d'ordinaire après une grave maladie ; ici, de toute nécessité, il faudra donc pendant une certaine période choisir de nouveaux emplacements. Toutefois, il serait bon de chercher dès maintenant par l'expérience quelle est la durée au bout de laquelle l'exploitation du terrain phylloxéré par cépages français redevient possible sans courir les risques d'une infection en quelque sorte spontanée. C'est là une expérience à faire, mais elle ne devrait pas se faire dans les régions traitées elles-mêmes, puisqu'on veut avant tout les assainir définitivement. J'imagine que, dans les régions anciennement très-dévas- · tées, on trouverait des terrains bien appropriés et n'offrant aucun danger pour le voisinage. On y adoucirait utilement beaucoup de misères par les essais tentés et on y ferait renaître l'espérance. On opérerait pour cela sur des parcelles dont la destruction remonterait à un temps plus ou moins long. Les terrains devraient être choisis de natures diverses. On y procéderait tantôt immédiatement, tantôt après une désinfection préalable. Un point très-important à résoudre, c'est de savoir s'il ne faut pas renoncer à la conservation de certaines essences d'arbres ou arbustes existant sur le sol. L'étendue de chaque plantation en elle-même devrait être médiocre, mais pourtant assez grande pour pouvoir distinguer une infection en quelque sorte spontanée de celle qui résulterait d'une importation du dehors." On choisirait naturellement, pour les terrains d'épreuve, des points situés le plus loin possible des vignes malades et surtout hors des atteintes de la poussière animée qui s'échappe des vignes américaines. Des essais de ce genre ne peuvent guère se passer de subventions. Le cas n'est plus le même que l'élève des vignes américaines ou l'entretien par les insecticides. On n'a pas précisément grand espoir d'indiquer au voisinage un exemple à y suivre pour le moment même. Il serait même fort imprudent d'y pousser et d'agir sur une trop grande échelle, car la localité elle-même expose à faire une mauvaise opération. Il ne -faut pas oublier qu'on chercherait tout spécialement des données à appliquer au loin. Dans les régions traitées administrativement, on ne lèverait les interdictions de replanter sur sol phylloxéré que lorsque l'expérience aurait prononcé sur les conditions de l'opération. On aurait à imposer l'obligation d'aviser l'autorité au préalable, pour qu'elle puisse s'assurer que les prescriptions voulues ont été ou seront remplies. Il va de soi que, dans les régions non traitées, l'interdiction de planter sur sol phylloxéré devrait être établie partout où la plantation des vignes américaines n'est pas autorisée. Après un si long exposé des entraves et des pénibles sacrifices que réclame de nous la conservation de ce que nous pouvons encore sauver de nos richesses acquises, je n'ai pu résister au désir de jeter un coup d'œil sur les espérances de l'avenir. Le passé nous recommandait la prudence, sans laquelle viennent inévitablement les déceptions et ensuite les défaillances et leurs funestes résultats. On m'excusera donc d'être entré préventivement dans beaucoup de détails. Il s'agit d'une œuvre si délicate, qu'on ne peut en abandonner aucun point au hasard, sans inconvénients graves, et qu'on ne saurait l'entourer de trop de précautions. Elles sont d'autant plus nécessaires qu'on sera obligé de lutter contre l'esprit d'indiscipline irréfléchie des particuliers. Il y aurait de ma part une trop grande présomption à croire que j'ai présenté une œuvre complète et irréprochable. Je ne donne tout ceci que comme une ébauche ou un canevas susceptible de bien des améliorations, admettant bien des rectifications. A d'autres le soin de perfectionner ou de faire mieux. CONCLUSION Bien que rédigé en peu de jours, le projet de loi qui précède n'a point été une œuvre improvisée, car les bases principales en remontent déjà loin. De longues périodes de réflexion m'ont permis pour ses divers éléments d'en peser le pour et le contre, les possibilités et les impossibilités. Je crois que ce projet ne se présente pas encore trop tard pour être efficace. Je crois aussi qu'il lui eût été fort inutile de se présenter plus tôt; mais si on lui reprochait d'avoir trop tardé à venir, il peut tout naturellement repondre: Comment l'aurais-je fait, si je n'étais pas né? La question est maintenant de savoir si, au lendemain du jour où la France, dans une situation encore incertaine, n'a pas hésité à engager des millions dans les splendeurs de l'Exposition Universelle, pour la satisfaction morale de faire éclater son relèvement à tous les yeux, elle n'osera pas en aventurer quelques autres dans l'intérêt d'une des principales sources de sa richesse. Jusqu'à preuve du contraire, je veux espérer qu'on comprendra enfin qu'aux grands maux il faut les grands remèdes, et que l'heure d'agir ainsi est grandement arrivée. La continuité des progrès du phylloxéra se rattache par les liens de la plus étroite dépendance à nos vicissitudes politiques, qui n'ont pas laissé d'essor possible au grand mouvement d'opinion qui aurait pu enlever la décision, en dépit des írrésolutions et des oppositions individuelles. La prise de possession du sol français par l'insecte américain a été constatée pour la première fois à peu près au moment où, poussé par une inspiration inconsidérée, notre drapeau inaugurait au Mexique la série lugubre de nos désastres. Il a sournoisement étendu ses conquêtes pendant que l'attention publique était absorbée exclusivement par les questions de politique, ou extérieure, ou intérieure. Nous avions du reste les bras absolument liés. Chaque fois qu'on apprenait un nouveau pas, la pensée de chacun se reportait au plus vite ailleurs, par une sorte de résignation désespérée. Les gens spéciaux n'osaient point, dans leurs spéculations, sortir de la sphère des demi-mesures, parfaitement incapables d'arrêter le mal. Je ne veux pas insister sur cette connexité, qui a lié le sort de cette question matérielle aux questions politiques et sociales. Je suppose même qu'au premier abord cette opinion. paraîtra bien paradoxale. Quant à moi qui la médite depuis assez longtemps pour la croire vraie, elle ne m'a pas toujours permis de voir d'un esprit égal les obstacles qui ont été dressés contre l'organisa tion d'un état de choses régulier et paisible. C'est avec une vive impatience que j'attendais l'heure où les esprits aborderaient enfin les grands problèmes de la vie pratique. J'ai toujours espéré qu'elle ne serait pas tellement tardive, que la situation fût sans remède pour le point qui nous occupe. Cette heure de calme et de fixité me semble venue. L'ère des travaux matériels succédera sans doute à une trop longue période d'agitations, et le gouvernement tiendra, je l'espère, à en donner une nouvelle preuve en montrant aux agriculteurs que, dans la défense de leurs intérêts, il va jusqu'à l'extrême limite des forces de l'homme. Alors même qu'elle ne serait pas absolument sûre du succès, une grande nation engagée dans une grande lutte doit, avant de baisser pavillon, jeter dans la balance tout le poids de sa puissance. Son intérêt bien entendu demande qu'elle ne recule devant l'emploi d'aucun moyen d'action. Son honneur exige qu'elle ne cède que devant une évidence devenue indiscutable. L'essai seul peut ici démontrer si, oui ou non, nous pouvons vaincre l'envahisseur. Nous avons certainement mal jugé au début la nature du combat et la puissance de notre adversaire. Nous avons cru n'avoir besoin d'employer que la moindre partie de nos moyens d'action, et pour avoir eu infiniment trop de confiance en nous-mêmes, nous arrivons au découragement. La lutte contre le phylloxéra est une guerre d'extermination. Bien qu'elle soit obscure et sans prestige, c'est une guerre véritable, et elle réclame les mêmes moyens que celle-ci. On connaît ce mot d'un ministre: « Pour la guerre, il faut trois choses: premièrement de l'argent, secondement de l'argent, et en troisième lieu toujours de l'argent. D'après certaines traditions, que des bouleversements sociaux peuvent seuls changer, un ministre de la guerre doit vider les coffres de l'État sans y rien mettre, un ministre de l'agriculture doit les remplir sans y rien prendre. Il n'y a guère d'exemples que celui qui a la tâche de nourrir les hommes ait osé demander quelques millions dans un moment difficile. Une pareille réserve a toujours été au-dessous de ceux qui, par, métier font litière de l'existence humaine, Ne fût-ce que pour une idée, la guerre a toujours trouvé et trouvera toujours les milliards désirés. Personne ne croira qu'on refuserait à l'agriculture les millions nécessaires. Bien Discours de M. de Touchimbert, président, Compte-rendu des travaux (M. Audoynaud secrétaire). Les débuts à Poitiers des recherches historiques et ar- Réponses au questionnaire relatif à l'enseignement dé- Liste des publications reçues pendant les mois de dé- Réfutation d'une critique, M. Barbier-Montault. Du ravage des insectes nuisibles dans les bois et forêts, |