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L'ASSEMBLÉE Constituante avoit fait plus de lois en deux ans que le parlement d'Angleterre en cinquante; mais au moins ces lois réformoient des abus et se fondoient sur des principes. L'assemblée législative ne rendit pas moins de décrets, quoique rien de vraiment utile ne restât plus à faire; mais l'esprit de faction inspira tout ce qu'elle appeloit des lois. Elle accusa les frères du roi, confisqua les biens des émigrés, et rendit contre les prêtres un décret de proscription dont les amis de la liberté devoient être encore plus révoltés que les bons catholiques, tant il étoit contraire à la philosophie et à l'équité. Quoi! dira-t-on, les émigrés et les prêtres n'étoientpas les ennemis de la révolution? Ce motif étoit suffisant pour ne pas élire députés de tels hommes, pour ne pas les appeler à la direction des affaires publiques; mais que deviendroit la société humaine, si, loin de ne s'appuyer que sur des principes immuables, l'on

ils

pouvoit diriger les lois contre ses adversaires comme une batterie? L'assemblée constituante

ne persécuta jamais ni les individus, ni les classes; mais l'assemblée suivante ne fit que des décrets de circonstance, et l'on ne sauroit guère citer une résolution prise par elle, qui pût durer au-delà du moment qui l'avoit dictée.

L'arbitraire, contre lequel la révolution devoit être dirigée, avoit acquis une nouvelle force par cette révolution même ; en vain prétendoit-on tout faire pour le peuple : les révolutionnaires n'étoient plus que les prêtres d'un dieu Moloch, appelé l'intérêt de tous, qui demandoit le sacrifice du bonheur de chacun. En politique persécuter ne mène à rien, qu'à la nécessité de persécuter encore; et, tuer, ce n'est pas détruire. On a dit, avec une atroce intention, que les morts seuls ne reviennent pas; et cette maxime n'est pas même vraie, car les enfans et les amis des victimes sont plus forts par les ressentimens que ne l'étoient par leurs opinions ceux même qu'on a fait périr. Il faut éteindre les haines et non pas les comprimer. La réforme est accomplie dans un pays quand on a su rendre les adversaires de cette réforme fastidieux, mais non victimes.

TOME II.

3..

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De la première guerre entre la France et l'Europe.

ON ne doit pas s'étonner que les rois et les princes n'aient jamais aimé les principes de la révolution françoise. C'est mon métier, à moi, d'être royaliste, disoit Joseph II. Mais comme l'opinion des peuples pénètre toujours dans le cabinet des rois, au commencement de la révolution, lorsqu'il ne s'agissoit que d'établir une monarchie limitée, aucun monarque de l'Europe ne songeoit sérieusement à faire la guerre à la France pour s'y opposer. Le progrès des lumières étoit tel dans toutes les parties du monde civilisé, qu'alors, comme aujourd'hui, un gouvernement représentatif, plus ou moins semblable à celui de l'Angleterre, paroissoit convenable et juste, et ce système ne rencontroit point d'adversaires imposans parmi les Anglois, ni parmi les Allemands. Burke, dès l'année 1791, exprima son indignation contre les crimes déjà commis en France, et contre les faux systèmes de politique qu'on y avoit adoptés;

mais ceux du parti aristocrate qui, sur le continent, citent aujourd'hui Burke comme l'ennemi de la révolution, ignorent peut-être qu'à chaque page il reproche aux François de ne s'être pas conformés aux principes de la constitution d'Angleterre.

<«< Je recommande aux François notre con*»stitution, dit-il; tout notre bonheur vient » d'elle. La démocratie absolue, dit-il ail» leurs (1), n'est pas plus un gouvernement lé>> gitime que la monarchie absolue. Il n'y a (2) » qu'une opinion en France contre la monar>>> chie absolue; elle étoit à sa fin, elle expi>> roit sans agonie et sans convulsions; toutes >>> les dissensions sont venues de la querelle >> entre une démocratie despotique et un gou» vernement balancé. ››

Si la majorité de l'Europe, en 1789, approuvoit l'établissement d'une monarchie limitée en France, d'où vient donc, dira-t-on, que dès l'année 1791 toutes les provocations sont venues du dehors? Car bien que la France ait imprudemment déclaré la guerre à l'Autriche en 1792, dans le fait les puissances étrangères

(1) OEuvres de Burke, vol. III, pag. 179. (2) Pag. 183.

se sont montrées, les premières, ennemies des François par la convention de Pilnitz, et les rassemblemens de Coblentz. Les récriminations réciproques doivent remonter jusqu'à cette époque. Toutefois l'opinion européenne et la sagesse de l'Autriche auroient prévenu la guerre, si l'assemblée législative eût été modérée. La plus grande précision dans la connoissance des dates est nécessaire pour juger avec impartialité qui, de l'Europe ou de la France, a été l'agresseur. Six mois plus tard rendent sage en politique ce qui ne l'étoit pas six mois plus tôt, et souvent on confond les idées, parce qu'on a confondu les temps.

Les puissances eurent tort, en 1791, de se laisser entraîner aux mesures imprudentes conseillées par les émigrés. Mais après le 10 août 1792, quand le trône fut renversé, l'état des choses en France devint tout-à-fait inconciliable avec l'ordre social. Ce trône, toutefois, ne se seroit-il pas maintenu, si l'Europe n'avoit pas menacé la France d'intervenir à main armée dans ses débats intérieurs, et révolté la fierté d'une nation indépendante, en lui imposant des lois? La destinée seule a le secret de semblables suppositions une chose est incontestable ; c'est que la convention de Pilnitz a commencé la longue

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