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La Société de Poitiers, invitée à désigner un délégué pour la représenter à cette réunion, a choisi M. Durand, qui a fourni un rapport clair et précis des vœux adoptés par l'assemblée générale.

Vous voyez, Messieurs, que nous ne sommes pas restés inactifs au dehors pendant l'année qui vient de s'écouler.

Mais nous réduire à la pratique agricole, ce serait méconnaître l'importance de notre Société ; elle est forte par le nombre de ses adhérents et aussi par la variété de leurs aptitudes diverses; c'est donc un devoir pour elle d'aborder et de discuter, dans ses séances mensuelles, les questions importantes, afin d'en préparer la solution et d'aider et servir ainsi ceux qui voudraient faire appel à notre bonne volonté.

C'est pour accomplir ce devoir que MM. de Longuemar, Raynal, Bosquillon, Barbier-Montault, ont lu dans nos réunions privées et déposé à nos archives des travaux dont je vais maintenant essayer de vous rendre un compte qui ne pourra être, de ma part, que très imparfait.

Nous devons à M. de Longuemar, dont le zèle ne sait pas se ralentir, une étude approfondie sur les projets de jonction de la Charente au Clain, et du Clain à la Sèvre-Niortaise par la Vonne.

Le savant auteur de ce travail trace d'abord l'historique de cette question intéressante:

<< Au grand honneur, dit-il, de cette vieille province de « Poitou, l'origine des tentatives faites pour créer des voies << navigables à travers son territoire remonte au cœur même « du moyen âge, et chaque fois que le calme renaissait pour a elle, des voix bien intentionnées s'élevaient pour en « reprendre le fil interrompu. »

Il nous rappelle que Charles VII mit à l'étude la confection de travaux destinés à assurer la navigation du Clain, depuis le pont de Saint-Lazare, sous la tour de Jean de Berry, jusqu'à la jonction à la Vienne, à la hauteur de Cenon, un peu en avant de Châtellerault.

Que vers 1539 et dans les années précédentes, François Ier fit procéder à une enquête à laquelle prirent part, à Poitiers, des marchands batelliers et gens à ce connaissant, venus de Rouen, d'Orléans, de Tours, de Chinon, de Saumur et de la Rochelle.

Qu'en 1605, sur l'insistance de Sully, en vertu d'une ordonnance royale, le Clain fut canalisé depuis sa jonction avec la Vienne jusque sous les murs du vieux château de Jean de Berry.

Qu'en 1707, 1713, des tentatives nouvelles furent faites, et qu'en 1716 parut le premier projet de jonction du Clain à la Charente.

Qu'en 1723 un ingénieur de Paris se proposa d'établir la navigation depuis Saint-Léonard jusqu'à la Loire, par Limoges, Chabanais, Vivonne, Poitiers, Châtellerault, puis de Poitiers à Marans par Lusignan, Saint-Maixent et Niort.

Qu'en 1797 et 1798 MM. Galland, architecte, Creusé, administrateur du Parlement, et Gibault, professeur à l'école de droit de Poitiers, publièrent des mémoires sur la navigation du Clain entre Châtellerault et Poitiers.

Qu'en 1807 M. Boncenne fit figurer ce même projet dans un travail où il traite de nouveau la question de la jonction du Clain à la Charente.

Qu'en 1820, 1828, 1829, 1831, l'étude de ces utiles entreprises porta principalement sur la canalisation du Clain et sa jonction à la Charente.

Qu'enfin en 1837 et 1838 les Chambres françaises furent saisies de ces questions.

Mais, à cette époque, l'établissement des chemins de fer détourna le gouvernement de l'étude et de l'achèvement de nos voies navigables; la pensée que les voies ferrées répondaient à des besoins plus pressants fit donner la préférence à ces dernières.

Les Chambres de commerce du Midi et de l'Ouest élèvent de nouveau la voix en faveur de l'exécution du projet qui nous occupe.

Elles trouvent dans sa réalisation un moyen assuré d'arriver à un abaissement des tarifs de transport pour toutes les matières encombrantes, et la possibilité de procurer, pendant bien des années, de l'ouvrage à des milliers de bras; elles invoquent surtout l'influence que cette canalisation ne manquera pas d'exercer sur la prospérité et la richesse du territoire qu'elle traversera.

L'auteur examine ensuite si les projets proposés présentent des garanties de réussite.

Il dépouille tous les dossiers qui contiennent à ce sujet des travaux spéciaux fournis par les ingénieurs, et il conclut en reconnaissant que la jonction de la Charente au Clain est réalisable, dans des conditions utiles à la navigation dans l'Ouest.

Mais son travail ne s'arrête pas à la réunion du Clain à la Charente.

Il ajoute qu'un mémoire de M. Boncenne traitait de la possibilité de faire communiquer le Clain à la Sèvre-Niortaise par la Vonne, ce qui nous mettrait ainsi en rapport direct avec la Rochelle et Rochefort.

Que trois avant-projets émanant d'ingénieurs autorisés tendaient au même but, et il résume les avantages qui résulteraient de ces grands travaux en citant ce passage d'un rapport de M. Bonniceau, président de la commission départementale de la Gironde :

« Les ports et les arsenaux de Bayonne, de Rochefort, de la Rochelle, de Nantes, Brest et Cherbourg, seraient reliés « à la poudrerie d'Angoulême et du Ripault à la fonderie de

Ruelle, à la manufacture d'armes de Châtellerault, avec « les écoles d'artillerie d'Angoulême et de Poitiers. Vit-on a jamais pareil enchaînement de solidarités maritimes et « militaires, et un pareil faisceau d'éléments de défense na<tionale à resserrer sous la même main ? ›

Ce remarquable travail de M. de Longuemar est accompagné d'une carte figurative des différents tracés de canalisation.

J'ai maintenant à arrêter votre attention sur une étrange et terrible maladie qui menace d'une ruine complète les plus riches contrées, et d'une destruction absolue ces admirables vignobles, la gloire et la fortune de la France.

Un cri de détresse parti des rivages de la Méditerranée s'est répété bientôt jusqu'à l'embouchure de la Loire.

Toutes les associations agricoles se sont justement émues, et les conseils du gouvernement ont compris qu'il fallait prendre des mesures énergiques contre le fléau.

M. Raynal, membre de notre Société, professeur d'histoire naturelle, a été le premier dans ce département à faire une étude sérieuse des ravages du phylloxera et des moyens de le combattre.

Dans le cours de cette année, il a publié une brochure intitulée: « DU REFOULEMENT PROGRESSIF DU PHYLLOXERA EN • FRANCE JUSQU'A SON ANÉANTISSEMENT, ET DE LA RECONSTITU<TION DE NOS VIGNOBLES EN CÉPAGES FRANÇAIS. ›

Son travail est divisé en deux parties.

Dans la première, il montre combien sont contestables les avantages de l'entretien des vignes par les insecticides ou la substitution de cépages.

Dans la seconde, il soutient qu'il est possible d'arriver à l'assainissement définitif du pays; il développe les moyens employer, indique les dépenses qu'il sera nécessaire de faire, et résume son système dans un projet de loi qu'il voudrait voir adopter par les Chambres françaises.

Après avoir énoncé que nos erreurs et nos imprudences ont été jusqu'à ce jour pour beaucoup dans l'insuccès des remèdes, souvent même dans la propagation plus rapide de l'ennemi que nous avons à combattre, il affirme avec conviction que le salut se trouve dans une destruction complète et successive de tous les foyers d'infection, avec arrachage non seulement des vignes atteintes, mais encore de celles qui, étant saines, sont situées dans un rayon trop rapproché du foyer; il n'y a, selon lui, que l'État qui puisse prendre à sa charge les frais considérables du traitement, car il ne s'agirait pas de moins de 20 à 30 millions à dépenser par année.

C'est l'objection que se fait l'auteur, mais elle ne saurait tenir devant cette autre considération que les produits de la vigne qu'il s'agit de conserver s'élèvent annuellement à une moyenne de plus de 2 milliards 112, et que l'impôt des boissons rapporte à l'État environ 250 millions, et aux villes 120 millions.

Il faudrait d'ailleurs pour réussir qu'un plan d'ensemble fùt suivi dans toute la France.

Quant aux mesures financières pour le réaliser, un impôt direct de 2 à 3 francs par hectare serait inscrit au nom des propriétaires de vignes.

Le département fournirait une subvention égale à la moitié de cet impôt.

Un centime par franc serait prélevé sur les recettes perçues aux octrois pour les vins et alcools.

Un centime sur les recettes des chemins de fer pour transport de boisson.

Un centime sur les droits de circulation, enfin il serait ouvert un crédit de 15 millions 600 mille francs par les Caisses du Trésor.

Le total des ressources s'élèverait ainsi annuellement à 31 millions.

Enfin, par mesure de précaution et de prévoyance, aucun vignoble ne pourrait être reconstitué par une plantation nouvelle qu'après un nombre d'années jugé suffisant.

Suit le projet de loi à soumettre aux pouvoirs législatifs. Comme si ce n'était pas assez du phylloxera pour porter la désolation chez tous les propriétaires de vignes, une autre maladie sévit depuis deux années sur certains cépages avec une intensité qu'on ne connaissait pas dans notre région.

Heureusement qu'il existe un remède contre l'oïdium, remède expérimenté depuis longtemps et qui nous permet de nous débarrasser de ce surcroît d'infortune.

M. Bosquillon, dans une note sur le soufrage des vignes, nous enseigne l'application de ce remède.

Trois soufrages sont nécessaires:

Le 1er quand les bourgeons ont atteint de 12 à 15 centimètres ;

Le second quand les raisins, passés fleurs, ont la grosseur d'un grain de plomb;

Le 3e, un mois après le second.

Il est utile d'employer du soufre sublimé. L'instrument le plus commode est le soufflet Lavergne.

30 kilogrammes de soufre sont nécessaires pour le premier soufrage.

30 kilogrammes pour le second.

60 pour le troisième.

Ajoutons que notre infatigable professeur d'agriculture ne s'est pas contenté de nous décrire, dans nos séances, ce procédé de soufrage, il s'est transporté dans plusieurs communes du département et a donné sur place des leçons aux cultivateurs dont les vignes étaient atteintes.

Qu'il nous permette de le féliciter pour un temps si utilement employé.

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