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positions de la France, Bonaparte eût dès cet instant adopté un système pacifique. Rien n'étoit plus contraire à sa nature et à son intérêt. Il ne sait vivre que dans l'agitation; et, si quelque chose peut plaider pour lui auprès de ceux qui réfléchissent sur l'être humain, c'est qu'il ne respire librement que dans une atmosphère volcanique; son intérêt aussi lui conseilloit la guerre.

Tout homme, devenu chef unique d'un grand pays autrement que par l'hérédité, peut difficilement s'y maintenir, s'il ne donne pas à la nation de la liberté ou de la gloire militaire, s'il n'est pas Washington ou un conquérant. Or, comme il étoit difficile de ressembler moins à Washington que Bonaparte, il ne pouvoit établir et conserver un pouvoir absolu qu'en étourdissant le raisonnement; qu'en présentant, tous les trois mois, aux François une perspective nouvelle, afin de suppléer, par la grandeur et la variété des événemens, à l'émulation honorable, mais tranquille, dont les peuples libres sont appelés à jouir.

Une anecdote peut servir à faire connoître comment, dès les premiers jours de l'avénement de Bonaparte au consulat, ses alentours savoient déjà de quelle façon servile il falloit s'y

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prendre pour lui plaire. Parmi les argumens allégués par lord Grenville pour ne pas faire la paix avec Bonaparte, il y avoit, que le gouvernement du premier consul tenant à lui seul, on ne pouvoit fonder une paix durable sur la vie d'un homme. Ces paroles irritèrent le premier consul; il ne pouvoit souffrir qu'on discutât la chance de sa mort. En effet, quand on ne rencontre plus d'obstacle dans les honmes, on s'indigne contre la nature qui seule est inflexible; il nous est à nous autres plus facile de mourir ; nos ennemis, souvent même nos amis, tout notre sort enfin nous y prépare. L'homme chargé de réfuter dans le Moniteur la réponse de lord Grenville, se servit de ces expressions: Quant à la vie et à la mort de Bonaparte, ces choses-là, mylord, sont au-dessus de votre portée. Ainsi le peuple de Rome appeloit les empereurs Votre Éternité. Bizarre destinée de l'espèce humaine, condamnée à rentrer dans le même cercle par les passions, tandis qu'elle avance toujours dans la carrière des idées! Le traité d'Amiens fut conclu, lorsque les succès de Bonaparte en Italie le rendoient déjà maître du continent; les conditions en étoient très-désavantageuses pour les Anglois, et pendant l'année qu'il subsista, Bonaparte se per

mit des empiétemens tellement redoutables, qu'après la faute de signer ce traité, celle de ne pas le rompre eût été la plus grande. A cette époque, en 1803, malheureusement pour l'esprit de liberté en Angleterre, et par conséquent sur le continent dont elle est le fanal, le parti de l'opposition, ayant à sa tête M. Fox, fit entièrement fausse route par rapport à Bonaparte; et dès lors ce parti, si honorable d'ailleurs, a perdu dans la nation l'ascendant qu'il eût été désirable à d'autres égards de lui voir conserver. C'étoit déjà beaucoup trop que d'avoir défendu la révolution françoise sous le règne de la terreur; mais quelle faute, s'il se peut, plus dangereuse encore, que de considérer Bonaparte comme tenant aux principes de cette révolution dont il étoit le plus habile destructeur! Sheridan, qui par ses lumières et ses talens avoit de quoi faire la gloire de l'Angleterre et la sienne propre, montra clairement à l'opposition le rôle qu'elle devoit jouer, dans le discours éloquent qu'il prononça à l'occasion de la paix d'Amiens.

<<< La situation de Bonaparte et l'organisa>>tion de son pouvoir sont telles, dit Sheridan, » qu'il doit entrer avec ses sujets dans un terri» ble échange; il faut qu'il leur promette de les

>> rendre les maîtres du monde, afin qu'ils con>> sentent à être ses esclaves; et, si tel est son >> but, contre quelle puissance doit-il tourner ses >> regards inquiets, si ce n'est contre la GrandeBretagne? Quelques-uns ont prétendu qu'il ne » vouloit avoir avec nous d'autre rivalité que >> celle du commerce; heureux cet homme, si >> des vues administratives étoient entrées dans » sa tête! mais qui pourroit le croire, il suit >> l'ancienne méthode des taxes exagérées et >> des prohibitions. Toutefois il voudroit arri>> ver par un chemin plus court à notre perte; » peut-être se figure-t-il que, ce pays une fois » subjugué, il pourra transporter chez lui no>>tre commerce, nos capitaux et notre crédit, » comme il a fait venir à Paris les tableaux et >> les statues d'Italie. Mais ses ambitieuses espé>>rances seroient bientôt trompées; ce crédit

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disparoîtroit sous la griffe du pouvoir; ces ca>> pitaux s'enfonceroient dans la terre, s'ils » étoient foulés aux pieds d'un despote; et ces >> entreprises commerciales seroient sans vi>> gueur en présence d'un gouvernement arbi» traire. S'il écrit sur ses tablettes des notes marginales relatives à ce qu'il doit faire des di» vers pays qu'il a soumis ou qu'il veut soumet>>tre, le texte entier est consacré à la destruction

» de notre patrie. C'est sa première pensée en » s'éveillant, c'est sa prière, à quelque divinité » qu'il l'adresse, Jupiter ou Mahomet, le dieu » des batailles ou la déesse de la raison. Une >> importante leçon doit être tirée de l'arro»gance de Bonaparte: il se dit l'instrument » dont la Providence a fait choix pour rendre >> le bonheur à la Suisse, et la splendeur et l'im»portance à l'Italie; et nous aussi, nous de>>vons le considérer comme un instrument >> dont la Providence a fait choix pour nous rat>> tacher davantage, s'il se peut, à notre constitu » tion, pour nous faire sentir le prix de la liberté qu'elle nous assure; pour anéantir toutes les » différences d'opinion en présence de cet in>> térêt; enfin pour avoir sans cesse présent à >> l'esprit, que tout homme qui arrive en An» gleterre, en sortant de France, croit s'échap>> per d'un donjon pour respirer l'air et la vie » de l'indépendance.

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La liberté triompheroit aujourd'hui dans l'opinion universelle, si tous ceux qui se sont ralliés à ce noble espoir avoient bien vu, dès le commencement du règne de Bonaparte, que le premier des contre-révolutionnaires, et le seul redoutable alors, c'étoit celui qui se revêtoit des couleurs nationales pour rétablir impu

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