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Chute de Robespierre, et changement de système dans le

gouvernement.

Les hommes et les femmes que l'on conduisoit à l'échafaud faisoient preuve d'un courage imperturbable; les prisons offroient l'exemple des actes de dévouement les plus généreux; on vit des pères s'immoler pour leurs fils, des femmes pour leurs époux; mais le parti des honnêtes gens, comme le roi lui-même, ne se montra capable que des vertus privées. En général, dans un pays où il n'y a point de liberté, l'on ne trouve d'énergie que dans les factieux ; mais en Angleterre l'appui de la loi, et le sentiment de la justice, rendent la résistance des classes supérieures tout aussi forte que pourroit l'être l'attaque de la populace. Si la division ne s'étoit pas mise entre les députés de la convention euxmêmes, on ne sait combien de temps l'atroce gouvernement du comité de salut public auroit duré.

Ce comité n'étoit point composé d'hommes d'un talent supérieur; la machine de ter

reur, dont les ressorts avoient été montés par les événemens, exerçoit seule la toute-puissance. Le gouvernement ressembloit à l'affreux instrument qui donnoit la mort : on y voyoit la hache plutôt que la main qui la faisoit mouvoir. Il suffisoit d'une question pour renverser le pouvoir de ces hommes; c'étoit : combien sont-ils? Mais on mesuroit leur force à l'atrocité de leurs crimes, et personne n'osoit les attaquer. Ces douze membres du comité de salut public se défioient les uns des autres, comme la convention se défioit d'eux, comme ils se défioient d'elle; comme l'armée, le peuple et les révolutionnaires se craignoient mutuellement. Aucun nom ne restera de cette époque excepté Robespierre. Il n'étoit cependant ni plus habile ni plus éloquent que les autres ; mais son fanatisme politique avoit un caractère de calme et d'austérité qui le faisoit redouter de tous ses collègues.

J'ai causé une fois avec lui chez mon père en 1789, lorsqu'on ne le connoissoit

que comme un avocat de l'Artois, très-exagéré dans ses principes démocratiques. Ses traits étoient ignobles, son teint pâle, ses veines d'une couleur verte; il soutenoit les thèses les plus absurdes avec un sang-froid qui avoit l'air de la convic

dans les commen

tion; et je croirois assez que, cemens de la révolution, il avoit adopté de bonne foi, sur l'égalité des fortunes aussi-bien que sur celle des rangs, de certaines idées attrapées dans ses lectures, et dont son caractère envieux et méchant s'armoit avec plaisir. Mais il devint ambitieux lorsqu'il eut triomphé de son rival en démagogie, Danton, le Mirabeau de la populace. Ce dernier étoit plus spirituel que Robespierre, plus accessible à la pitié; mais on le soupçonnoit avec raison de pouvoir être corrompu par l'argent, et cette foiblesse finit toujours par perdre les démagogues; car le peuple ne peut souffrir ceux qui s'enrichissent: c'est un genre d'austérité dont rien ne sauroit l'engager à se départir.

Danton étoit un factieux, Robespierre un hypocrite; Danton vouloit du plaisir, Robespierre seulement du pouvoir; il envoyoit à l'échafaud les uns comme contre-révolutionnaires, les autres comme ultra-révolutionnaires. Il y avoit quelque chose de mystérieux dans sa façon d'être, qui faisoit planer une terreur inconnue au milieu de la terreur ostensible que le gouvernement proclamoit. Jamais il n'adopta les moyens de popularité généralement reçus alors: il n'étoit point mal vêtu; au contraire, il

portoit seul de la poudre sur ses cheveux, ses habits étoient soignés, et sa contenance n'avoit rien de familier. Le désir de dominer le portoit, sans doute, à se distinguer des autres dans le moment même où l'on vouloit en tout l'égalité. L'on aperçoit aussi les traces d'un dessein secret, dans les discours embrouillés qu'il tenoit à la convention, et qui rappellent, à quelques égards, ceux de Cromwell. Il n'y a guère cependant qu'un chef militaire qui puisse devenir dictateur. Mais alors le pouvoir civil étoit bien plus influent que le pouvoir militaire; l'esprit républicain portoit à la défiance contre tous les généraux victorieux; les soldats eux-mêmes livroient leurs chefs, aussitôt qu'il s'élevoit la moindre inquiétude sur leur bonne foi. Les dogmes politiques, si ce nom peut convenir à de tels égaremens, régnoient alors et non les hommes. On vouloit quelque chose d'abstrait dans l'autorité, pour que tout le monde fût censé y avoir part. Robespierre avoit acquis la réputation d'une haute vertu démocratique, on le croyoit incapable d'une vue personnelle : dès qu'on l'en soupçonna, sa puissance fut ébranlée.

L'irréligion la plus indécente servoit de levier au bouleversement de l'ordre social. Il y

avoit une sorte de conséquence à fonder le crime sur l'impiété; c'est un hommage rendu à l'union intime des opinions religieuses avec la morale. Robespierre imagina de faire célébrer la fête de l'Être Suprême, se flattant sans doute de pouvoir appuyer son ascendant politique sur une religion arrangée à sa manière ; ainsi que l'ont fait souvent ceux qui ont voulu s'emparer de l'autorité. Mais, à la procession de cette fête impie, il s'avisa de passer le premier, pour s'arroger la prééminence sur ses collègues, et dès lors il fut perdu. L'esprit du moment et les moyens personnels de l'homme ne se prêtoient point à cette entreprise. D'ailleurs, on savoit qu'il ne connoissoit d'autre manière d'écarter ses concurrens faire périr par le tribunal révolutionnaire, qui donnoit au meurtre un air de légalité. Les collègues de Robespierre, non moins abominables que lui, Collot - d'Herbois, Billaud-Varennes, l'attaquèrent pour se sauver eux-mêmes: l'horreur du crime ne leur inspira point cette résolution; ils pensoient à tuer un homme, mais non à changer de gouvernement.

, que

de les

Il n'en étoit pas ainsi de Tallien, l'homme du 9 thermidor, ni de Barras, chef de la force armée ce jour-là, ni de plusieurs autres con

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