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mais le respect que la race humaine doit inspirer.

L'Europe a su comment madame Élisabeth, sœur du roi, voulut empêcher qu'on ne détrompât les furieux qui la prenoient pour la reine, et la menaçoient à ce titre. La reine elle-même devoit être reconnue à l'ardeur avec laquelle elle pressoit ses enfans contre son cœur. Le roi dans ce jour montra toutes les vertus d'un saint. Il n'étoit déjà plus temps de se sauver en héros; le signe horribe du massacre, le bonnet rouge, fut placé sur sa tête dévouée; mais rien ne pouvoit l'humilier, puisque toute sa vie n'étoit qu'un sacrifice continuel.

L'assemblée, honteuse de ses auxiliaires, envoya quelques-uns des députés pour sauver la famille royale ; et Vergniaud, l'orateur le plus éloquent peut-être de tous ceux qui se sont fait entendre à la tribune françoise, dissipa dans d'instans la populace.

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Le général La Fayette, indigné de ce qui se passoit à Paris, quitta son armée pour venir à la barre de l'assemblée demander justice de l'affreuse journée du 20 juin 1792. Si les girondins alors s'étoient réunis à lui et à ses amis, on pouvoit peut-être encore empêcher l'entrée des étrangers, et rendre au roi l'autorité consti

tutionnelle qui lui étoit due. Mais à l'instant où M. de la Fayette termina son discours par ces paroles qu'il lui convenoit si bien de prononcer: «< Telles sont les représentations, que sou» met à l'assemblée un citoyen auquel on ne >> sauroit du moins disputer son amour pour la >> liberté ; » Guadet, collègue de Vergniaud, monta rapidement à la tribune, et se servit avec habileté de la défiance que doit avoir toute assemblée représentative contre un général qui se mêle des affres intérieures. Cependant, quand il rappeloit les souvenirs de Cromwell, dictant au nom de son armée des lois aux représentans de son pays, on savoit bien qu'il n'y avoit là ni tyran ni soldats, mais un citoyen vertueux, qui, bien qu'ami de la république en théorie, ne pouvoit supporter le crime, sous quelque bannière qu'il prétendit se ranger.

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CHAPITRE VII.

Anniversaire du 14 juillet, célébré en 1792.

DES adresses de toutes les parties de la France, alors sincères, puisqu'il y avoit du danger à les signer, exprimoient le vœu de la grande majorité des citoyens en faveur du maintien de la constitution. Quelque imparfaite qu'elle fût, c'étoit une monarchie limitée; et tel a toujours été le vœu des François, les factieux ou les soldats ont pu seuls empêcher qu'il ne prévalût. Si les chefs du parti populaire avoient pu croire que la nation désirât véritablement la république, ils n'auroient pas eu besoin des moyens les plus injustes pour l'établir. On n'a point recours au despotisme, quand on a pour soi l'opinion; et quel despotisme, juste ciel! que celui qu'on voyoit sortir alors des classes de la société les plus grossières, comme les vapeurs s'élèvent des marais pestilentiels! Marat, dont la postérité se souviendra peut-être, afin de rattacher à un homme les crimes d'une époque, Marat se servoit chaque jour de son journal, pour menacer des plus affreux supplices la fa

TOME II.

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mille royale et ses défenseurs. Jamais on n'avoit vu la parole humaine ainsi dénaturée ; les hurlemens des bêtes féroces pourroient être traduits dans ce langage.

Paris étoit divisé en quarante-huit sections, qui toutes envoyoient des députés à la barre de l'assemblée, pour dénoncer les moindres actes comme des forfaits. Quarante-quatre mille municipalités renfermoient chacune un club de jacobins qui relevoit de celui de Paris, soumis lui-même aux ordres des faubourgs. Jamais une ville de sept cent mille âmes ne fut ainsi transformée. L'on entendoit de toutes parts des in-. jures dirigées contre le palais des rois; rien ne le défendoit plus qu'une sorte de respect qui

servoit encore de barrière autour de cette antique demeure; mais à chaque instant cette barrière pouvoit être franchie, et tout alors étoit perdu.

On écrivoit des départemens qu'on envoyoit les hommes les plus furieux à Paris, pour célébrer le 14 juillet, et qu'ils n'y venoient que pour massacrer le roi et la reine. Le maire de Paris, Péthion, un froid fanatique, poussant à l'extrême toutes les idées nouvelles, parce qu'il étoit plus capable de les exagérer que de les comprendre; Péthion, avec une niaiserie

extérieure qu'on prenoit pour de la bonne foi, favorisoit toutes les émeutes. Ainsi l'autorité même se mettoit du parti de l'insurrection. L'administration départementale, en vertu d'un article constitutionnel, suspendit Péthion de ses fonctions; les ministres du roi confirmèrent cet arrêté; mais l'assemblée rétablit le maire dans sa place, et son ascendant s'accrut par sa disgrâce momentanée. Un chef populaire ne peut rien désirer de mieux qu'une persécution apparente, suivie d'un triomphe

réel.

Les Marseillois envoyés au Champ-de-Mars pour célébrer le 14 juillet, portoient écrit sur leurs chapeaux déguenillés Péthion, ou la mort! Ils passoient devant l'espèce d'estrade sur laquelle étoit placée la famille royale, en criant : Vive Pethion! Misérable nom que le mal même qu'il a fait n'a pu sauver de l'obscurité! A peine quelques foibles voix faisoient entendre : Vive le roi! comme un dernier adieu, comme une dernière prière.

L'expression du visage de la reine ne s'effacera jamais de mon souvenir; ses yeux étoient abîmés de pleurs ; la splendeur de sa toilette, la dignité de son maintien contrastoient avec le cortége dont elle étoit environnée. Quelques

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