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gères, sans s'appuyer sur une portion quelconque des hommes du pays. Mais ces hommes, quelque prononcés qu'ils fussent en faveur de la liberté, ont eu peine à maintenir leur popula, parce qu'ils s'étoient ralliés à la toutepuissance des François.

rité,

Lorsque le général Bonaparte fut à la tête de la France, il fit la guerre pour augmenter son empire, cela se conçoit; mais bien que le directoire désirât aussi de s'emparer de la Suisse, comme d'une position militaire avantageuse, son principal but étoit d'étendre le système républicain en Europe. Or, comment pouvoit-il se flatter d'y parvenir, en contraignant l'opinion des peuples,, et surtout de ceux qui, comme les Suisses, avoient le droit de se croire les plus anciens amis de la liberté? La violence ne convient qu'au despotisme, aussi s'est-elle enfin montrée sous son véritable nom, sous celui d'un chef militaire; mais le directoire y préluda par des mesures tyranniques.

Ce fut encore par une suite de ces combinaisons, moitié abstraites et moitié positives, moitié révolutionnaires et moitié diplomates, que le directoire voulut réunir Genève à la France; il commit à cet égard une injustice d'autant plus révoltante, qu'elle étoit en oppo

sition avec tous les principes qu'il professoit. On ôtoit à un petit état libre son indépendance, malgré le vœu bien prononcé de ses habitans; on anéantissoit complétement la valeur morale d'une république, berceau de la réformation, et qui avoit produit plus d'hommes distingués qu'aucune des plus grandes provinces de France; enfin le parti démocratique faisoit ce qu'il eût considéré comme un crime dans ses adversaires. En effet, que n'auroit-on pas dit des rois ou des aristocrates qui eussent voulu ôter à Genève son existence individuelle? Car les états aussi en ont une. Les François retiroient-ils de cette acquisition ce qu'elle faisoit perdre à la richesse de l'esprit humain en général, et la fable de la poule aux oeufs d'or ne peut-elle pas s'appliquer aux petits états indépendans que les grands sont jaloux de posséder? On détruit par la conquête les biens même dont on désiroit la possession.

Mon père, par la réunion de Genève, se trouvoit François légalement, lui qui l'avoit toujours été par ses sentimens et par sa carrière. Il falloit donc qu'il obtînt sa radiation de la liste des émigrés pour vivre en sûreté dans la Suisse, alors occupée par les armées du directoire. II me remit, pour le porter à Paris, un mémoire,

véritable chef-d'œuvre de dignité et de logique. Le directoire, après l'avoir lu, fut unanime dans la résolution de rayer M. Necker; et quoique cet acte fût de la justice la plus évidente, j'en conserverai toujours de la reconnoissance, tant j'en éprouvai de plaisir.

Je traitai alors avec le directoire pour le paiement des deux millions que mon père avoit laissés en dépôt au trésor public. Le gouvernement reconnut la dette, mais il offrit de la payer en biens du clergé, et mon père s'y refusa: non qu'il prétendît adopter ainsi la couleur de ceux qui considèrent la vente de ces biens comme illégitime, mais parce que, dans aucune circonstance, il n'avoit voulu réunir ses opinions à ses intérêts, afin qu'il ne pût exister le moindre doute sur sa parfaite impartialité.

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CHAPITRE XXIX.

De la fin du directoire.

APRÈS le coup funeste que la force militaire avoit porté, le 18 fructidor, à la considération des représentans du peuple, le directoire se maintint encore, comme on vient de le voir, pendant près de deux années, sans aucun changement extérieur dans son organisation. Mais le principe de vie qui l'avoit animé, n'existoit plus; et l'on auroit pu dire de lui comme du géant dans l'Arioste, qu'il combattoit encore, oubliant qu'il étoit mort. Les élections, les délibérations des conseils, ne présentoient aucun intérêt, puisque les résultats en étoient toujours connus d'avance. Les persécutions qu'on faisoit subir aux nobles et aux prêtres, n'étoient plus même provoquées par la haine populaire ; la guerre n'avoit plus d'objet, puisque l'indépendance de la France et la limite du Rhin étoient assurées. Mais loin de rattacher l'Europe à la France, les directeurs commençoient déjà l'œuvre funeste que Napoléon a si cruellement terminée : ils inspiroient aux nations autant

d'aversion pour le gouvernement françois, que les princes seuls en avoient d'abord éprouvé.

On proclama la république romaine du haut du Capitole, mais il n'y avoit de républicains dans la Rome de nos jours que les statues; et c'étoit n'avoir aucune idée de la nature de l'enthousiasme, que d'imaginer qu'en le contrefaisant on le feroit naître. Le consentement libre des peuples peut seul donner aux institutions. politiques une certaine beauté native et spontanée, une harmonie naturelle qui garantisse leur durée. Le monstrueux système du despotisme dans les moyens, sous prétexte de la liberté dans le but, ne créoit que des gouvernemens à ressort, qu'il falloit remonter sans cesse, et qui s'arrêtoient dès qu'on cessoit de les faire marcher. On donnoit des fêtes à Paris avec des costumes grecs et des chars antiques; mais rien n'étoit fondé dans les âmes, et l'immoralité seule faisoit des progrès de toutes parts; car l'opinion publique ne récompensoit ni n'intimidoit personne.

Une révolution avoit eu lieu dans l'intérieur du directoire comme dans l'intérieur d'un sérail, sans que la nation y prît la moindre part. Les nouveaux choix étoient tombés sur des hommes tellement vulgaires, que la France, tout-à-fait

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