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chambellan d'une des nouvelles princesses : Mais que voulez-vous? disoit-il, il faut bien servir quelqu'un. Quelle réponse! Et toute la condamnation des gouvernemens, fondés sur l'esprit de cour, n'y est-elle pas renfermée ?

La noblesse angloise eut bien plus de di→ gnité dans les troubles civils; car elle ne commit pas deux fautes énormes dont les gentilshommes françois peuvent difficilement se disculper: l'une, de s'être réunis aux étrangers contre leur propre pays; l'autre, d'avoir accepté des places dans le palais d'un homme qui, d'après leurs maximes, n'avoit aucun droit au trône; car l'élection du peuple, à supposer que Bonaparte pût s'en vanter, n'étoit pas à leurs yeux un titre légitime. Certes, il ne leur est pas permis d'être intolérans après de telles preuves de condescendance; et l'on offense moins, ce me semble, l'illustre famille des Bourbons, en souhaitant des limites constitutionnelles à l'autorité du trône, qu'en ayant accepté des places auprès d'un nouveau souverain souillé par l'assassinat d'un jeune guerrier

de l'ancienne race.

La noblesse françoise qui a servi Bonaparte dans les emplois du palais, prétendroit-elle y avoir été contrainte? Bien plus de pétitions

encore ont été refusées que de places données ; et ceux qui n'ont pas voulu se soumettre aux désirs de Bonaparte à cet égard, ne furent point forcés à faire partie de sa cour. Adrien et Mathieu de Montmorency, dont le nom et le caractère attiroient les regards, Elzear de Sabran, le duc et la duchesse de Duras, plusieurs autres encore, quoique pas en grand nombre, n'ont point voulu des emplois offerts par Bonaparte; et, bien qu'il fallût du courage pour résister à ce torrent qui emporte tout en France dans le sens du pouvoir, ces courageuses personnes ont maintenu leur fierté, sans être obligées de renoncer à leur patrie. En général, ne pas faire est presque toujours possible, et il faut que cela soit ainsi, puisque rien n'est une excuse pour agir contre ses principes.

Il n'en est pas assurément des nobles françois qui se sont battus dans les armées, comme des courtisans personnels de la dynastie de Bonaparte. Les guerriers, quels qu'ils soient, peuvent présenter mille excuses, et mieux que des excuses, suivant les motifs qui les ont déter-. minés, et la conduite qu'ils ont tenue. Car, enfin, dans toutes les époques de la révolution, il a existé une France; et, certes, les pre

miers devoirs d'un citoyen sont toujours envers

sa patrie.'

Jamais homme n'a su multiplier les liens de la dépendance plus habilement que Bonaparte. Il connoissoit mieux que personne les grands et les petits moyens du despotisme; on le voyoit. s'occuper avec persévérance de la toilette des femmes, afin que leurs époux, ruinés par leurs dépenses, fussent plus souvent obligés de recourir à lui. Il vouloit aussi frapper l'imagination des François par la pompe de sa cour. Le vieux soldat qui fumoit à la porte de Frédéric II suffisoit pour le faire respecter de toute l'Europe. Certainement Bonaparte avoit assez de talens militaires pour obtenir le même résultat les mêmes moyens ; par mais il ne lui suffisoit pas d'être le maître, il vouloit encore être le tyran; et, pour opprimer l'Europe et la France, il falloit avoir recours à tous les moyens qui avilissent l'espèce humaine : aussi, le malheureux n'y a-t-il que trop bien réussi !

La balance des motifs humains pour faire le bien ou le mal est d'ordinaire en équilibre dans la vie, et c'est la conscience qui décide. Mais quand sous Bonaparte un milliard de revenus, et huit cent mille hommes armés pesoient en faveur des mauvaises actions, quand l'épée

de Brennus étoit du même côté que l'or, pour faire pencher la balance : quelle terrible séduction! Néanmoins, les calculs de l'ambition et de l'avidité n'auroient pas suffi pour soumettre la France à Bonaparte; il faut quelque chose de grand pour remuer les masses, et c'étoit la gloire militaire qui enivroit la nation, tandis que les filets du despotisme étoient tendus par quelques hommes dont on ne sauroit assez signaler la bassesse et la corruption. Ils ont traité de chimère les principes constitutionnels, comme l'auroient pu faire les courtisans des eux gouvernemens de l'Europe, dans les rangs desquels ils aspiroient à se placer. Mais le maître, ainsi que nous allons le voir, vouloit encore plus que la couronne de France, et ne s'en est pas tenu au despotisme bourgeois dont ses agens civils auroient souhaité qu'il se contentât chez lui, c'est-à-dire, chez nous.

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TOME II.

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De la conduite de Napoléon envers le continent européen.

DEUX plans de conduite très-différens s'offroient à Bonaparte, lorsqu'il se fit couronner empereur de France. Il pouvoit se borner à la barrière du Rhin et des Alpes que l'Europe ne lui disputoit plus après la bataille de Marengo, et rendre la France, ainsi agrandie, le plus puissant empire du monde. L'exemple de la liberté constitutionnelle en France auroit agi graduellement, mais avec certitude, sur le reste de l'Europe. On n'auroit plus entendu dire que la liberté ne peut convenir qu'à l'Angleterre, parce qu'elle est une île ; qu'à la Hollande, parce qu'elle est une plaine; qu'à la Suisse, parce que c'est un pays de montagnes ; et l'on auroit vu une monarchie continentale fleurir à l'ombre de la loi qui, après la religion dont elle émane, est ce qu'il y a de plus saint sur la terre.

Beaucoup d'hommes de génie ont épuisé tous leurs efforts pour faire un peu de bien, pour

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