BULLETIN DU Bouquiniste PUBLIÉ PAR AUGUSTE AUBRY Avec la collaboration de Bibliophiles et d'Erudits CHEZ AUG. AUBRY, ÉDITEUR LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES BIBLIOPHILES FRANÇOIS Et chez les principaux libraires de la France et de l'Etranger. EN DISTRIBUTION : CATALOGUE de la Bibliothèque de M. TH., vice-consul de Suède et de Norvége, dont la vente aura lieu les 16-19 mars, rue des Bons-Enfants. Théologie, Economie politique, commerce, géographie; série d'ouvrages modernes sur la céramique, beaux-arts, livres à figures, et orués de vignettes; voyages, Histoire naturelle, théâtre, poëtes modernes, romanciers, littérature et histoire, bibliographie. Nombreux ouvrages sur la Normandie. M Baubigny, commissaire-priseur. - Aug. Aubry, libraire. CATALOGUE des Livres anciens et modernes de la Bibliothèque de feu M. R..., dont la vente aura lieu les 28-31 mars, rue des Bons-Enfants. Livres anciens ct rares sur la Théologie, reliés en maroquin. Ouvrages sur les Arts, Ornements pour l'orfévrerie, Livres à vignettes, La Chasse, etc., Poëtes francais, anglais et italiens, Facéties, Théâtre, Histoire de France, etc., etc.. la plupart reliés en maroquin par Duru, David, Capé, Petit, etc. Nombreux Elzevirs. M Delbergue-Cormont. Aug. Aubry, libraire. N. B. Ces Catalogues seront envoyés aux personnes qui en feront la demande. EN PREPARATION : CATALOGUE des Livres sur l'Art militaire, les Sciences mathématiques et l'Histoire, composant la Bibliothèque de feu M. CHOUMARA, ancien commandant du Génie. Me Delahaye, commissaire-priseur. - Aug. Aubry, libraire. ACHATS DE BIBLIOTHÈQUES DE PARTIES DE LIVRES et de toute espèce d'ouvrages anciens et modernes Expertise. - Rédaction de catalogues.-Ventes publiques aux enchères. NOTA. Adresser les lettres à M. Aubry, rue Séguier, 18. Avoir des livres! La belle affaire. Il est facile d'en remplir des armoires.... et des greniers. Il suffit de posséder beaucoup d'argent, un peu de patienee (il en faut surtout quand on attend le bon plaisir de nos chers relieurs), et de fixer enfin une attention soutenue sur les catalogues annotés qui foisonnent. C'est là gloriole de richard, luxe de grand seigneur ou frivolité d'hommes d'affaires. Mais aimer les livres ! c'est une autre paire de manches, comme disent les bonnes gens. Aimer les livres, entrer avec eux en commerce familier, les connaître, les consulter avec discernement : c'est tout un art, c'est presque une profession. Tomber juste sur celui qui doit nous instruire, nous intéresser ou seulement nous plaire, flairer avec l'instinct du limier, -sous le veau crasseux ou le parchemin recoquevillé, le parfum d'esprit ou de raison, de science ou de bon sens dont ces pages du vieux temps sont imbibées; trouver, sans se tromper d'un feuillet, l'endroit précis de ce bouquin méprisé du passant, où git la leçon qu'on cherche, la consolation qu'on attend, le fait qui éclaire ou le mot qui éclate: oh! ceci est le grand côté de l'amour des livres. Voilà où est le talent, le bonheur, la passion saine : voilà à quoi l'on distingue le bibliophile du collectionneur. (1) Un volume in-8. Prix: 8 fr. Il ne faut pour cela ni tant d'argent, ni tant de poursuites, ni tant de luttes. A qui sait aimer les livres, peu de livres suffisent. Le secret est de savoir s'en servir. J'ai connu un bonhomme, il vivait au loin, à l'abri du monde, sur la lisière d'un bois. A quelques toises de sa maisonnette, sa vigne grimpait gaîment une côte pierreuse et lui préparait des rêves paisibles; un peu plus bas, du côté opposé, quelques arpents de bonne terre lui promettaient de grasses récoltes. Avec cela il était heureux; puis, pour comble de bonheur, il aimait à lire. Savez-vous combien il y avait de volumes sur la planche, au-dessus de son lit? Il y en avait neuf en tout les deux tomes de Rabelais de 1663; les trois de Montaigne de 1669; le Moyen de parvenir de 1757; l'Horace aux notes de Bond et..... le Triple Liégeois de l'année. Il est vrai qu'il les lisait et relisait sans cesse. Eh bien ! ce bon villageois savait tout et il vous parlait de toutes choses durant une longue soirée d'hiver, sans que son petit vin gris ni sa petite voix aigre parvinssent à vous appesantir la paupière. Ah! c'est un beau talent que de savoir se servir des livres. Ce talent là, peu d'écrivains, peu de bibliophiles le possèdent à un si haut degré que Jules Janin. Je n'ai pas besoin de dire qu'il a une des précieuses, une des admirables bibliothèques de Paris. Il n'en fait point parade; mais tous les connaisseurs l'admirent. Pour lui, c'est sa boite d'outils. C'est dans cette boite que le ciseleur sans pareil a pris le goût de ces arabesques abondantes et fleuries dont il émaille les plus délicates fantaisies de son style. C'est là surtout qu'il a puisé cette éruditiou si variée dont il nous prodigue la fleur, sans nous laisser soupçonner combien il a trouvé d'épiues en la recueillant. Ah! l'aimable vulgarisateur de tant de grandes et belles pensées dont la possession est longue et pénible à acquérir. Et comme il entend bien son rôle d'écrivain aimable et sûr de plaire. Avec quelle fine et narquoise bonhomie il se donne la joie, -ne se la donne pas qui veut, d'amuser, laissant aux - pédants et aux lourdeaux l'ennui d'assommer le lecteur du poids de leur massif savoir. Donc Jules Janin a tant lu et si bien les productions du génie humain de tous les âges, que rien de ce qui tient à l'histoire de la pensée ne lui est demeuré étranger. Et quoi ! s'est-il dit, après tant de lectures qui ont rempli cinquante ans de sa vie, voilà le livre, un instrument sublime créé pour l'éducation de l'homme, pour le progrès, pour l'honneur de l'humanité, pour le triomphe du beau, du bien, de la vérité, et il n'y a pas un jour dans l'histoire des religions et des despotimes où on ne voie cette émanation sublime du génie, mutilée, brûlée, jetée au vent de l'oubli et conduisant son auteur à la torture ou ou supplice. Il serait grand et utile d'écrire cette histoire pleine d'enseignements, de condenser dans une œuvre solennelle, mais attrayante et facile à lire, tout ce que la tradition nous a conservé de noble, de bienfaisant ou de triste, de radieux, de dramatique et d'horrible sur les destinées de ce monde gigantesque où s'agite la pensée des grands hommes. Stigmatisons au passage ces perversités des esprits monstrueux, ces erreurs coupables des vanités inassouvies qui ont usurpé les immunités de la pensée écrite pour jeter dans le monde des ferments de corruption. Et alors, nous conduisant par la main, nous lecteurs curieux et dociles à la voix du maître, comme faisait Virgile à Dante, à travers ces triomphes éclatants et ces douleurs non moins glorieuses, de cercle en cercle, il nous a fait traverser ces enfers et ces paradis intellectuels qui, depuis la première œuvre humaine écrite dans les larmes, jusqu'au dernier cri de délivrance proféré en pleine liberté, ont enveloppé, terrassé, anéanti ou glorifié la parole écrite. Afin d'éviter la forme pédagogique du traité qui, d'une part, n'aurait pas exigé moins qu'une longue série de volumes, tandis que, de l'autre, elle l'aurait forcé à des développements de doctrines qui ne sont pas du domaine de l'idéal aimable et poétique qu'il aime à caresser, Jules Janin s'est borné à une œuvre purement littéraire, — je dirais presque romanesque. Il a réuni, dans un bosquet ombreux de son petit jardin de Passy, une douzaine |