Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

Attendu, en fait, que la réclamation adressée par les demandeurs aux défendeurs l'est du chef de leur qualité d'héritiers de Lucien D., auquel cette somme aurait été prêtée :

Qu'aux termes de l'art. 41 de la loi de proc. civ., toute signification d'exploit aux héritiers d'une partie décédée ne peut être faite au domicile qu'avait le défunt que dans le délai de six mois après le décès;

Attendu que de la saine interprétation de cet article, il résulte que la personne fictive, la succession, qui continue la personne du défunt, ne peut exister au delà des 6 mois sus-indiqués, et qu'à partir de cette date les héritiers doivent être assignés individuellement en leur qualité ;

Attendu, en effet, que l'art. 873 C. civ. déclare que les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession personnellement pour leur part virile; qu'ainsi chacun des hoirs D., en admettant le bien-fondé de la réclamation, ne peut être tenu envers les demandeurs que pour une part personnelle de la somme réclamée ;

Attendu, ainsi, que la dette étant personnelle, et les héritiers ne pouvant plus être assignés en nom collectif, c'est à tort que les demandeurs, lorsque tous ces héritiers sont domiciliés dans le canton de Vaud, les ont assignés devant le Tribunal de Genève; qu'à cet égard l'art. 59 de la Const. féd. est formel, et qu'il y a lieu dans l'espèce d'appliquer les règles qu'il trace lorsqu'il édicte que, pour réclamations personnelles, le débiteur solvable, ayant domicile en Suisse, doit être recherché devant le juge de son domicile ;

Attendu, par conséquent, que sans examiner l'autre exception soulevée par les défendeurs, il y a dors et déjà lieu pour le Tribunal de se déclarer incompétent, en renvoyant les demandeurs à mieux agir, avec dépens.....

AUDIENCE DU 3 FÉVRIER 1881.

Présidence de M. Ernest PICTET.

Billet à ordre; tiers-porteur; souscripteur; serment; refus.

J. Turian & Cie contre Sibenlist.

Le Tribunal peut rejeter le serment déféré au tiers-porteur par le souscripteur d'un billet à ordre, sans avoir même à se prononcer sur la pertinence des faits qui en sont l'objet.

Attendu que les demandeurs, en leur qualité de tiers-porteurs, réclament du défendeur le paiement d'un billet à ordre souscrit par lui, au montant avec frais de 3004 fr. 45 c., du 12 janvier 1881, régulièrement protesté le lendemain de son échéance;

Attendu que le défendeur, sans contester sa signature, défère un serment aux demandeurs sur le fait de savoir s'ils n'ont pas reçu de Brandt, premier endosseur, les fonds nécessaires pour rembourser à son échéance le billet dont s'agit, et s'il n'y a pas eu entente entre eux pour le poursuivre ;

Attendu que le Tribunal, sans s'arrêter à l'examen de la pertinence du serment déféré, ne peut en admettre le principe, en présence d'un billet à ordre parfaitement régulier, dont le paiement est réclamé par un des endosseurs autre que celui en faveur duquel le souscripteur s'était directement engagé; que ce serait introduire une procédure dilatoire, qui serait directement contraire à l'art. 157 C. de com., et détruirait la condition essentielle du billet à ordre ou de la lettre de change: celle d'être un titre indiscutable quant à son exigibilité à l'échéance;

Attendu, dès lors, que le serment déféré ne saurait être admis.......

DE L'ABSENCE PRÉSUMÉE EN MATIÈRE DE SUCCESSION.

A l'audience du 7 janvier 1881, le Tribunal civil de Genève a rendu, dans la cause consorts Tournier contre Me Gampert q. q. a., le jugement suivant :

< Attendu que les demandeurs concluent à ce qu'il soit dit par le Tribunal que le partage de la communauté et succession de Pierre Tournier, fils de Pierre et Agathe Dufaux, tous deux décédés, sera fait en neuf parts, l'existence de J.-Ph. T. étant méconnue au moment du décès des auteurs des parties en cause;

< Attendu que le défendeur a été commis par ordonnance du Tribunal du 29 mars 1880 pour représenter aux opérations du partage ledit J.-Ph. T. et que, tout en s'en rapportant à justice sur les conclusions des demandeurs, il fait observer que l'art. 113 C. civ. reconnaît implicitement le droit pour les présumés absents d'être représentés dans les partages dans lesquels ils sont intéressés ;

< Considérant que si le présumé absent a cessé de donner de ses nouvelles après qu'une succession s'est ouverte à son profit, c'est

l'art. 113 qui doit être appliqué et qu'au contraire, si l'époque de ses dernières nouvelles a précédé l'ouverture de la succession, il doit être procédé conformément à l'art. 136, et celle-ci doit être dévolue entièrement à ceux avec lesquels il aurait eu le droit de concourir;

< Attendu que d'aucun des éléments de la cause il ne résulte que J.-Ph. T. existait le 11 juillet 1866, époque où s'est ouverte la succession de la dame Tournier-Dufaux;

<Qu'aux termes de l'art. 135, c'est à celui qui réclame un droit échu à un individu dont l'existence n'est pas reconnue, à prouver que ledit individu existait lorsque le droit a été ouvert à son profit;

< Attendu que le défendeur ne fait pas cette preuve ni n'offre de la faire ;

<P. c. m., le Tribunal, jugeant incidemment, rapporte l'ordonnance du 29 mars 1880, en ce qu'elle commet Me Gampert pour représenter J. Ph. T., dont l'existence n'est pas reconnue..... dit et prononce que le partage sera fait en neuf parts, l'existence de J.-Ph. T. étant méconnue au moment du décès des auteurs des parties en cause. > Le jugement que nous venons de transcrire résout une question délicate et qu'il est intéressant d'examiner de près.

Les consorts T., au nombre de sept, demandaient le partage de la succession de leurs parents; mais comme il y avait encore trois ayants droit à la succession, non présents à Genève, les demandeurs s'étaient adressés au Tribunal pour faire représenter ces trois personnes par un notaire; le Tribunal avait commis à ces fins Me Gampert et les demandeurs l'avaient assigné, en sa qualité de représentant des trois cohéritiers non présents, devant le Tribunal, pour ouïr ordonner le partage de la succession.

Parmi les ayants droit représentés par Me G., il se trouvait une personne dont le domicile est ignoré et dont l'existence est méconnue par les demandeurs. C'est pourquoi, après le dépôt du rapport d'expert indiquant la valeur des immeubles, ils prirent des conclusions tendant à ce que la succession leur fût dévolue à l'exclusion du cohéritier présumé absent.

Me G. s'en rapporta à justice, tout en faisant observer, pour couvrir sa responsabilité, que le Tribunal ayant ordonné que le présumé absent serait représenté au partage, il lui paraissait douteux qu'on pût, après cela, l'exclure de ce même partage. Pour répondre à cette objection, les demandeurs conclurent à ce que l'ordonnance qui avait commis un notaire pour représenter le présumé absent, fût révoquée.

Le Tribunal, sur les conclusions conformes du ministère public, et se fondant sur les considérants que nous avons donnés plus haut, a accueilli la demande.

Notre but n'est pas de critiquer cette décision, mais de chercher à résoudre les difficultés que soulève l'interprétation de deux articles du Code qui, au premier abord, semblent être en contradiction l'un avec l'autre, c'est-à-dire les art. 113 et 136.

L'art. 113 dispose que le Tribunal, à la requête de la partie la plus diligente, commettra un notaire pour représenter les présumés absents, dans les inventaires, comptes, partages et liquidations dans lesquels ils seront intéressés. >

D'une manière générale, un absent est, en droit, une personne qui a quitté son domicile sans donner de ses nouvelles depuis un temps assez long pour que son existence devienne incertaine. Le Code divise l'absence en 3 périodes:

1o Celle qui part de la disparition de l'absent, et qui va jusqu'au moment où l'absence est déclarée, mais elle ne peut pas être d'une durée inférieure à quatre ans si l'absent n'a pas laissé de mandataire. C'est la période dite de présomption d'absence.

2o La période dite de l'envoi en possession provisoire, qui part de la déclaration d'absence.

3o La période qu'on pourrait appeler de l'envoi en possession définitive.

Nous n'avons à nous occuper ici que de la présomption d'absence, c'est-à-dire d'une époque pendant laquelle la présomption de vie de l'absent l'emporte sur celle de mort; la loi prescrit des mesures dans son intérêt, elle suppose qu'il reviendra. 1

Le Code exige que, s'il s'ouvre une succession au partage de laquelle a droit le présumé absent, il soit représenté par un notaire, que le Tribunal désigne. Mais le Tribunal ne peut pas agir d'office, il faut qu'il soit nanti de la question par une partie intéressée. La loi genevoise sur les justices de paix a modifié cette disposition; nous en parlerons un peu plus tard. Nous nous bornons, pour le moment, à remarquer que, dès qu'une partie le demande, le présumé absent doit être représenté dans un partage auquel il est intéressé. Ainsi, lorsqu'une personne décède, laissant deux enfants dont l'un est présumé absent, si celui qui est présent le requiert, le Tribunal nom

[ocr errors][merged small]

mera un notaire, qui sera chargé de représenter l'héritier non présent ou présumé absent, dans les inventaires, comptes, partages et liquidations auxquels donne lieu l'ouverture de la succession de son auteur.

Cette mesure n'a aucun sens si l'on ne reconnaît pas à cet héritier, quoique n'étant pas présent, le droit de retirer sa part de la succession; ses intérêts sont protégés par un homme d'affaires, qui veille à ce que son lot ne soit pas attribué à ses cohéritiers.

Comment, après cela, expliquer la portée de l'art. 136 < S'il s'ouvre une succession à laquelle soit appelé un individu dont l'existence n'est pas reconnue, elle sera dévolue exclusivement à ceux avec lesquels il aurait eu le droit de concourir, ou à ceux qui l'auraient recueillie à son défaut. >

N'y a-t-il pas contradiction directe entre ces deux dispositions? L'une veut que le présumé absent soit représenté au partage, l'autre dit expressément que l'on pourra faire, dans le partage, abstraction du cohéritier dont l'existence ne sera pas reconnue.

On a essayé de résoudre la difficulté en expliquant que l'art. 136 n'est applicable qu'après la déclaration de l'absence; et que, par conséquent, elle ne concerne pas le présumé absent. Cette doctrine a été soutenue par Maleville, dont l'autorité est d'autant plus grande qu'il a été l'un des rédacteurs du Code. 1 On peut aussi invoquer dans le sens de cette opinion un arrêt de la Cour de cassation du 1er prairial an XIII. Cependant cette explication, qui supprimerait toute contradiction entre les deux articles, ne peut être admise, et elle n'a pas prévalu en doctrine et en jurisprudence. La discussion qui eut lieu au Conseil d'Etat ne laisse pas de doute sur le véritable sens de l'art. 136. En effet, le mot d'absent était employé dans le projet dudit article. Au Conseil d'Etat, on fit observer que cette locution serait équivoque, en ce qu'elle semblerait ne pas pouvoir s'appliquer au présumé absent; on proposa donc de substituer au mot absent ceux-ci: l'individu dont l'existence ne sera pas reconnue. Cette proposition a été adoptée. 2

Il est donc certain que la disposition de l'art. 136 a été édictée non seulement en vue des absents déclarés, mais aussi des présumés absents. Ainsi la difficulté subsiste : comment concilier cet article avec l'art. 113?

On propose d'en limiter l'application au cas où la succession était 1 Dalloz, tome II, p. 103 et suiv.

2 Voir Locré, Esprit du C. civ., sur l'art. 186.

« VorigeDoorgaan »