numéroter au crayon les vers d'un poème pour faciliter les citations et, je n'en doute pas, avec l'excellente intention d'épargner une peine aux érudits futurs. Un autre ajouta en note ce qu'il considérait comme un commentaire précieux du texte, et même signa de son nom. Un jour, un savant offrit d'exposer, dans une note à insérer à la fin d'un de nos manuscrits, ses vues sur certaines démonstrations fautives du mathématicien Pappos: néanmoins, avant de commencer son travail, il voulut bien me consulter. Mais l'exemple peut-être le plus décisif et assez amusant d'une manie perverse a été fourni par un lecteur, assidu depuis vingt ans, à ce qu'il me déclara, qui ajouta un degré à une généalogie et ne voulut pas convenir de l'incorrection de son procédé. Il est vrai que c'était un généalogiste, et par conséquent un fanatique. BULLE ORIGINALE DE SILVESTRE II POUR LA SEO DE URGEL (MAI 1001) Les archives de la cathédrale de la Seo de Urgel, qui est, au dire de Villanueva, l'église d'Espagne la plus riche en diplômes anciens, possèdent une bulle sur papyrus de Silvestre II, dont l'existence n'est pas connue1. Ce privilège m'a été signalé par M. Lino Freixa, vicaire général de Mgr l'évêque d'Urgel et son délégué pour les affaires d'Andorre. Je dois à l'obligeance de M. Lino Freixa, de M. Fidel Alos, également vicaire général, et de M. le chanoine Marti, archiviste du Chapitre, d'avoir pu étudier et transcrire ce document, qui présente un haut intérêt pour l'histoire de la diplomatique pontificale. La bulle de Silvestre II est conservée dans un tiroir spécial portant, en catalan, l'indication: «< Bulla de bova. » Le texte se 1. Voici ce qu'écrivait en 1884 M. Paul Ewald, l'un des auteurs de la nouvelle édition des Regesta de Jaffé, dans un travail spécial sur la diplomatique de Silvestre II (Zur Diplomatik Silvesters II, dans Neues Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtskunde, IX, p. 334) : « Les originaux de Paris et de Barcelone paraissent être les seules bulles de Silvestre II sur papyrus conservées aujourd'hui, à moins que celle de mai 1001 pour Urgel n'existe encore en cette ville. En effet, l'original de cette bulle, sur papyrus, fut vu en 1753 dans la cathédrale d'Urgel par l'auteur d'un article anonyme inséré dans les mémoires de la Real Academia de buenas letras de Barcelone, t. I, p. 332; cet auteur combat avec raison l'opinion répandue de son temps, qui voulait que le document fût écrit sur du roseau. Mais l'original n'est mentionné ni par Marca, qui a publié la pièce en 1688, « ex chartulario ecclesiæ Urgellensis >> (Marca Hispanica, col. 957), ni à la fin du siècle dernier par Villanueva (Viage literario). » trouve aussi dans le tome Ier du cartulaire de l'église d'Urgel connu sous le nom de Liber dotalium. C'est sans doute d'après ce cartulaire que la pièce a été publiée par Baluze, dans l'appendice de l'ouvrage de P. de Marca, Marca Hispanica (col. 957). Elle a été réimprimée plusieurs fois1. Le papyrus est collé sur toile et mesure de 0-74 à 0m75 de largeur, sur une longueur qui atteint environ 262; je dis environ, parce que l'écorce s'est soulevée, gondolée et brisée en plus d'un point, ce qui rend difficile la détermination exacte de ses dimensions. L'écriture est tracée dans le sens de la plus petite longueur et, suivant l'usage, les lignes coupent à angle droit les fibres du papyrus. Cependant, sur le bord supérieur, il existe une bande de 0m18, où les fibres sont placées transversalement et dans une direction parallèle à l'écriture. La marge supérieure mesure à peu près 0287; les marges latérales ont 015 en haut et vont en diminuant jusqu'à n'avoir plus que 006. Le scribe avait mal calculé, et il s'est trouvé qu'à la fin du document la place lui a manqué; il a dû diminuer à la fois la largeur des marges et l'espacement des lignes, qui est pendant la plus grande partie du privilège d'un peu plus de 0TM07 entre le bas de deux lignes consécutives. Le Bene valete vient après la date; ces deux mots sont superposés et écrits en capitale irrégulière. Ils sont accompagnés, à droite, de quelques notes tachygraphiques, qui, d'après les recherches faites sur des documents analogues par M. W. Schmitz, de Cologne, doivent se lire: Silvester Gerbertus ro[ma]nus episcopus. Ces notes, disposées sur deux lignes, sont entièrement semblables à celles qui figurent au bas d'une autre bulle 1. Notamment dans les collections de bulles et dans Olleris, Œuvres de Gerbert, p. 163. C'est le n° 3002 de la première édition de Jaffé, Regesta pontificum romanorum, et le n° 3918 de l'édition nouvelle, publiée sous la direction de M. Wattenbach et due, pour cette partie, à M. Loewenfeld. 2. Voyez Paul Ewald, Zur Diplomatik Silvesters II, dans Neues Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtskunde, IX, p. 323 et suivantes (et à part, brochure in-8°). Julien Havet, l'Écriture secrète de Gerbert, communication faite à l'Académie des inscriptions et belles-lettres le 11 mars 1887, dans les Comptes rendus des séances de cette Académie, 4a série, t. XV, p. 94 et suivantes (et à part, Paris, Alphonse Picard, 1887, in-8°). — Julien Havet, la Tachygraphie italienne du X° siècle, communication faite à la même Académie le 12 août 1887. |