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maître tonnelier, devant le Tribunal de la justice de paix en paiement de 54 fr., soutient que le Tribunal de commerce est seul com. pétent pour statuer sur cette demande ;

Considérant que R. est un artisan, non un négociant; qu'ainsi, pour que la juridiction commerciale soit compétente, il faut, aux termes de l'art. 631, § 2 C. de com., que la contestation qu'il s'agit de trancher soit relative à un acte de commerce;

Considérant que des faits de la cause et du compte produit il résulte que R. a encavé du vin pour D. et fait aux tonneaux de celuici des lavages et d'autres menues réparations; qu'il n'y a eu là de sa part qu'un simple travail manuel et qu'à l'égard de D. lui-même, les travaux de ce genre n'étant point des achats faits dans le but de revendre, ne constituent pas des actes de commerce proprement dits;

P. c. m., la Cour admet à la forme l'opposition formée contre l'arrêt par défaut rendu le 27 décembre dernier, rétracte ledit arrêt; cela fait, déclare non-recevable l'appel interjeté contre le jugement rendu par le Tribunal de la justice de paix le 26 novembre 1880; condamne D. aux dépens. 1

TRIBUNAL CIVIL.

AUDIENCE DU 18 DÉCEMBRE 1880.

Présidence de M. GOUDET.

Interdiction de construire signifiée par le Département des travaux publics sur la demande d'une commune; recours contre la commune; fin de non-recevoir; rejet.

L'Huillier et Faurax q. q. a. contre Commune des Eaux-Vives.

Il est constant, en fait, que la parcelle no 1558 du cadastre de la commune des Eaux-Vives, sur laquelle les demandeurs se proposent d'élever un bâtiment nouveau, est comprise dans le périmètre du terrain déterminé par l'art. 10 de la loi du 19 octobre 1878, sur lequel il est interdit d'élever de nouvelles constructions sans l'autorisation du Département des travaux publics.

Le 23 mars dernier, les demandeurs ont adressé une requête au Département des travaux publics, accompagnée des plans prescrits

1 Voy. dans le même sens un arrêt de la Cour d'Aix, 9 mars 1827 (Dalloz, Acte de commerce, n° 165).

par la loi du 19 octobre 1878, aux fins d'être autorisés à construire une maison sur la susdite parcelle no 1558.

Le 14 avril suivant, ledit Département a informé les demandeurs qu'ils ne pouvaient procéder à la construction projetée, en se fondant sur une délibération du Conseil municipal de la commune des Eaux-Vives, du 30 mars même année, portant un préavis défavorable; le Conseil municipal estimant qu'une voie de communication passant sur la place visée par les requérants, et partant du chemin Lombard, doit se relier en ligne directe au chemin Bertrand.

Ledit Département leur a envoyé, le 24 mai suivant, le plan joint à leur requête, sur lequel il avait figuré le tracé de la route que la commune des Eaux-Vives a demandé de réserver sur la propriété portant le no 1558 du cadastre, tracé et marqué par deux lignes noires pointillées.

Dans le courant de juin suivant, il est intervenu des essais d'arrangement entre sieur L'Huillier et les délégués de la commune des Eaux-Vives, relatifs à l'établissement de ce chemin ; ces délégués ont proposé de changer la direction du chemin projeté, ont marqué deux nouveaux tracés sur ledit plan, l'un en rouge et l'autre en vert, et ont déclaré qu'il serait facile de faire accepter le tracé vert si L'H. pouvait donner à la commune une garantie qu'il ne serait pas demandé de dommages-intérêts pour la démolition d'une partie de la vieille maison, faits qui sont établis par les documents versés au procès.

Ces essais d'arrangement n'ont pu aboutir et les demandeurs ont, par exploit du 12 août 1880, introduit la présente instance.

Les demandeurs estiment que l'arrêté du Département rend impossible la construction projetée, pour le but qu'elle devait atteindre, ou tout au moins que les modifications que le chemin projeté apporte à l'état actuel de la parcelle no 1558 leur causent un préjudice, et concluent préparatoirement, par application de l'art. 7 de ladite loi du 19 octobre 1878, à ce que des experts soient nommés aux fins de dire: si la maison qu'ils se proposent de construire sur ladite parcelle n'est pas devenue impossible par suite de l'arrêté pris par le Département des travaux publics, sur le vu de la délibération de la commune des Eaux-Vives du 30 mars, ou, si cette impossibilité n'était pas reconnue, dire si les modifications d'alignement imposées par cet arrêté ne leur causent pas un préjudice, eu égard surtout à la destination de la maison à construire.

La commune défenderesse oppose une fin de non-recevoir à l'action des demandeurs, fondée sur ce que l'autorité communale, qui a simplement été consultée, ne saurait être valablement actionnée en ce qui concerne l'estimation d'un état de choses qu'elle n'a pas créé; c'est à tort que les demandeurs ont intenté une action à la commune des Eaux-Vives, et ils sont non-recevables dans cette action.

Il faut examiner, en premier lieu, si cette fin de non-recevoir est fondée.

Attendu que le principal moyen de la défenderesse est basé sur ce fait qu'elle n'a donné qu'un préavis; que c'est le Département des travaux publics qui a fait défense aux demandeurs de procéder à la construction projetée (art. 3 et 4 de ladite loi du 10 octobre 1878); que c'est en son contradictoire seul que la procédure prévue par l'art. 7 de la susdite loi doit être dirigée ;

Attendu que, pour se rendre compte de la portée du préavis que l'autorité municipale est appelée à donner au Département des travaux publics, d'après le susdit art. 3, il est nécessaire de préciser l'étendue et les limites des attributions accordées aux communes par la Constitution et les lois qui régissent notre canton;

Attendu que l'art. 113, 2o de la Constitution du 24 mars 1847 statue : « La loi détermine les attributions des Conseils municipaux ; »

Que l'art. 12, § 9 de la loi du 30 janvier 1849 sur les attributions des Conseils municipaux statue: Le Conseil municipal délibère sur l'ouverture ou la suppression des chemins ou rues; sur l'expropriation forcée pour cause d'utilité communale; sur les projets généraux d'alignement, de voirie municipale, et sur tous les autres travaux d'utilité ou d'embellissement; >

Et que l'art. 16 de la même loi statue: Les délibérations des Conseils municipaux sont transmises au Conseil d'Etat. Elles sont exécutoires de plein droit, sans qu'il soit besoin de l'autorisation ou de l'approbation du Conseil d'Etat, à moins qu'il ne s'agisse des objets suivants, pour lesquels cette autorisation est nécessaire : § 5, de l'ouverture ou de la suppression de chemins ou rues, et de projets généraux d'alignement de voirie municipale; § 6, de l'expropriation forcée pour cause d'utilité communale ; ›

Que la loi du 25 février 1874 sur les routes et quelques autres objets relatifs à la voirie statue : Art. 15: Aucune route communale ne peut être établie ou supprimée sans l'autorisation du Conseil d'Etat; art. 16: L'Etat a la surveillance générale des routes com

munales; art. 17: Lorsqu'une commune, mise en demeure, par arrêté du Conseil d'Etat, de réparer ou d'entretenir une route, n'exécuterait pas les travaux nécessaires pour une bonne circulation, ces travaux peuvent être exécutés d'office par l'administration cantonale, aux frais de cette commune; >

Attendu qu'il résulte des textes ci-dessus visés, que c'est l'autorité communale qui délibère sur l'ouverture de chemins ou rues; que si ces délibérations ne sont exécutoires qu'ensuite de l'autorisation ou de l'approbation du Conseil d'Etat, rien dans ces lois n'autorise le Conseil d'Etat d'ordonner à une commune d'ouvrir un chemin nouveau ;

Que le seul cas où le Conseil d'Etat puisse contraindre une commune à exécuter des travaux de voirie, c'est celui où elle n'entretiendrait pas ses routes convenablement de manière à assurer une bonne circulation;

Attendu que cette disposition n'accorde pas au Conseil d'Etat le droit d'obliger une commune à créer une route nouvelle, mais à entretenir une route existante; que cette disposition, qui suppose une négligence de la commune, est nécessaire dans l'intérêt de la sécurité publique, et n'est qu'une application de l'art. 16 ci-dessus visé, qui accorde à l'Etat la surveillance générale des routes communales;

Attendu que ce sont les communes qui seules ont l'initiative pour délibérer sur l'ouverture de nouvelles routes, sous réserve seulement de l'approbation de leur décision par le Conseil d'Etat ;

Attendu que si le Conseil d'Etat pouvait ordonner d'office aux communes d'ouvrir des routes nouvelles, ce serait mettre la fortune communale à la disposition du Conseil d'Etat et leur imposer, sans ou même contre leur volonté, des charges onéreuses, peut-être ruineuses, qui, en fin de compte, retomberaient sur les contribuables; Attendu qu'une pareille thèse, exorbitante en soi, est antipathique aux notions sur l'indépendance des communes ;

Attendu que c'est en regard de ces principes, établis par la loi, qu'il faut interpréter le sens et la portée des mots préavis de la commune, employés dans l'art. 3 de ladite loi du 19 octobre 1878;

Attendu que le préavis donné au Département des travaux publics par la commune suppose nécessairement, de la part de celle-ci, une décision antérieure, ou tout au moins concomitante à ce préavis, d'établir une route communale sur l'emplacement sur lequel le propriétaire du sol demande l'autorisation d'élever une construction;

Que toute autre interprétation permettrait de supposer que la commune a donné un préavis défavorable par pur caprice, supposition que l'on ose à peine énoncer et que le Département se garderait de ratifier par une décision conforme;

Attendu que l'arrêté du Département, interdisant la construction, n'est donc rendu qu'en exécution d'une décision préalable de la commune, prise dans les limites de sa compétence, en toute liberté, sans qu'elle ait pu lui être imposée, et dans son intérêt exclusif;

Attendu que les tractations du mois de juin rappelées dans l'exposé de faits qui précède, dans lesquelles les commissaires de la commune se font forts d'obtenir des modifications au tracé du chemin fait par le Département, démontrent que celui-ci n'agit que sous l'inspiration de la commune et adhère volontiers aux propositions qu'elle lui adresse;

Attendu que si la loi charge le Département de prendre l'arrêté interdisant de bâtir, c'est que l'Autorité exécutive seule peut être nantie d'un pouvoir aussi grand, qui apporte des entraves à la libre disposition de la propriété, avant même que l'utilité publique ait été reconnue par le Pouvoir législatif, seul compétent pour la déclarer et autoriser l'expropriation;

Attendu qu'accorder aux communes un semblable pouvoir serait dangereux et en désharmonie avec toute notre législation sur les compétences respectives du Pouvoir exécutif et des Autorités communales;

Attendu que, dans ce cas, le Département n'est que l'instrument, mais l'instrument intelligent et libre d'apprécier, qui met à exécution les décisions de la commune ;

Attendu que si la commune ne s'opposait pas à la construction demandée, le Département n'aurait aucun motif pour l'interdire, l'Etat n'ayant ni un intérêt direct dans la question, ni, comme nous l'avons établi plus haut, le pouvoir de contraindre la commune à prendre une décision contraire ;

Attendu que la commune défenderesse ayant, dans sa liberté d'action, décidé l'ouverture du nouveau chemin qui fait l'objet du procès actuel, lequel doit être établi à ses frais, a le plus grand intérêt à ester dans cette instance;

Qu'elle a intérêt à pouvoir concourir à la désignation des experts; à pouvoir exercer des récusations, le cas échéant, à assister aux

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