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un parti très-décidé à ramener l'ancien régime, et le général Pichegru en étoit un des principaux instrumens.

Le directoire, en tant que conservateur de sa propre existence politique, avoit de grandes raisons de se mettre en défense; mais comment le pouvoit-il? Les défauts de la constitution que M. Necker avoit si bien signalés, rendoient très-difficile au gouvernement de résister légalement aux attaques des conseils. Celui des anciens inclinoit à défendre les directeurs, seulement parce qu'il tenoit, quoique bien imparfaitement, la place d'une chambre des pairs; mais comme les députés de ce conseil n'étoient point nommés à vie, ils avoient peur de se dépopulariser en soutenant des magistrats repoussés par l'opinion publique. Si le gouvernement avoit eu le droit de dissoudre les cinq cents, la simple menace d'user de cette prérogative auroit suffi pour les contenir. Enfin si le pouvoir exécutif avoit pu opposer un veto même suspensif, aux décrets des conseils, il se seroit contenté des moyens dont la loi l'eût armé pour se maintenir. Mais ces mêmes magistrats, dont l'autorité étoit si bornée, avoient une grande force comme faction révolutionnaire; et ils n'étoient pas assez scrupuleux pour

se laisser battre selon les règles de l'escrime constitutionnelle, quand ils n'avoient qu'à recourir à la force pour se débarrasser de leurs adversaires. On vit, dans cette occasion, ce qu'on verra toujours, l'intérêt personnel de quelques individus renverser les barrières de la loi, si ces barrières ne sont pas construites de manière à se maintenir par elles-mêmes.

Deux directeurs, Barthélemy et Carnot, étoient du parti des conseils représentatifs. Certainement on ne pouvoit soupçonner Carnot de souhaiter le retour de l'ancien régime; mais il ne vouloit pas, ce qui lui fait honneur, adopter des moyens illégaux pour repousser l'attaque du pouvoir législatif. La majorité du directoire, Rewbell, Barras et la Réveillère, hésitèrent quelque temps entre deux auxiliaires dont ils pouvoient également disposer; le parti jacobin, et l'armée. Ils eurent peur avec raison du premier, c'étoit une arme bien redoutable encore que les terroristes, et celui qui s'en servoit, pouvoit être terrassé par elle. Les directeurs crurent donc qu'il valoit mieux faire venir des adresses des armées, et demander au général Bonaparte, celui de tous les commandans en chef qui se prononçoit alors le plus fortement contre les conseils, d'envoyer un de ses géné

raux de brigade à Paris pour être aux ordres du directoire. Bonaparte choisit le général Augereau ; c'étoit un homme très-décidé dans l'action, et peu capable de raisonnement, ce qui le rendoit un excellent instrument du despotisme, pourvu que ce despotisme s'intitulât révolution.

Par un contraste singulier, le parti royaliste des deux conseils invoquoit les principes républicains, la liberté de la presse, celle des suffrages, toutes les libertés enfin, surtout celle de renverser le directoire. Le parti populaire, au contraire, se fondoit toujours sur les circonstances, et défendoit les mesures révolutionnaires qui servoient de garantie momentanée au gouvernement. Les républicains se voyoient contraints à désavouer leurs propres principes, parce qu'on les tournoit contre eux; et les royalistes empruntoient les armes des républicains pour attaquer la république. Cette bizarre combinaison des armes troquées dans le combat, s'est représentée dans d'autres circonstances. Toutes les minorités invoquent la justice, et la justice c'est la liberté. L'on ne peut juger un parti que par la doctrine qu'il professe quand il est le plus fort.

Néanmoins, quand le directoire prit la fu

pandu le bruit qu'il avoit été guidé par les conseils d'un autre à la guerre ; je ne sais ce qui en étoit, mais cela pouvoit se croire, parce que son regard et son entretien étoient si ternes, qu'ils ne donnoient pas l'idée qu'il fût propre à devenir le chef d'aucune entreprise. Néanmoins son courage et sa persévérance politique ont, depuis, mérité l'intérêt autant que son malheur.

Quelques membres du conseil des anciens, ayant à leur tête l'intrépide et généreux vieillard Dupont de Nemours et le respectable BarbéMarbois, se rendirent à pied à la salle de leurs séances, et, après avoir constaté la que porte leur en étoit fermée, ils revinrent de même, passant au milieu des soldats alignés, sans que le peuple qui les regardoit comprît qu'il s'agissoit de ses représentans, opprimés par la force armée. La crainte de la contre-révolution avoit malheureusement désorganisé l'esprit public : on ne savoit où saisir la cause de la liberté entre ceux qui la déshonoroient et ceux qu'on accusoit de la haïr. On condamna les hommes les plus honorables, Barbé - Marbois, Tronçon-Ducoudray, Camille Jordan, etc., à la déportation outre-mer. Des mesures atroces suivirent cette première violation de toute justice.

La dette publique fut réduite de deux tiers, et l'on appela cette opération, la mobiliser; tant les François sont habiles à trouver des mots qui semblent doux pour les actions les plus dures! Les prêtres et les nobles furent proscrits de nouveau avec une impitoyable barbarie. On abolit la liberté de la presse, car elle est inconciliable avec l'exercice du pouvoir arbitraire. L'invasion de la Suisse, le projet insensé d'une descente en Angleterre éloignèrent tout espoir de paix avec l'Europe. On évoqua l'esprit révolutionnaire, mais il reparut sans l'enthousiasme qui l'avoit jadis animé; et, comme l'autorité civile ne s'appuyoit point sur la justice, sur la magnanimité, enfin, sur aucune des grandes qualités qui doivent la caractériser, l'ardeur patriotique se tourna vers la gloire militaire, qui, du moins alors, pouvoit satisfaire l'imagina

tion.

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