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ventionnels qui se réunirent à eux contre Robespierre. Ils voulurent, en le renversant, briser du même coup le sceptre de la terreur. On vit donc cet homme qui avoit signé pendant plus d'une année un nombre inouï d'arrêts de mort, couché tout sanglant sur la table même où il apposoit son nom à ces sentences funestes. Sa mâchoire étoit brisée d'un coup de pistolet, il ne pouvoit pas même parler pour se défendre lui qui avoit tant parlé pour proscrire ! Ne diroit-on pas que la justice divine ne dédaigne pas, en punissant, de frapper l'imagination des hommes par toutes les circonstances qui peuvent le plus agir sur elle !

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CHAPITRE XX.

De l'état des esprits au moment où la république directoriale s'est établie en France.

Le règne de la terreur doit être uniquement attribué aux principes de la tyrannie; on les y retrouve tout entiers. Les formes populaires adoptées par ce gouvernement n'étoient qu'une sorte de cérémonial qui convenoit à ces despotes farouches; mais les membres du comité de salut public professoient à la tribune même le code du machiavélisme, c'est-à-dire, le pouvoir fondé sur l'avilissement des hommes; ils avoient seulement soin de traduire en termes nouveaux ces vieilles maximes. La liberté de la presse leur étoit bien plus odieuse encore qu'aux anciens états féodaux ou théocratiques; ils n'accordoient aucune garantie aux accusés, ni par les lois, ni par les juges. L'arbitraire sans bornes étoit leur doctrine; il leur suffisoit de. donner pour prétexte à toutes les violences le nom propre de leur gouvernement, le salut public funeste expression, qui renferme le sacrifice de la morale à ce qu'on est convenu

TOME II.

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d'appeler l'intérêt de l'état, c'est-à-dire, aux passions de ceux qui gouvernent!

Depuis la chute de Robespierre jusqu'à l'établissement du gouvernement républicain sous la forme d'un directoire, il y a eu un intervalle d'environ quinze mois, qu'on peut considérer comme la véritable époque de l'anarchie en France. Rien ne ressemble moins à la terreur que ce temps, quoiqu'il se soit encore commis bien des crimes alors. On n'avoit point renoncé au funeste héritage des lois de Robespierre; mais la liberté de la presse commençoit à renaître, et la vérité avec elle. Le vœu général étoit de fonder des institutions sages et libres, et de se débarrasser des hommes qui avoient gouverné pendant le règne du sang. Toutefois rien n'étoit si difficile que de satisfaire à ce double désir; car la convention tenoit encore l'autorité dans ses mains, et beaucoup d'amis de la liberté craignoient que la contre-révolution n'eût lieu, si l'on otoit le pouvoir à ceux dont la vie étoit compromise par le rétablissement de l'ancien régime. C'est une pauvre garantie, cependant, que celle des forfaits qu'on a commis au nom de la liberté; il s'ensuit bien qu'on redoute le retour des hommes qu'on a fait souffrir; mais on est tout prêt

à sacrifier ses principes à sa sûreté, si l'occasion s'en présente.

Ce fut donc un grand malheur pour la France que d'être obligée de remettre la république entre les mains des conventionnels. Quelques-uns étoient doués d'une grande habileté ; mais ceux qui avoient participé au gouvernement de la terreur devoient nécessairement y avoir contracté des habitudes serviles et tyranniques tout ensemble. C'est dans cette école que Bonaparte a pris plusieurs des hommes qui, depuis, ont fondé sa puissance; comme ils cherchoient avant tout un abri, ils n'étoient rassurés que par le despotisme.

La majorité de la convention vouloit punir quelques-uns des députés les plus atroces qui l'avoient opprimée; mais elle traçoit la liste des coupables d'une main tremblante, craignant toujours qu'on ne pût l'accuser elle-même des lois qui avoient servi de justification ou de prétexte à tous les crimes. Le parti royaliste envoyoit des agens au dehors, et trouvoit des partisans dans l'intérieur, par l'irritation même qu'excitoit la durée du pouvoir conventionnel. Néanmoins, la crainte de perdre tous les avantages de la révolution rattachoit le peuple et les soldats à l'autorité existante. L'armée se bat

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toit toujours contre les étrangers avec la même énergie, et ses exploits avoient déjà obtenu une paix importante pour la France, le traité de Bâle avec la Prusse. Le peuple aussi, l'on doit le dire, supportoit des maux inouïs avec une persévérance étonnante; la disette d'une part, et la dépréciation du papier monnoie de l'autre, réduisoient la dernière classe de la société à l'état le plus misérable. Si les rois de France avoient fait subir à leurs sujets la moitié de ces souffrances, on se seroit révolté de toutes parts. Mais la nation croyoit se dévouer à la patrie, et rien n'égale le courage inspiré par une telle conviction.

La Suède ayant reconnu la république françoise, M. de Staël résidoit à Paris comme ministre. J'y passai quelques mois pendant l'année 1795, et c'étoit vraiment alors un spectacle bien bizarre que la société de Paris. Chacun de nous sollicitoit le retour de quelques émigrés de ses amis. J'obtins à cette époque plusieurs rappels; en conséquence le député Legendre, homme presque du peuple, fit une dénonciation contre moi à la tribune de la convention. L'influence des femmes, l'ascendant de la bonne compagnie, ce qu'on appeloit vulgairement les salons dorés, sembloient très - redoutables à

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