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invité, ainsi que M. Spurzheim, à nos conférences. Ils ont bien voulu disséquer le cerveau devant nous; nous l'avons disséqué devant eux; nous avons ensuite répété seuls les observations qu'ils nous ont communiquées; nous avons cherché enfin à nous approprier momentanément leur manière de voir, et à en faire une exposition claire et précise que nous leur avons soumise, afin qu'ils reconnussent si nous avions bien saisi leurs idées.

C'est après avoir pris toutes ces précautions, que nous avons cherché à former notre jugement sur ce que ces idées peuvent avoir de neuf, sur ce qu'elles ont de vrai et sur la justesse des conséquences que les auteurs du Mémoire en tirent.

Nous allons vous présenter successivement dans le cours de ce rapport l'exposition que nous avons faite et le jugement que nous avons porté.

L'expérience a montré de bonne heure que le cerveau est l'instrument matériel de notre esprit et l'organe essentiel de la vie animale; elle a fait voir promptement aussi que le système nerveux tout entier prend une part fort active aux fonctions de la vie organique: il n'est donc point étonnant que les médecins, les anatomistes et les philosophes se soient occupés dans tous les siècles, avec une ardeur égale, d'un viscère de cette importance; c'est par son étude que l'histoire de l'anatomie commence et finit. Démocrite, Anaxagoras, dissé, quoient déjà le cerveau il y a près de trois mille ans: Haller, Vicq-d'Azyr et vingt anatomistes vivans l'ont disséqué de nos jours; mais, chose admirable, il n'en est aucun qui n'ait laissé encore des découvertes à faire à ses successeurs.

Sans doute on ne devoit pas s'attendre à trouver une explication physiologique de l'action du cerveau dans la vie animale, comparable à celle de l'action des autres viscères.

Dans ces derniers les causes et les effets sont de même nature: quand le cœur fait circuler le sang, c'est un mouvement qui produit un autre mouvement; quand l'estomac réduit les alimens en chyle, c'est le calorique, c'est l'humidité, c'est le suc gastrique, c'est la compression lente du tissu musculaire de ses parois qui réunissent leur action pour opérer à la fois une dissolution et une trituration plus ou moins fortes, selon l'espèce de l'animal et la nature de ses alimens.

Les fonctions du cerveau sont d'un ordre tout différent : elles consistent à recevoir par le moyen des nerfs et à transmettre immédiatement à l'esprit les impressions des sens, à conserver

les traces de ces impressions et à les reproduire avec plus ou moins de promptitude, de netteté et d'abondance quand l'esprit en a besoin pour ses opérations, ou quand les lois de l'association des idées les ramènent; enfin à transmettre aux muscles, toujours par le moyen des nerfs, les ordres de la volonté.

Or ces trois fonctions supposent l'influence mutuelle à jamais incompréhensible de la matière divisible et du moi indivisible, hiatus in franchissable dans le système de nos idées, et pierre éternelle d'achoppement de toutes les philosophies; elles se trouvent même avoir encore une difficulté qui ne tient pas nécessairement à la première : non-seulement nous ne comprenons ni ne comprendrons jamais comment des traces quelconques imprimées dans notre cerveau peuvent être perçues de notre esprit et y produire des images: mais quelque délicates que soient nos recherches, ces traces ne se montrent en aucune façon à nos yeux, et nous ignorons entièrement quelle est leur nature, quoique l'effet de l'âge et des maladies sur la mémoire ne nous laissent douter ni de leur existence ni de leur siége.

Il sembloit du moins que l'action du système nerveux sur la vie organique seroit plus facile à expliquer, puisqu'elle est purement physique, et l'on devoit espérer, à force de recherches, de découvrir clairement dans ce système quelque tissu, quelques entrelassemens ou directions de parties qui le rendissent plus ou moins analogue aux organes vasculaires ou sécrétoires. Il n'y avoit surtout aucune raison de douter qu'on ne pût en développer les diverses portions, assigner leurs connexions leur rapports, leurs terminaisons respectives, aussi aisément que dans les autres systèmes.

C'est ce qui n'est point arrivé. Le tissu du cerveau de la moëlle épinière et des nerfs est si fin, si mou, que tout ce que l'on a pu en dire jusqu'ici est mêlé de conjectures et d'hypothèses; et les diverses masses qui composent le cerveau sont si épaisses et si peu consistantes qu'il faut la plus grande dextérité pour rendre manifestes tous les détails de leur structure.

En un mot, aucun de ceux qui ont travaillé sur le cerveau n'est parvenu à établir rationnellement une relation positive entre la structure de ce viscère et ses fonctions même les plus évidemment physiques; les découvertes annoncées jusqu'ici sur son anatomie, se bornent à quelques circonstances dans les formes, les connexions ou le tissu de ses parties qui avoient

échappé à des anatomistes plus anciens; et toutes les fois qu'on a cru aller au-delà, l'on n'a fait autre chose qu'intercaler, entre la structure découverte et les effets connus, quelque hypothèse à peine capable de satisfaire un instant les esprits peu difficiles.

Méthodes nouvelles de dissection du cerveau, connexions' et directions nouvelles apperçues entre ses diverses masses et les élémens organiques qui les composent, particularités nouvelles remarquées dans quelques-unes de ses parties, voilà donc à quoi se réduisent jusqu'à présent toutes les découvertes réelles que l'on a pu faire.

Nous sommes loin cependant de mépriser ces résultats; ils nous frayent la route qui puisse un jour nous mener plus loin; et quoique nous ne connoissions pas encore toute l'étendue de cette route, nous sommes assurés du moins que chaque pas qu'on y fait nous rapproche du terme, d'une fraction quelconque de sa longueur.

Nous allons donc exposer et examiner, sous ces trois rapports de méthode, de connexion et de particularités, les découvertes annoncées par MM. Gall et Spurzheim.

Les anatomistes savent qu'il y a trois méthodes principales pour démontrer le cerveau.

La plus répandue dans les écoles et dans les ouvrages imprimés, est celle de Vésale, qui consiste à enlever successiment des tranches de cet organe, et à faire remarquer ce qui se présente à chaque coupe. C'est la plus facile dans la pratique pour la démonstration, mais c'est la plus pénible pour l'imagination. Les vrais rapports de ces parties, que l'on voit toujours coupées, échappent, non-seulement à l'élève, mais au maître; c'est à peu près comme si l'on divisoit le tronc en tranches successives, pour faire connoître la position et la figure des poumons, du cœur, de l'estomac, etc. Cependant cette méthode est encore à peu près la seule qui règne dans l'ouvrage le plus magnifique et l'un des plus estimables qui aient paru sur le cerveau, celui de Vicq-d'Azyr.

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Un seconde méthode qui altère beaucoup moins l'organe. qu'elle veut faire connoître, est celle de Willis, laquelle, autant qu'on peut en juger par la description obscure de Galien, ressemble à plusieurs égards à celle qu'employoient les anciens. Après avoir enlevé la pie-mère, on soulève les lobes postérieurs du cerveau, on pénètre entre les tubercules quadrijumeaux et la voûte, on coupe le pilier antérieur de celle-ci;

débridant les parties latérales des hémisphères, on rejette leur masse en avant de cette manière on voit bien le dessous de la voûte et du corps calleux, et l'on conserve dans leur intěgrité les grands et petits tubercules de l'intérieur; mais l'épaisseur des hémisphères en rend la pratique plus embarrassante dans l'homme que dans les autres animaux.

La troisième méthode est celle dont Varole avoit très-anciennement donné une ébauche, et que Vieussens a employée avec plus de suite et de détail. On y attaque le cerveau pardessous, on suit la moëlle alongée au travers du pont de Varole, des couches optiques, des corps cannelés; on voit ses fibres s'épanouir pour former les hémisphères; on peut même au besoin étendre les hémisphères en débridant leurs attaches latérales aux jambes du cerveau, fendre longitudinalement la moëlle et le cervelet, et alors on voit chaque moitié de la première former une sorte de pédicule qui s'implante dans l'hé misphère de son côté, comme la tige d'un champignon dans son chapeau.

Cette méthode a le très-grand avantage de donner plus de facilité pour suivre la direction des fibres medullaires, seule circonstance qui puisse nous fournir quelque idée sur la marche des fonctions cérébrales, et il est probable qu'elle auroit plus de vogue si Varole né l'avoit exprimée par une figure extrêmement grossière, et si l'ouvrage de Vieussens n'étoit toujours resté, on ne sait pourquoi, dans une sorte de discrédit qu'il ne méritoit point du tout.

C'est à peu près cette méthode de Varole que suivent MM. Gall et Spurzheim, et qu'une partie de leur Mémoire est consacrée à défendre: peine assurément très-inutile, car un organe aussi compliqué que le cerveau doit être examiné par toutes ses faces, il faut y pénétrer dans tous les sens, et chaque fois que l'on trouve un procédé qui fait reconnoître quelque nouvelle circonstance, on mérite bien de l'anatomie.

C'est donc par leurs résultats que nous jugerons leur méthode, et pour cet effet nous allons commencer par les exposer et par les comparer avec ceux qu'on avoit obtenus

avant eux.

On sait que l'opinion la plus généralement reçue touchant l'organisation intime du cerveau, c'est que la substance corticale des hémisphères et du cervelet, de nature presque entièrement vasculaire, est une sorte d'organe sécrétoire; que la substance médullaire, presque partout d'apparence fibreuse

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est un amas de vaisseaux excréteurs ou au moins de filamens conducteurs ; que tous les nerfs sont des émanations de cette substance des faisceaux de ces vaisseaux, que la moëlle alongée et épinière est elle-même un faisceau plus grand que les autres, dont les différentes paires de nerfs spinaux se détachent successivement; que les nerfs appelés cérébraux enfin sont ceux qui se détachent les premiers de la grande masse médullaire de l'encéphale. En conséquence on fait descendre du cerveau et le long des nerfs toutes les influences du système nerveux sur la vie organique, ainsi que toutes les impulsions de la volonté, et l'on fait remonter par le même chemin les impressions reçues des sens extérieurs; mais par une contradiction singulière, en même temps qu'on fait tenir originairement la substance médullaire, et par conséquent les nerfs, à toute l'étendue de la substance corticale, plusieurs se croient obligés de chercher quelque endroit circonscrit duquel tous les nerfs partent, ou, ce qui revient au même, auquel tous les nerfs aboutissent, c'est-à-dire ce que l'on appelle en anatomie le siège de l'ame.

On ne peut guère disconvenir que ce n'ait été là, pendant bien long-temps, l'opinion la plus répandue, et qu'elle ne le soit encore beaucoup aujourd'hui, quoique les esprits sages ne l'aient jamais présentée que comme une hypothèse très légèrement appuyée sur les faits.

Plusieurs de ses partisans se laissoient cependant aller à des doutes et à des contradictions. Haller, par exemple, dit dans un endroit, qu'il répugne de croire qu'il naisse des fibrilles médullaires ailleurs que dans le cerveau (1); dans un autre, que tout nerf vient définitivement de la moëlle du cerveau du cervelet (2); tandis que dans un troisième (3), il suppose que la matière grise de la moëlle de l'épine peut en produire comme celle du cerveau.

En effet cette distribution de matière cendrée en différens endroits du système nerveux, étoit un fort argument contre cette importance exclusive accordée à l'encéphale, et il s'y en joignoit encore beaucoup d'autres.

On pouvoit remarquer à chaque instant que l'action nerveuse sur la vie organique continue pendant quelque temps, quand

(1) Phys. IV, p. 385.
(2) Ibid., pag. 393.
(3) Ibid., pag. 384.

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