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flexibilité de l'esprit de parti, que ces hommes. qui défendoient tout ce qu'il y avoit d'honnêtes gens en France, ne pouvoient se flatter d'obtenir quelque intérêt par leurs efforts. Ils luttoient, ils succomboient, ils périssoient, sans que le bruit avant-coureur de l'avenir pût leur promettre quelque récompense. Les royalistes constitutionnels eux-mêmes étoient assez insensés pour désirer le triomphe des terroristes, afin d'être ainsi vengés des républicains. Vainement ils savoient que ces terroristes les proscrivoient, l'orgueil irrité l'emportoit sur tout; ils oublioient, en se livrant ainsi à leurs ressentimens, la règle de conduite dont il ne faut jamais s'écarter en politique : c'est de se rallier toujours au parti le moins mauvais parmi ses adversaires, lors même que ce parti est encore loin de votre propre manière de voir.

La disette des subsistances, l'abondance des assignats, et l'enthousiasme excité par la guerre furent les trois grands ressorts dont le comitê de salut public se servit, pour animer et dominer le peuple tout ensemble. Il l'effrayoit, ou le payoit, ou le faisoit marcher aux frontières, selon qu'il lui convenoit de s'en servir. L'un des députés à la convention disoit : « Il » faut continuer la guerre, afin que les convul

»sions de la liberté soient plus fortes. » On ne peut savoir si ces douze membres du comité de salut public avoient dans leur tête l'idée d'un gouvernement quelconque. Si l'on en excepte la conduite de la guerre, la direction des affaires n'étoit qu'un mélange de grossièreté et de férocité, dans lequel on ne peut découvrir aucun plan, hors celui de faire massacrer la moitié de la nation par l'autre. Car il étoit si facile d'être considéré par les jacobins comme faisant partie de l'aristocratie proscrite, que la moitié des habitans de la France encouroit le soupçon qui suffisoit pour conduire à la mort.

L'assassinat de la reine et de madame Élisabeth causa peut-être encore plus d'étonnement et d'horreur que l'attentat commis contre la personne du roi ; car on ne sauroit attribuer à ces forfaits épouvantables d'autre but que l'effroi même qu'ils inspiroient. La condamnation de M. de Malesherbes, de Bailly, de Condorcet, de Lavoisier, décimoit la France de sa gloire; quatre-vingts personnes étoient immolées chaque jour, comme si le massacre de la Saint-Barthélemi devoit se renouveler goutte à goutte. Une grande difficulté s'offroit à ce gouvernement, si l'on peut l'appeler ainsi ; c'est qu'il falloit à la fois se servir de tous les moyens

de la civilisation pour faire la

guerre, et de toute la violence de l'état sauvage pour exciter les passions. Le peuple, et même les bourgeois n'étoient point atteints par les malheurs des classes élevées; les habitans de Paris se promenoient dans les rues comme les Turcs pendant la peste, avec cette seule différence que les hommes obscurs pouvoient assez facilement se préserver du danger. En présence des supplices, les spectacles étoient remplis comme à l'ordinaire; on publioit des romans intitulés : Nouveau voyage sentimental, l'Amitié dangereuse, Ursule et Sophie; enfin, toute la fadeur et toute la frivolité de la vie subsistoient à côté de ses plus sombres fureurs.

Nous n'avons point tenté de dissimuler ce qu'il n'est pas au pouvoir des hommes d'effacer de leur souvenir; mais nous nous hâtons, pour respirer plus à l'aise, de rappeler dans le chapitre suivant les vertus qui n'ont pas cessé d'honorer la France, même à l'époque la plus horrible de son histoire.

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De l'Armée françoise pendant la terreur; des Fédéralistes et de la Vendée.

La conduite de l'armée françoise pendant le temps de la terreur a été vraiment patriotique. On n'a point vu de généraux traîtres à leur serment envers l'état ; ils repoussoient les étrangers, tandis qu'ils étoient eux-mêmes menacés de périr sur l'échafaud, au moindre soupçon suscité contre leur conduite. Les soldats n'appartenoient point à tel ou tel chef, mais à la France. La patrie ne consistoit plus que dans les armées; mais là, du moins, elle étoit encore belle, et ses bannières triomphantes servoient, pour ainsi dire, de voile aux forfaits commis dans l'intérieur. Les étranétoient forcés de respecter le rempart de gers fer qu'on opposoit à leur invasion; et bien qu'ils se soient avancés jusqu'à trente lieues de Paris, un sentiment national, encore dans toute sa force, ne leur permit pas d'y arriver. Le même enthousiasme se manifestoit dans la

marine; l'équipage d'un vaisseau de guerre,

le Vengeur, foudroyé par les Anglois, répétoit comme en concert le cri de Vive la république! en s'enfonçant dans la mer, et les chants d'une joie funèbre sembloient retentir encore du fond de l'abîme.

L'armée françoise ne connoissoit pas alors le pillage, et ses chefs marchoient quelquefois comme les plus simples soldats à la tête de leurs troupes, parce que l'argent leur manquoit pour acheter les chevaux dont ils auroient eu besoin. Dugommier, général en chef de l'armée des Pyrénées, à l'âge de soixante ans, partit de Paris à pied pour aller rejoindre ses troupes sur les frontières d'Espagne. Les hommes que la gloire des armes a tant illustrés depuis, se distinguoient aussi par leur désintéressement. Ils portoient sans rougir des habits usés par la guerre, et plus honorables cent fois que les broderies et les décorations de toute espèce dont, plus tard, on les a vus chamarrés. Les républicains honnêtes, mêlés à des royalistes, résistèrent avec courage au gouvernement conventionnel, à Toulon, à Lyon, et dans quelques autres départemens. Ce parti fut appelé du nom de fédéralistes; mais je ne crois pas cependant que les Girondins, ou leurs partisans, aient jamais conçu le projet d'établir un

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